Le Maroc, une mosaïque de climats

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Le Maroc, situé à la croisée des climats tempéré au nord et tropical au sud, est un véritable carrefour où se rencontrent les masses d’air froides et chaudes, dont les effets changent au rythme des saisons. Grâce à ses caractéristiques géographiques uniques, entre reliefs montagneux et influences océaniques, le pays dévoile une mosaïque de climats aux multiples facettes. Cet article vous invite à explorer comment ces forces naturelles, alliées à la variabilité des facteurs climatiques, façonnent un climat marocain particulièrement sensible aux fluctuations et aux effets du changement climatique. Vous découvrirez au fil des pages comment la géographie marocaine métamorphose ces influences pour créer un environnement à la fois fascinant et vulnérable.

1. Position géographique du Maroc

Figure 1. Situation géographique du Maroc, hypsométrie et position des stations météorologiques citées dans le texte [Source : © Hanchane]
Situé à l’extrême Nord-Ouest du continent africain, le Maroc a un emplacement géographique entre les latitudes 21°N et 36°N et les longitudes 1°W et 17°W (Figure 1). Cette position l’expose aux influences atmosphériques du climat tempéré au nord et tropical au sud. En plus, les influences géographiques propres au Maroc, atlantiques à l’ouest et méditerranéennes au nord, sahariennes au sud et montagnardes au centre, selon une direction Sud-ouest Nord-est, offrent au pays une mosaïque climatique qui se compose, selon la classification de Köppen [1] (Voir Focus La classification de Köppen), des climats méditerranéen, méditerranéen montagnard, aride steppique et aride désertique. L’influence de l’altitude ajoute à ces types de climats des étages bioclimatiques allant de l’hyperaride jusqu’au perhumide (Voir Focus L’indice d’Emberger) avec des variantes thermiques altitudinales situées entre l’hiver extrêmement froid et l’hiver chaud.

2. Répartition des températures au Maroc

Figure 2. Températures moyennes (en °C) du mois de janvier. Période 1979-2013. [Source des données : © CHELSA. https://chelsa-climate.org/] ; voir refs. [3 & 4].
La répartition spatiale des températures moyennes au Maroc montre un gradient latitudinal croissant nord-sud et ouest-est. Le premier gradient traduit plus ou moins la répartition croissante inversement proportionnelle à la latitude du bilan radiatif alors que le second traduit les effets de la continentalité (ou éloignement de la mer) et du relief des chaînes montagneuses de l’Atlas et du Rif.

Les températures moyennes du mois le plus froid de janvier enregistrent les valeurs les plus faibles sur les sommets montagneux et les zones continentales (Figure 2) [2,3]. L’effet thermique tampon de l’océan est à remarquer au niveau des zones côtières qui enregistrent des valeurs plus clémentes.

Figure 3. Températures moyennes (en °C) du mois de juillet. Période 1979-2013. [Source des données : © CHELSA. https://chelsa-climate.org/] ; voir refs. [3 & 4].
Les températures moyennes du mois le plus chaud sont enregistrées au Sud-est et à l’extrême Sud du pays (Figure 3). Ces températures maximales montrent un gradient croissant nord-sud sur la moitié Nord du pays qui est atténué par les reliefs montagneux où l’on enregistre les températures maximales les plus faibles. Sur la moitié Sud du pays, notamment au niveau du Sahara marocain, on assiste plutôt à un fort gradient ouest-est qui traduit l’effet de l’éloignement de la mer. Le littoral marocain connait une certaine homogénéité au niveau de ses valeurs thermiques estivales qui se situent entre 22 et 24 °C. Cependant, les moyennes du mois le plus chaud de juillet dépassent parfois celles des pays tropicaux humides à l’Est et au Sud-est du pays (ex. 31°C à Ouarzazate, 31,5°C à Bouârfa et 32,3°C à Errachidia).

