Les particules polluantes de l’air : de quoi s’agit-il ?

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Les particules sont une composante majeure des polluants atmosphériques. Elles sont considérées comme une des principales causes de mortalité liées à la pollution. Leur état finement divisé recouvre des appellations ainsi que des propriétés physiques et mécaniques souvent mal connues. Cet article vise à mieux faire comprendre à quoi correspondent les particules présentes dans l’atmosphère et les problèmes qu’elles soulèvent, notamment pour chiffrer leurs effets sur la santé.

1. De quoi parle-t-on ?

1.1. Particules et aérosols

aerosol eolien sahara
Figure 1. Aérosol éolien provenant du Sahara photographié au-dessus du nord-est de l’océan Atlantique. [Source : the SeaWiFS Project, NASA/Goddard Space Flight Center, and ORBIMAGE (NASA Visible Earth) [Public domain], via Wikimedia Commons]
Une particule est souvent et improprement appelée un aérosol. En réalité le mot aérosol désigne le mélange d’un gaz, en général l’air, et de fines particules solides ou liquides en suspension (voir Figure 1). Les particules sont donc l’un des constituants d’un aérosol. Pour qu’elles restent en suspension dans le gaz, il faut que leur vitesse de chute soit faible. On admet en général que les particules (sphériques) d’un aérosol ont une dimension (leur diamètre) approximativement inférieure à 100 µm ou 0,1 mm.

1.2. Terminologies utilisées pour différencier les particules

Différents vocables sont utilisés pour décrire des types particuliers d’aérosols, souvent de façon erronée.

  • Les poussières (dust en anglais) sont des particules solides, le plus souvent supérieure à 1 µm, mises en suspension par des procédés mécaniques tels que l’érosion éolienne (exemples : tempête de sable, cendres, poussières de route, pollens).
  • Le terme fumée (en anglais smoke ou fume) s’applique à des particules en général plus fines provenant d’une combustion. En anglais fume désigne aussi des particules très fines provenant de la condensation d’une vapeur.
  • Les brouillards (en anglais : fog et smog) sont formés par une suspension de gouttelettes liquides résultant de la condensation d’une vapeur, ou encore d’une pulvérisation. Dans l’atmosphère près du sol on utilise le terme brouillard lorsque la visibilité est réduite à moins de 1 kilomètre.
  • Les particules ont une dimension souvent supérieure à 5 µm.
  • Les brumes (mist ou haze en anglais), sont constituées par des gouttelettes plus petites ou par des particules solides. Elles correspondent à un trouble de la visibilité moins important que les brouillards, sauf cas exceptionnel de brume sèche dans les régions désertiques ou semi désertiques.

Notons que la langue anglaise, plus riche dans ce domaine que le français, divise les brumes en haze (que l’on peut encore traduire par voile atmosphérique) et mist, et les brouillards en fog et smog. Ce dernier est un mélange de fumées, de polluants et de particules d’eau, que l’on trouve dans les villes polluées. Ce mot-valise est la contraction de smoke et fog.

1.3. Les sigles PM

Les PM 10, PM 2,5 (PM est une abréviation de Particule de Matière) sont des particules présentes dans l’atmosphère dont la dimension est respectivement inférieure à 10 et 2,5 µm. Ces définitions ont été introduites pour prendre en compte le comportement des particules lors de l’inhalation. En effet les particules dont la dimension est supérieure à 10 µm sont majoritairement arrêtées dans le nez et elles ne sont pas considérées comme inhalables. Les PM 2,5 sont encore appelées les fines particules et celles comprises entre 2,5 et 10 µm les grosses particules (coarse particles). Nous verrons plus loin que ces dimensions sont en fait des « diamètres de coupure » (paragraphe 4.2). Environ 50% des particules ont une dimension inférieure au diamètre de coupure.

1.4. Autres terminologies

Les noyaux de condensation nuageuse (abréviation anglaise CCN, pour Cloud Condensation Nuclei) sont les germes autour desquels se condense la vapeur d’eau dans l’atmosphère. Ils ont des dimensions supérieures à quelques dixièmes de micron.

