Interactions lichens-animaux
PDF1. Les lichens dans la chaîne alimentaire
Plusieurs animaux se nourrissent de lichens.[1] Ainsi, la végétation lichénique abondante de la toundra, en haute latitude, sert de base d’alimentation aux rennes et caribous et -à l’occasion- de certains animaux domestiques (Figure 1). Les Cladonia sont surtout appréciés. Bien que nommés « lichens des rennes, Cladonia rangiferina et Cladonia arbuscula, trop amers, sont évités au bénéfice d’autres espèces telles que Cladonia stellaris (Figure 2).
Par leur importance dans l’alimentation des rennes, les lichens jouent un rôle majeur dans la chaîne alimentaire. Notons qu’après consommation des lichens par un troupeau de rennes, la croissance des lichens étant très lente, la reconstitution de la végétation lichénique nécessite dans le pâturage une durée de plus de 30 années. Dans les milieux de montagne, ce sont les chamois et les bouquetins qui broutent volontiers les Cladonia présents au sol et parfois les Usnées accrochées aux branches ou sur les troncs.
Les escargots et les limaces, grâce à leur radula*, sont capables de grignoter les lichens saxicoles et provoquent parfois de véritables dégâts dans la végétation lichénique. Mais, par ailleurs, les fragments de lichens ingérés peuvent survivre au passage intestinal et devenir ainsi des vecteurs de la dispersion lichénique.[2] Certains escargots ont la faculté de se dissimuler derrière des lichens en les collant sur leur coquille.
Divers insectes, comme les Acariens Oribates ou des Lépidoptères à l’état larvaire vivent dans des lichens et s’en nourrissent. Ils s’y camouflent par mimétisme et il est parfois difficile de repérer la chenille du lichen qu’ils consomment. Le cas le plus connu est celui de la Boarmie des lichens ou Cleorodes lichenaria (Figure 3). En outre, les lichens corticoles servent souvent d’abri à divers insectes qui peuvent parasiter les arbres supports. C’est pourquoi les agriculteurs suppriment les lichens présents sur les arbres de leurs vergers. Il n’est pas rare aussi de constater, au bout de quelques années, que les lichens mis en herbier peuvent être encore attaqués par des insectes comme les Psoques.
2. Lichens et oiseaux dans leur environnement
En haute montagne, le dépôt de fientes des oiseaux favorise le développement de certaines espèces dites nitrophiles qui recherchent les matières azotées, telles que Xanthoria elegans, X. calcicola (Figure 4). Dans les Hautes-Alpes, la prolifération de ces lichens sur certaines parois a permis de repérer la présence d’aigles royaux. [3] Les oiseaux cherchent souvent leur nourriture (araignées, insectes ou leurs œufs ou leurs larves) sous les lichens.
De nombreux oiseaux (mésange, pinson des arbres, cassenoix moucheté) utilisent fréquemment des lichens pour la construction de leur nid (Figure 5). Les lichens localisés sur la partie extérieure du nid aident à sa dissimulation vis-à-vis des prédateurs, et à l’intérieur, constituent une véritable couche isolante pour la protection du froid. Certains oiseaux, comme le grimpereau des bois, dispersent les lichens en arrachant quelques fragments quand ils se déplacent sur le tronc et lorsqu’ils volent d’un arbre à l’autre, ils participent de cette façon à la dissémination des lichens. De nombreux oiseaux, comme la chevêchette d’Europe peuvent se dissimuler parmi les lichens pour passer inaperçus des prédateurs. Il est donc important de laisser des vieux arbres recouverts de lichens lors des exploitations forestières. La pollution atmosphérique entraînant la disparition de nombreux lichens peut aussi avoir un impact négatif sur les populations d’oiseaux [3].
Notes et références
[1] Les lichens sont peu consommés par l’homme car ils sont coriaces, beaucoup moins goûteux que les champignons et même parfois amers. Cependant, en période de famine, les Canadiens du Grand Nord ont mangé diverses espèces d’Umbilicaria (dont Umbilicaria pustulata), connues sous le nom de « tripes de roches », qui sont encore consommées au japon, cuites dans la graisse, ou crues, en salade. Aujourd’hui encore, les paysans d’Iran utilisent Cetraria islandica pour fabriquer de la farine et du pain vendu sous le nom de « shirsad ».
[2] Boch, S., Prati, D, Werth, S., Rüetschi, J. & Fischer, M. 2011 – Lichen endozoochory by snails. Plos One, 6(4): e18770.
[3] Rémy, C. 2006 – Quelques relations entre lichens et oiseaux. Bull. Inf. Ass. Fr. Lichénol., 31, 2, 2.32-35