Figure 4. Amplitude thermique annuelle (en °C). Période 1979-2013 [Source des données : © CHELSA. https://chelsa-climate.org/] ; voir ref. [3 & 4].
L’amplitude thermique annuelle (ATA) est maximale au Sud-est du pays (ex. les plaines de Tafilalet et de Draa) alors qu’elle atteint des valeurs minimales au niveau des stations côtières les plus occidentales (Figure 4). L’effet de la continentalité est dissimulé encore une fois par l’effet orographique : la station d’Ifrane, par exemple, enregistre des températures estivales proches des stations côtières. La ville d’Essaouira est l’exemple type de la ville marocaine où les variations thermiques saisonnières sont les plus faibles (amplitude thermique annuelle égale à 5°C). Cette amplitude thermique faible caractérise aussi la côte saharienne (ex. Sidi Ifni, Tarfaya, Dakhla).

 

3. Variabilité des pluies au Maroc

La répartition pluviométrique annuelle montre une forte variabilité spatiale (Figure 5). Les valeurs les plus élevées sont enregistrées sur les sommets montagneux du Rif (plus de 1200 mm/an) suivies par celle du Moyen Atlas (entre 1200 et 1000 mm/an). Les régions bénéficiant de conditions pluviométriques favorables (> 700 mm/an) ne couvrent que 7,1 % du territoire marocain. Les valeurs les plus basses, en dessous de 100 mm/an, se trouvent au Sud-est et à l’extrême Sud désertique du pays. Cette répartition montre non seulement une décroissance Nord-Sud des pluies, mais elle révèle aussi un gradient décroissant Ouest-Est qui est expliqué par les barrières montagneuses du Rif et de l’Atlas. Elle met aussi en évidence les pluies faibles, ne dépassant pas les 200 mm/an, au niveau de la plaine de Haouz et du bassin de la Moulouya. Les régions subdésertiques, recevant entre 200 et 100 mm/an, couvrent 78 % du territoire du pays. Le reste de la superficie du pays (17,9 %) est occupé par des régions semi-arides et arides à pluviométrie comprise entre 200 et 600 mm.

Figure 5. Cumul annuel moyen des précipitations (mm). Période 1979-2013. [Source des données : © CHELSA. https://chelsa-climate.org/] ; voir refs. [3 & 4]
En outre, la variabilité interannuelle très élevée est marquée par une succession de phases humides et sèches. Sur une période observée de 1960-61 à 2015-16, on décèle une période décennale humides durant les années 1960 à 1970 qui est marquée par les phases négatives de l’Oscillation Nord Atlantique (NAO-). Après cette période, les phases sèches, associées plutôt à des phases positives de l’Oscillation Nord Atlantique (NAO+) se sont installées et ont persisté jusqu’à la première décennie de ce 21e siècle (Lire La variabilité climatique : l’exemple de l’Oscillation nord-atlantique). La longue phase sèche, interrompue par une courte phase humide de 2009 et 2010, est encore une fois de retour d’une façon fortement intense. Cette succession de phases humides et sèches montre une forte variabilité interannuelle d’un hiver à l’autre avec de brusques changements : c’est l’exemple des hivers 1994-1995 (sec) /1995-1996 (humide) et 2009-2010 (humide)/2011-2012 (sèche).

A une échelle temporelle plus réduite (quelques jours), les séquences humides/sèches prennent naissance à la suite de pénétrations d’air froid polaire d’altitude. L’air océanique d’ouest, malgré sa faible fréquence d’occurrence, est jugé le plus favorable à la survenue des épisodes pluvieux, notamment pour les régions ouvertes aux influences océaniques (Maroc atlantique, les montagnes du Rif et de l’Atlas). Ceci souligne le rôle capital de l’océan Atlantique dans les apports pluviométriques au Maroc. L’air venant du Nord contribue aux journées pluvieuses de la moitié nord du pays (ex. Tanger, Ifrane et Oujda). Plus au sud, la région présaharienne, montre la contribution de l’air venant d’Ouest en plus de celui arrivant du secteur SO dans les journées pluvieuses.

4. Les types de climats du Maroc

Figure 6. Diagrammes ombrothermiques selon l’indice de Gaussen-Bagnouls. Stations de Tanger (climat méditerranéen a été sec de type Cs), Marrakech (climat steppique de type BSh), Laâyoune (climat désertique de type BWh) et d’Ifrane (climat montagnard méditerranéen de type Ds). Pour le diagramme d’Ifrane, sur l’axe horizontal des mois, les cases en bleu indiquent les Tmin extrêmes en dessous de 0°C. (Le seuil de 100 mm est dépassé pendant les mois froids). [Source : © Hanchane]
Selon la classification de Köppen (Voir Focus La classification de Köppen), quatre types de climats sont identifiés au Maroc :

  • climat méditerranéen (Cs : climat tempéré à été sec, c’est l’équivalent du climat méditerranéen),
  • climat aride steppique (BSh : Climat steppique a été chaud et sec), climat aride désertique (BWh : climat de désert à été chaud et sec)
  • climat méditerranéen de montagne (Ds : climat neigeux a été sec qui est rencontré uniquement les hauts sommets montagneux du pays).