Les fumées noires sont les particules atmosphériques mesurées en les collectant sur un filtre et en déterminant la réflectivité du filtre par méthode optique. Cette méthode de mesure a longtemps été utilisée pour mesurer la pollution atmosphérique. Les suies sont des particules de carbone provenant en général de combustion sur lesquelles des hydrocarbures ont pu se condenser. Les particules issues des moteurs Diesel ont une proportion importante de suies.

Les particules inférieures à 0,1 µm sont appelées noyaux d’Aitken (expression peu utilisée aujourd’hui), nanoparticules, ou encore particules ultrafines (Lire Combustion du bois et moteurs à explosion en accusation).

2. Les particules dans l’atmosphère

2.1. Polluants primaires et polluants secondaires

Les particules regroupent des polluants primaires et des polluants secondaires (Lire Les pollutions de l’air). Elles peuvent en effet être émises naturellement dans l’atmosphère, mais elles peuvent aussi se former à la suite de réactions chimiques ou photochimiques entre polluants gazeux ou encore par condensation de vapeurs dans l’atmosphère. Les sources primaires sont très diverses, leur origine pouvant être due aux activités humaines mais aussi être naturelle avec des particules provenant des volcans, de l’érosion éolienne, des embruns marins, les pollens, les débris végétaux, etc. Par ses activités, l’homme peut modifier ces émissions naturelles.

2.2. Quelques effets sur l’atmosphère

Les particules modifient les propriétés optiques de l’atmosphère en diffusant ou absorbant la lumière. L’une des manifestations de la pollution est ainsi la diminution de la visibilité. La pollution particulaire agit aussi sur le bilan radiatif de l’atmosphère en rétrodiffusant ou absorbant l’énergie solaire et infrarouge venant du sol ou de l’atmosphère. Les particules interviennent dans la formation des nuages et des brouillards. Sans leur présence, la condensation et la congélation, donnant naissance aux gouttes d’eau ou aux cristaux de glace, se produiraient à des températures plus basses. La condensation homogène, c’est à dire sans noyau de condensation, requiert une sursaturation de 500 %, la sublimation homogène une sursaturation de 3000 %, la congélation homogène une température de –40°C. Au contraire, en présence de particules, la condensation peut se produire pour une humidité inférieure à 100%. Le nombre de gouttelettes dans un nuage ainsi que leur dimension sont ainsi influencés par la présence de particules qui jouent le rôle de noyaux de condensation. Les nuages continentaux se développent sur un spectre de noyaux plus nombreux et plus petits que celui des nuages maritimes. Ils présentent des gouttes plus nombreuses et plus petites qui les rendent moins aptes à précipiter que les nuages maritimes constitués de gouttes moins nombreuses et plus grosses.

2.3. Comment les caractérise-t-on ?

Pour connaître les effets de la pollution particulaire, suivant le but poursuivi, il faudra caractériser de façon plus ou moins précise :

  • La concentration qui suivant les cas s’exprimera en masse ou en surface ou en nombre par unité de volume.
  • La nature chimique des particules, mais dans les réseaux de surveillance de la pollution atmosphérique c’est uniquement la concentration en masse qui est mesurée de façon systématique. C’est cette dernière qui est utilisée dans les études épidémiologiques.
  • Les propriétés des particules dépendent de leur dimension. La répartition suivant la dimension est appelée spectre granulométrique (voir section 3). La mesure de l’ensemble du spectre nécessite des équipements coûteux et sophistiqués.

2.4. Qu’est-ce que la dimension des particules ?

Lorsqu’on parle de la dimension d’une particule sphérique, il s’agit soit de son rayon, soit plus fréquemment de son diamètre.

Plusieurs définitions de la dimension d’une particule s’appliquent lorsque les particules peuvent être observées par microscopie optique ou électronique et qu’elles ont une forme quelconque. La dimension la plus courante est le diamètre du cercle dans lequel on peut inclure la particule ou tout au moins sa projection dans le plan d’observation.

Très souvent les particules ne peuvent pas être observées au microscope pour diverses raisons. Tout d’abord, au moment de la collecte sur un support, il y a risque de modification de la dimension de la particule. La présence de vapeurs condensées à leur surface ou en volume modifie aussi l’équilibre entre la particule et l’air dans lequel elle est en suspension. La microscopie électronique nécessite que les particules soient mises dans le vide puis bombardées par des électrons ce qui produit très vite l’évaporation de vapeurs condensées et donc modifie les caractéristiques de la particule. Enfin, l’utilisation de la microscopie optique est limitée à des objets de quelques dixièmes de micromètres.

