| Focus 1/1 | Zoonoses et environnement

Diversité des zoonoses

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1. Quelques exemples emblématiques

1.1. La grippe

La grippe est avant tout une maladie du monde animal. Les virus Influenza, responsables de la grippe, touchent de très nombreuses espèces animales (oiseaux, porcs, chevaux, mammifères marins, canidés, félidés, petits carnivores, etc…). L’émergence d’un virus influenza du monde animal qui s’adapterait à l’humain reste un danger majeur d’épidémie et de pandémie, et il suffit de remonter de quelques années pour en trouver des exemples : en 2010 un nouveau virus de type H1N1 (Taux de léthalité chez l’homme = 52%) [1] est apparu dans la population humaine après un passage chez le porc, faisant craindre une pandémie sévère ; en 2003 l’apparition d’un virus aviaire de type H5N1 a infecté quelques humains avec une létalité de plus de 50 %, heureusement sans transmission interhumaine directe mais cette éventualité reste redoutable. L’histoire de la grippe recèle de nombreuses pandémies dévastatrices. La plus emblématique est celle de 1918-1919, dite de grippe espagnole (entre 40 et 80 millions de morts), mais on peut se rappeler également de la pandémie de grippe asiatique (1957, au moins un million de morts) ou de la pandémie de grippe de Hong-Kong (1968, 4 millions de morts).

Figure 1. Un bâtiment dans une ferme de poules pondeuses en Thaïlande, avec peu de mesures de biosécurité. (Photographie des auteurs]

Le danger d’une possible transgression de la barrière d’espèce provient du haut niveau de mutations auquel sont soumis les virus influenza lors de la réplication virale, et du caractère segmenté de leurs génomes. Tous les dangers sont considérablement accrus dans les élevages industriels qui regroupent de milliers (voire des dizaines ou même des centaines de milliers dans certains élevages de volailles), induisant une considérable réplication virale lors d’une contagion dans l’élevage, et donc une forte probabilité d’apparition de variants dangereux et potentiellement transmissibles à l’humain (Figure 1).

Depuis les années 80, nous bénéficions d’atouts majeurs dans la prévention des pandémies de grippe : la vaccination de masse, le développement de méthodes de diagnostic rapide, le développement d’antiviraux efficaces, et la mise en place de réseaux de surveillance au niveau mondial. Le danger d’une nouvelle pandémie grippale d’origine animale est malgré tout toujours bien présent.

1.2. La rage

La rage est une maladie virale qui affecte principalement les mammifères, y compris l’homme. Le virus peut infecter un large éventail d’animaux, notamment les chauves-souris, les ratons laveurs, les mouffettes, les renards et les chiens. Les chauves-souris sont des réservoirs naturels du virus. Généralement, la transmission à l’homme se fait par morsure ou griffure d’un animal infecté. La transmission interhumaine est exceptionnelle.

La rage reste un grave problème de santé publique dans de nombreuses parties du Monde, en particulier dans les régions où les programmes de vaccination des animaux domestiques ne sont pas finalisés et où le traitement précoce après morsure est limité. La rage est responsable de près de 59 000 décès annuels dans le monde, principalement en Asie et en Afrique, malgré des vaccins très efficaces pour prévenir la maladie chez les animaux et les humains.

1.3. La peste

On pense que la peste est née en Asie centrale dans les populations de rongeurs sauvages, considérés comme des réservoirs naturels de Yersinia pestis, la bactérie responsable de la maladie. Le cycle naturel de la bactérie comprend plusieurs éléments clés : des hôtes réservoirs (rongeurs, écureuils, chiens de prairie) et des vecteurs (la puce du rat qui infecte ou est infectée en piquant). Périodiquement, il peut y avoir des épizooties de peste parmi les hôtes réservoirs, avec une mortalité élevée. L’humain infecté (par piqûre d’une puce infectée ou par contact direct avec le réservoir) peut développer diverses formes de la maladie. Au cours des épidémies, la transmission peut également être interhumaine, principalement par des gouttelettes respiratoires ou par contact direct avec des fluides corporels infectés.

La peste a été à l’origine d’épidémies historiques dévastatrices. Au XIVe siècle, la pandémie de la peste noire a tué quelque 25 millions de personnes, soit environ un tiers de la population européenne de l’époque. La peste existe encore aujourd’hui dans certaines parties du Monde, mais les connaissances médicales modernes et les mesures de santé publique ont permis de contrôler sa propagation et d’en atténuer l’impact.