La Figure 6 montre les diagrammes ombrothermiqueSe dit d’une représentation graphique combinant les données mensuelles des températures moyennes et des précipitations d’une station donnée. (La température et la pluie sont portées en ordonnée [1 °C = 2 mm de pluie]. L’intersection des deux courbes détermine une surface, caractéristique du climat de la station étudiée.) (selon l’indice de Gaussen-Bagnouls [4]) de diverses stations représentatives de divers types de climats au Maroc.

Cette classification place le Maroc au niveau des zones climatiques mondiales : tempéré au nord (de type C) et aride au sud (de Type B). Mais, tenant des comptes des spécificités biogéographiques de la partie orientale du pays, le qualificatif d’aride désertique (type BW) correspond en réalité aux bioclimats arides à hiver tempéré à frais selon la classification d’Emberger (voir Focus L’indice d’Emberger). Le long du littoral méditerranéen allant de Kebdana à El Hoceima, le bioclimat y est semi-aride à hiver tempéré. En outre, le bioclimat saharien et son équivalent désertique, selon Köppen, n’apparaissent qu’à partir des stations de Figuig et de Bouârfa.

4.1. Climat méditerranéen (Cs)

Le domaine climatique méditerranéen est cantonné sur la façade occidentale des continents entre 30° et 40° de latitude. Par définition, le climat méditerranéen (Cs) est caractérisé par une saison sèche. Il s’interpose entre le climat tempéré au nord et le climat désertique subtropical aride au sud. Une autre caractéristique est l’augmentation relativement forte du rayonnement solaire vers le sud.

Figure 7. La zone des Sehoul, au nord de Rabat-Salé, à climat de type Cs (Photo prise en décembre 2017). Le paysage illustre l’impact de la sécheresse en pleine saison d’hiver. [Source : © El Kassioui Jaafar ]
Les différentes variantes du climat méditerranéen s’observent depuis le littoral atlantique jusqu’à la frontière algérienne à l’Est, de la Méditerranée jusqu’au Sahara et depuis le niveau de la mer jusqu’aux hautes altitudes (Figure 7). La saison sèche, telle que définie par l’indice de Gaussen-Bagnouls, s’intensifie en direction du Sud et des régions situées derrière la barrière de l’Atlas ; l’effet de l’altitude orographique estompe la durée de cette saison sèche, en la réduisant même par rapport à celle des plaines côtières (ex. Station d’Ifrane) (voir Figure 6).

Figure 8. Port d’Essaouira (Cs), une ville au climat semi-aride, bénéficie de l’influence du courant des Canaries et des remontées d’eau froide, ce qui lui confère des températures clémentes en hiver comme en été, avec une faible amplitude thermique annuelle. (Photo prise en août 2024) [Source : © Hanchane Mohamed].
Le long du littoral marocain, la saison humide s’étend d’octobre à mai, atteignant Rabat. À partir de Casablanca jusqu’à El Jadida, cette saison se réduit à sept mois (octobre à avril). Pour Safi, elle dure d’octobre à mars, pour Essaouira (Figure 8) de novembre à mars, et pour Agadir de novembre à février. Le régime pluviométrique atteint un maximum en novembre-décembre, se prolongeant jusqu’en avril pour Ifrane et Fès. Les précipitations de mars diminuent progressivement à partir d’Essaouira.

En se dirigeant vers le sud, le climat méditerranéen (Cs) se dégrade vers des bioclimats semi-aride et aride (ou steppique-BSh) et des bioclimats hyperarides (ou désertique-BWh). Ces qualificatifs de steppique et de désertique, retenus dans la classification de Köppen, évoquent la dégradation désertique des climats méditerranéens à pluie d’hiver (Cs) dont il est difficile de cerner la limite méridionale à cause de la disposition du relief de l’Atlas [5].