Pour déterminer la dimension des particules on a recours à la mesure d’une caractéristique physique de la particule qui dépend de cette dimension : son coefficient d’agitation thermique (ou mouvement brownien), diffusion de la lumière, mobilité dans un champ électrique, vitesse de sédimentation, etc. On suppose la particule sphérique et on obtient le diamètre équivalent à cette caractéristique physique.

Les particules sont souvent caractérisées par une dimension moyenne mais différentes définitions de la moyenne peuvent être utilisées sans être clairement précisées par les auteurs. Il peut s’agir de la moyenne arithmétique ou de la moyenne géométrique, dont les définitions sont classiques en statistique.

3. Spectres granulométriques

Le spectre granulométrique est représenté par une fonction de distribution qui exprime la fraction de masse (dM) ou de surface (dS) ou de nombre (dN) dans un petit intervalle de dimensions dD en fonction de la dimension D (le diamètre par exemple). Les fonctions de distribution sont en général normalisées, c’est-à-dire que l’on divise les valeurs dM, dS, dN par la masse totale M ou la surface totale S ou le nombre total N.

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Figure 2. Les particules pouvant former un aérosol s’étendent sur une très large gamme de dimensions exprimées en microns (µm) ou en nanomètres (nm). [Source : © J.Fontan]
Comme le montre la Figure 2 la dimension des particules se trouve répartie sur plusieurs ordres de grandeur. Une échelle linéaire ne permet pas de représenter convenablement les fines particules qui sont toutes concentrées vers l’origine de l’axe représentant la dimension. Pour éviter cette représentation déficiente, on préfère utiliser le logarithme [1] décimal de la dimension.

Les distributions en masse, en surface ou en nombre vont être représentées par des courbes très différentes (Figure 2). Les particules étant réparties sur plusieurs ordres de grandeur, par exemple entre le centième de micromètre et quelques dizaines de micromètres, ce qui est le cas de l’aérosol, aucune des trois distributions ne peut à elle seule représenter convenablement l’ensemble de la distribution.

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Figure 3. Distributions schématiques normalisées en nombre, en surface et en masse (ou en volume) pour un aérosol de type urbain[2]. [Source : © J.Fontan]
On peut remarquer sur la Figure 3 que la mesure de la concentration en masse ne permet pas de prendre en compte les particules les plus fines qui sont les plus nombreuses, mais dont la masse est négligeable par rapport à celle des particules plus grosses, moins nombreuses. La réciproque est vraie. La mesure de la concentration en nombre ne permet pas de prendre en compte les plus grosses particules, peu nombreuses.

Suivant la partie du spectre granulométrique que l’on veut identifier, il faut donc mesurer le nombre, ou la masse, ou la surface des particules. La détermination de la surface est pertinente lorsqu’on s’intéresse à la réactivité chimique des particules dans un gaz, puisque cette réactivité dépend de la surface des particules. Le choix de la distribution granulométrique et par suite de la méthode de mesure des particules est essentiel.

Si l’on admet que les particules les plus fines présentent un danger plus grand pour la santé, la mesure de la concentration en masse à elle seule n’est pas une caractéristique adaptée ; il faudrait alors combiner des mesures en nombre et en masse. Désormais, les normes Euro 6 (qui réglementent les émissions des moteurs) prennent en compte le nombre de nanoparticules (Lire les articles Combustion du bois et moteurs à explosion en accusation, Pollution de l’air : Comprendre pour informer et prévenir et Comment le droit protège-t-il la qualité de l’air). Cependant, ces émissions ne sont pas mesurées dans les réseaux de surveillance de la qualité de l’air.

4. Principales propriétés des particules

Les propriétés d’une particule sont beaucoup plus complexes que celles d’une molécule de gaz. Afin de comprendre le comportement des particules et leur toxicité, il est indispensable de connaître quelques-unes de leurs principales caractéristiques mécaniques et physiques : la vitesse de chute sous l’effet de la gravité, l’inertie, l’agitation thermique ou diffusion brownienne. Ces caractéristiques jouent un rôle très important dans le dépôt des particules dans des conduites (par exemple dans l’appareil respiratoire), dans leur filtration ou dans la coagulation des particules entre elles.