1.4. Le SARS, le MERS, la COVID-19

Les coronavirus touchent surtout le monde animal (chiroptères, oiseaux, porc, rongeurs, chiens, chats, chevaux, dauphins…) et provoquent chez les animaux des infections respiratoires. A ce titre, La Chine occupe une place centrale pour la diffusion des coronavirus. En effet, c’est un vaste pays dont les climats variés entraînent une grande diversité de chauve-souris et de virus (Lire l’article Chauves-souris et virus ou comment cohabiter en harmonie). En outre, les chauves-souris côtoient de près une forte population humaine, ce qui favorise potentiellement la transmission de virus aux humains et aux animaux d’élevage (Lire Focus Chauves-souris et émergence des coronavirus).

Quelques virus concernent l’humain, chez qui il provoque généralement un simple syndrome grippal. Néanmoins, en 2003 émerge en Chine un nouveau virus (Syndrome Aigu Respiratoire Sévère à Coronavirus, SARS-CoV) qui provoque chez l’humain une infection respiratoire sévère. La transmission interhumaine est directe, et le virus se répand rapidement dans le Monde. Plus de 8000 personnes seront infectées, principalement en Chine, avec près de 800 décès. Grace à une forte mobilisation et coordination internationale, l’épidémie a pu être rapidement contrôlée puis stoppée. En 2012, un nouveau coronavirus humain, nommé MERS-CoV, est identifié au Moyen-Orient. S’il provoque une forte létalité (environ 35 %), il ne se transmet pas facilement et reste cantonné à sa région d’émergence. Fin 2019, un nouveau coronavirus humain émerge, de nouveau en Chine (SARS-CoV-2). Ce virus, proche du SARS-CoV de 2003, provoque une maladie respiratoire (COVID-19) potentiellement sévère, se transmet facilement entre humains, et l’épidémie se transforme rapidement en pandémie sans qu’il soit possible de la contenir malgré de très nombreuses mesures de confinement et de restriction des contacts.

Ces nouveaux coronavirus humains proviennent tous du monde animal. Comme les virus Influenza, les coronavirus sont soumis à de nombreuses mutations lors de la réplication virale, ce qui les rend particulièrement susceptibles aux phénomènes de transgression de la barrière d’espèce et d’adaptation à un nouvel hôte. Depuis son l’émergence, le SARS-CoV-2 s’est installé de façon endémique dans la population humaine.

2. Les principales zoonoses

On dénombre aujourd’hui plus de 150 maladies zoonotiques dans le Monde, dont une douzaine sont à elles seules responsables de 2,2 millions de décès par an. Si l’on dénombre plus de 5000 virus identifiés (alors que plus de 320 000 sont attendus par la recherche), seulement un peu plus de 200 espèces de virus ont été reconnues et identifiées comme capables d’infecter l’humain. Parmi ces virus, 62 % sont d’origine animale, et la plupart sont issus de la faune sauvage (Tableaux 1 et 2).

Les pandémies de type zoonotiques mettent en évidence l’interconnexion entre les hommes, les animaux et l’environnement. Des facteurs tels que l’empiètement croissant de l’homme sur les habitats de la faune sauvage, les changements dans l’utilisation des sols et la mobilité des personnes et des produits peuvent faciliter la propagation d’agents pathogènes de l’animal à l’homme. Il est essentiel de détecter les agents pathogènes à potentiel zoonotique et d’y répondre rapidement pour éviter le passage à la pandémie (ex. : contrôle frontalier) (Tableaux 3 et 4).

  • Tableau 1. Des zoonoses virales qui ont émergé au 21e siècle

  • Tableau 2. Zoonoses virales qui ont ré-émergé au 21e siècle avec une extension géographique inégalée

 

  • Tableau 3. Des zoonoses pandémiques historiques

 

 

 

 

 

 

 

  • Tableau 4. Zoonoses ayant acquis une transmission H-H (vecteur ou non ?) avec un potentiel pandémique avéré

 

 

 

 

 

 

 

 


Notes et références

[1] Une étude publiée le 3 mai 2024 dans le New England Journal of Medicine (Uyeki, T. M. et al. N. Engl. J. Med. (2024)) a confirmé qu’un ouvrier laitier au Texas avait été contaminé par le virus grippal A type H5N1. Toutefois, les autorités américaines n’ont pas signalé un grand nombre de décès ou de cas graves chez l’homme ; ce qui laisse penser que le virus n’est pas encore devenu hautement transmissible ou mortel, selon Michael Worobey, biologiste de l’évolution à Tucson (Arizona, USA). Toutefois Gregory Gray (Epidémiologiste à Galveston, Texas, USA) affirme l’existence de rapports anecdotiques de nombreux autres cas chez l’homme. Jessica Leibler (Santé Environnementale, Boston, USA) soupçonne que l’exposition des travailleurs agricoles risque d’être déjà très élevée. Ce n’est pas un virus qui va disparaître de quelque manière que ce soit. D’autant plus que ces deux dernières années, la liste des animaux morts [de la grippe aviaire] est devenue impressionnante (ours polaires, manchots,notamment). Ce n’est plus une maladie ne touchant que la volaille et les oiseaux en général.