4.2. Climat steppique a été chaud (BSh)

Figure 9. Vue panoramique sur l’Oued Melloulou (Province de Guercif-Maroc oriental), principal affluent de l’Oued Moulouya, mettant en évidence le développement d’une agriculture irriguée le long de son cours d’eau, dans le Maroc oriental au climat aride de type steppique (BSh) (Photo prise en mars 2020) [Source : © Hanchane Mohamed].
Le climat méditerranéen à dégradation semi-aride à aride comporte toujours le même maximum unique d’hiver, à l’exception du bassin oriental de la Moulouya (Figure 9). Dans cette région du Royaume, où la variabilité interannuelle des pluies atteint son maximum par rapport à l’ensemble du Maghreb, le régime pluviométrique saisonnier est marqué par un maximum printanier (régime Moulouyen selon Delannoy et Lecompte [6]). Pendant cette saison, ces terres continentales s’échauffent rapidement et des pluies convectives se développent à l’est de l’Atlas. Aussi, la désertification est une menace réelle pour l’oriental à laquelle s’ajoutent les pluies orageuses extrêmes de courte durée durant les mois d’automne et de printemps. Ce climat steppique est rencontré aussi dans la région du Haouz ; la station de Marrakech (BSh) est marquée par une très courte saison humide (janvier-mars) (Figure 6).

4.3. Climat désertique à été chaud (BWh)

Figure 10. Merzouga (Province d’Errachidia, BWh), un émerveillement au cœur du Sahara par ses vastes dunes de sable et son paysage désertique époustouflant. (Photo prise en mai 2018) [Source : © El Kassioui Jaafar].
Au Sud et au Sud-est du pays, l’aridité atteint son paroxysme ; tous les mois de l’année sont secs (Figure 10). Dans les provinces sahariennes, les maximas de novembre et décembre restent visibles pour les stations hyperarides (ex. Guelmine et Tan Tan). En s’avançant encore plus au sud, notamment à Laâyoune, ce maximum se déplace vers le mois de janvier. A partir de la latitude de Dakhla, un nouveau maximum apparait en septembre, révélant ainsi l’importance de l’influence marginale de la mousson sur le climat des provinces du sud marocain.

Figure 11. Illustration de l’association de cultures en étages arborescent, arbustif et herbacé dans l’oasis de Tafilalet (Province d’Errachidia) (BWh). Photo prise le 02/09/2021 [Source : © Sadiki Abderrazzak].
Au sein de l’hyperaridité du climat, les milieux oasiens constituent des écosystèmes uniques, construits et maintenus par les autochtones depuis des générations à partir d’une gestion rigoureuse des ressources en eau. Ils s’étendant de Figuig à l’est du pays jusqu’à la région de Guelmim sur la façade atlantique à l’ouest. Ils sont caractérisés par de faibles précipitations (parfois moins de 50 mm par an en zone hyperaride) et une forte amplitude thermique journalière dépassant les 30°C, accompagnée de températures nocturnes avoisinant 0°C selon les saisons. Ils contribuent à la formation d’un microclimat par « effet Oasis », au sein du désert, qui est créé par l’association de cultures sur trois étages souvent composée du palmier dattier, d’arbres fruitiers et de cultures maraîchère ou fourragères (Figure 11). L’humidité, produite par l’évapotranspiration (Lire Besoins en eau des plantes : comment les satisfaire ?), la chaleur et la lumière sont des conditions propices au développement des systèmes de culture et d’élevage dans un milieu hyperaride et où les terres fertiles sont rares. La pérennité des eaux des oasis est assurée par des apports pluviométriques et neigeux des montagnes du Haut Atlas et de l’Anti-Atlas qui les limitent au nord et au nord-ouest.

4.4. Les climats de montagne et chutes de neige au Maroc (Ds)

Figure 12. Le Cèdre de l’Atlas : arbre majestueux du parc national d’Ifrane (climat de type Ds). (Photo prise le 20 décembre 2021) [Source : © Hanchane Mohamed].
Le relief montagneux et sa complexité, due à l’exposition des versants par rapport à l’insolation et aux vents, engendrent une multitude de particularités climatiques locales, des topoclimats et des microclimats [7] dans les vallées encaissées, les dépressions, … Cependant, les spécificités méditerranéennes imposent leur rythme aux climats de la montagne marocaine. Cette empreinte climatique méditerranéenne, bien illustrée au niveau de la station d’Ifrane (voir Figure 6), montre la persistance du maximum pluviométrique hivernal et de la saison sèche mais raccourcie (Figure 12). Par ailleurs, les montagnes marocaines conservent, en comparaison avec les plaines, la même répartition des séquences de pluies ainsi que leur violence. Certes, le volume précipité en montagne est plus abondant, mais on note toujours le nombre faible de jours de pluies qui correspondent souvent à des averses de très courte durée. A titre d’exemple, le Rif peut recevoir 1000 à 2000 mm de pluies en quelques semaines qui peuvent dépasser, dans certains endroits humides, la moitié du volume moyen annuel.

Même si le minimum mensuel des températures minimales peut atteindre des valeurs critiques de -5.3°C en février à Ifrane (la valeur record est de -24°C en février 1935), il est insensé d’exclure le climat du relief montagneux du domaine climatique méditerranéen. Ce sont les chaînes de l’Atlas qui ont les caractères les plus typiquement méditerranéens, car elles sont marquées par une sécheresse estivale et parce qu’elles sont les seules où l’on retrouve toute la gamme bioclimatique du climagramme d’Emberger, depuis l’hyperaride jusqu’au perhumide, avec toutes les variantes thermiques altitudinales, du chaud à l’extrêmement froid. Cette diversité climatique confère aux montagnes marocaines une richesse au niveau des formations végétales et une biodiversité remarquable à l’échelle du domaine climatique méditerranéen.

Des risques de pluies orageuses durant la saison chaude peuvent survenir d’une façon brutale en régions de montagne. C’est l’exemple des pluies diluviennes de 1995 et 1999 dans la vallée de l’Ourika (Marrakech) qui ont été responsables de crues meurtrières. Les pluies d’été en régions montagneuses peuvent être accompagnées de chutes de grêle qui ont des impacts néfastes sur les rosacées. L’averse de grêle d’une taille supérieure à 5 mm, survenue le 6 juin 2020 dans la région Fès-Meknès, a été fortement perçue par la population surtout qu’elle a concerné non seulement les régions montagneuses du Moyen Atlas, mais aussi les villes avoisinantes comme Fès, Meknès et Taza.

Figure 13. Panorama du Haut Atlas Central depuis Agouyim (Province d’Ouerzazate) : Contrastes entre le climat aride BWh et le climat montagnard Ds. (Photo prise le 8 février 2023) [Source : © Kessabi Ridouane].
La neige de montagne joue un rôle capital pour la disponibilité des ressources hydriques en climat aride et semi-aride marocain. On souligne l’importance des précipitations neigeuses au Maroc au niveau des sommets montagneux qui se trouvent dans un contexte climatique continental marqué par l’aridité (Figure 13). La durée de l’enneigement a une importance capitale pour la vie des populations et leurs ressources hydriques : alimentation des troupeaux, production des cultures, ravitaillement, … Sa présence relativement longue sur les versants nord est fortement dépendante de l’insolation et de l’action des vents. En outre, il faut rappeler le rôle des chutes neigeuses sur les sommets du Haut Atlas pour la pérennité de l’eau dans les oasis de Tafilalet et de Drâa. D’autre part, nous soulignons la contribution significative des chutes neigeuses au Moyen Atlas oriental (les sommets de Bouiblane) pour le maintien de l’irrigation oléicole au milieu de la plaine aride de Guercif (Maroc Oriental). Cependant, la contribution des chutes neigeuses dans les ressources en eau n’est pas toujours bien connue dans le pays. Par ailleurs, la diminution des chutes de neige et le raccourcissement de la durée de leur présence sur les sommets montagneux sont de plus en plus perçus par les populations des montagnes du Moyen Atlas, menaçant ainsi les parcours et l’abreuvement du bétail [8].

4.5. Climat littoral atlantique et rôle du courant océanique des Canaries

Figure 14. Courants océaniques de surface sur l’océan Atlantique de l’hémisphère Nord illustrant le courant des Canaries et les vents des Alizés. [Source : © 2024 L’EcoVoyage d’Arvik]
Aux latitudes tropicales de l’hémisphère nord et à proximité du pays, le courant des Canaries est un courant froid qui longe les côtes marocaines jusqu’aux environs du Cap Blanc en été et jusqu’aux côtes sénégalaises en hiver. Ce courant de Nord-ouest est accéléré quand les vents soufflent du Nord (Figure 14).

Le courant froid des Canaries est considéré comme l’un des quatre principaux courants de frontière Est des océans qui sont affectées par le phénomène d’upwelling [9] côtier qui correspond à remontée d’eau froide profonde sur le plateau continental en compensant la dérive des eaux de surface vers le large, sous les actions combinées d’un vent favorable des alizés et de la rotation de la Terre. La côte atlantique marocaine est exclusivement traversée par ce courant qui est accompagné de remontées d’eau froides, variables dans le temps. Les eaux de surface, entrainées par le vent des Alizés, sont remplacées par de l’eau profonde froide qui rend le courant des Canaries encore plus froid. Ce courant froid déclenche une inversion thermique à la base de l’atmosphère qui est constatée depuis la ville de Casablanca, favorisant ainsi la condensation des basses couches atmosphériques au contact de la mer [10],[11]. Une brise marine fraîche et humide souffle vers le continent, aspirée par les courants ascendants au-dessus du continent qui s’échauffe. Mais cette inversion bloque les ascendances, empêche les précipitations et favorise les brouillards qui surviennent assez fréquemment à l’arrière-pays casablancais.

Figure 15. Sidi Ifni (Climat de type BWh) : Un havre de fraîcheur grâce au brouillard sur le littoral désertique marocain. (Photo prise en été 2020) [Source : © Hanchane Mohamed].
Au niveau des provinces du Sud, l’impact de la mer se traduit clairement dans l’humidité relative de l’atmosphère et les brouillards fréquents ; Tarfaya enregistre 24 jours de rosée par an, Dakhla 33, mais Smara seulement 2. Le littoral désertique marocain constitue des exceptions au régime hygrométrique du grand désert (Figure 15). En plus de l’humidité forte le long du littoral, les eaux froides de l’océan Atlantique favorisent des condensations qui donnent lieu à des brouillards. Ces derniers se dissipent rapidement et n’envahissent pas le continent plus chaud, parce qu’ils se vaporisent immédiatement à son contact. Les apports en eau par les brouillards sont essentiels pour les provinces du Sud. Par exemple, le climat aride de Sidi Ifni se caractérise par une pluviométrie annuelle d’environ 100 mm. À cela s’ajoutent 120 mm de pluie provenant des brouillards fréquents qui couvrent le littoral sur une largeur de 5 à 10 km. Les régions d’upwelling sont aussi des lieux de forte activité biologique et de forte production halieutique.

5. Messages à retenir

  • La position géographique du Maroc, entre les latitudes tropicales au sud et tempérées au nord, le rend dépendant aux conditions atmosphériques tant en altitude qu’à la surface.
  • Les conditions géographiques locales, telles que l’effet orographique, la continentalité, le bassin occidental de la mer Méditerranée, le courant froid des Canaries et la remontée des eaux profondes froides aux larges des côtes atlantiques marocaines (ou Upwellings), jouent un rôle déterminant dans la modulation du climat du Maroc.
  • La moitié nord du pays bénéficie d’un climat méditerranéen, qui cède progressivement place, vers le sud, à un climat aride désertique et, vers l’est, à un climat aride steppique. Les chaînes montagneuses du Rif et de l’Atlas confèrent au pays des conditions climatiques méditerranéennes uniques, où l’on retrouve toutes les variantes bioclimatiques. La montagne marocaine, véritable château d’eau du pays, joue un rôle essentiel dans la formation des précipitations solides, telles que la neige, qui alimentent à la fois les nappes phréatiques et l’écoulement des eaux de surface. Les précipitations sur les sommets de l’Atlas assurent la durabilité des ressources en eau et des cultures dans les oasis, en générant un microclimat unique qui favorise leur prospérité.
  • Sous l’influence des vents des Alizés, le courant océanique froid des Canaries exerce une influence marquée sur le climat du littoral saharien marocain, en apportant des températures plus fraîches et en modérant la chaleur intense propre à la région désertique du sud. Accompagné par les remontées d’eaux froides, ce phénomène atténue l’impact de la chaleur désertique, créant ainsi un climat plus tempéré le long de la côte. De plus, cette masse d’eau froide favorise la formation de brouillards marins et génère des microclimats spécifiques, qui jouent un rôle clé dans l’augmentation de l’humidité et le maintien de la végétation dans les zones côtières, notamment au sud de Sidi Ifni.
  • Face à la variabilité climatique et aux effets potentiels du changement climatique, l’ensemble du pays est de plus en plus menacé par des crises de sécheresse plus longues et récurrentes qui sont accentuées par des élévations des températures diurnes et nocturnes et des vagues de chaleur de plus en plus longues. Ces effets, ressentis au cours de cette dernière décennie, se traduisent aujourd’hui par une crise de sécurité hydrique à l’échelle nationale. Ainsi, des mesures drastiques de gestion et d’économie d’eau sont devenues une priorité nationale pour l’adaptation et la résilience face au changement climatique, car sans une gestion durable de cette ressource vitale, notre avenir sera inévitablement compromis.

    Notes et références

    Image de couverture. Image satellite de surveillance du temps et du climat illustrant un système nuageux précipitant au large des côtes atlantiques alors que le Maroc est sous des conditions de stabilité atmosphérique et de sécheresse hivernale. Image prise le 18 décembre 2024. [Source © EUMETSAT, 2024]. (https://pics.eumetsat.int/viewer/index.html).

[1] Beck, H. E., et al. (2018). Present and future Köppen-Geiger climate classification maps at 1-km resolution. Scientific data5(1), 1-12. https://www.nature.com/articles/sdata2018214

[2] Les données CHELSA (Climatologies at High resolution for the Earth’s Land Surface Areas) sont un ensemble de données climatiques mondiales à très haute résolution (30 secondes d’arc, ~ 1 km) qui sont hébergées par l’Institut Fédéral Suisse de Recherches sur la Forêt, la Neige et le Paysage (WSL).

[3] Karger et al. (2017). Climatologies at high resolution for the earth’s land surface areas. Scientific Data 4, 170122. https://www.nature.com/articles/sdata2017122

[4] H. Gaussen & F. Bagnouls (1952) L’indice xérothermique. Bulletin de l’Association de Géographes Français Année 1952, pp. 10-16

[5] Tassin, C. (2012). Paysages végétaux du domaine méditerranéen. France : IRD. 421 p. https://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/divers14-01/010055378.pdf.

[6] Delannoy, H. & Lecompte, M. (1980). Utilisation de l’analyse factorielle des correspondances pour l’étude, des précipitations quotidiennes: un exemple au Maroc. Méditerranée, Troisième série, Tome 40, pp. 29-36. https://www.persee.fr/doc/medit_0025-8296_1980_num_40_4_1952.

[7] Faute de moyens d’observation, ces aspects climatiques d’une échelle spatiale réduite ne sont pas encore élucidés par des travaux de recherche en climatologie marocaine.

[8] Enquête de terrain que nous avons menée en juin 2023 dans le cadre d’un projet national financé par le CNRST (Centre National de la Recherche Scientifique et Technique).

[9] Les écosystèmes d’upwelling (terme anglophone relatif aux remontées des eaux profondes) situés en bordures Est (ou EBUEs “Eastern Boundary Upwelling Ecosystems”) sont parmi les écosystèmes les plus productifs au monde. Ils couvrent une petite zone océanique (<1%) mais contribuent à 20% des prises mondiales de poissons.

[10] Leroux, M. (2002). Les climats subtropicaux dits « méditerranéens » et les climats de la Méditerranée (2e partie). L’information géographique. 66, 1, pp. 34-52. https://www.persee.fr/doc/ingeo_0020-0093_2001_num_65_4_2773

[11] Leroux, M. (2001). Les climats subtropicaux dits « méditerranéens » et les climats de la Méditerranée (1e partie). L’information géographique. 65, 4, pp. 304-320. https://www.persee.fr/doc/ingeo_0020-0093_2002_num_66_1_2788


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Pour citer cet article : HANCHANE Mohamed (16 janvier 2025), Le Maroc, une mosaïque de climats, Encyclopédie de l’Environnement. Consulté le 18 janvier 2025 [en ligne ISSN 2555-0950] url : https://www.encyclopedie-environnement.org/climat/climat-maroc/.

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