4.1. La vitesse de sédimentation

On appelle vitesse de sédimentation la vitesse de chute des particules en suspension dans un gaz (non turbulent) sous l’action de la gravité. La particule soumise à son poids et à la poussée d’Archimède atteint rapidement une vitesse verticale qui est appelée la vitesse de sédimentation. Cette vitesse dépend du rayon au carré et de la masse volumique (ou densité) r. En général on ne connaît pas la densité des particules ni d’ailleurs leur forme. On suppose les particules sphériques et on pose .R . Cette grandeur ra est le rayon aérodynamique de la particule. C’est le rayon d’une particule équivalente, de densité égale à 1, qui a la même vitesse de sédimentation que la particule réelle dont la densité n’est pas connue. La vitesse de sédimentation ne devient appréciable que pour des particules dont le rayon est supérieur au micromètre. Elle est importante (environ 1000 m/h) pour des particules dont le rayon est de 50 µm (diamètre 100 µm). Au-delà de cette dimension, les particules ne peuvent plus être considérées en suspension dans le gaz et on ne parle plus d’aérosol.

4.2. L’inertie

particules polluantes
Figure 4. Dans une conduite avec un coude les particules les plus grosses se déposent sur les parois de la conduite. Les plus fines particules se déposent en raison de l’agitation brownienne. [Source : © J.Fontan]
Lorsqu’il y a une déformation des filets d’air dans un écoulement (en raison d’un rétrécissement ou d’un élargissement d’une conduite, ou encore d’un coude), les particules qui ont une masse supérieure à celle des molécules du gaz ne suivent pas les filets d’air. Elles tendent à continuer leur mouvement dans leur direction initiale. Ainsi, en raison de leur inertie, elles vont heurter les parois de la conduite, et se collecter sur les obstacles situés dans l’écoulement (voir Figure 4). Le phénomène est d’autant plus important (a) que la vitesse de l’écoulement est grande, (b) que les particules ont une masse supérieure à celle des molécules de l’air et (c) que la déviation des filets d’air est brutale. Ce phénomène va concerner principalement les particules de diamètre supérieur à 1 µm. On utilise cette propriété, l’inertie, pour séparer les particules en fonction de leur dimension dans des appareils appelés impacteurs à cascades ou encore dans des cyclones. La séparation ne correspond pas à une valeur déterminée de la dimension mais à un « diamètre de coupure » pour lequel environ 50 % des particules sont plus petites que le diamètre de coupure. On utilise cette propriété, l’inertie, pour discriminer, lors du prélèvement, les PM 10 ou les PM 2,5 et éliminer les plus grosses particules. Ainsi lorsqu’on parle de PM 10 ou PM 2,5 cela ne signifie pas que toutes les particules sont inférieures respectivement à 10 ou 2,5 µm, qui sont des diamètres de coupure.

4.3. La diffusion brownienne

C’est le mouvement irrégulier des particules qui résulte de leurs collisions avec les molécules du gaz. Le Tableau 1 donne le déplacement moyen en une seconde, projeté sur un axe. Ce déplacement devient appréciable et plus important que celui dû à la gravité lorsque le rayon aérodynamique de la particule devient inférieur à 0,1 µm. Il s’agit là d’une propriété importante des petites particules. Dans une enceinte, dans une conduite, dans les voies respiratoires, en raison de cette agitation brownienne, les particules vont se déposer sur les parois. Dans un filtre, les très petites particules sont arrêtées de façon efficace en raison de cette agitation et elles sont d’autant plus facilement collectées qu’elles sont petites, ce qui peut paraître paradoxal. On peut lire très souvent, mais à tort, que les très petites particules sont difficiles à arrêter.

Tableau 1. Comparaison entre agitation brownienne et sédimentation

Le Tableau 1 montre une comparaison des vitesses (en cm/minute) du déplacement dans l’air, dans les conditions normales de température et de pression, de particules sphériques dont la densité est égale à 1 : d’une part en raison de l’agitation brownienne (deuxième ligne du tableau) et d’autre part en raison de la vitesse de sédimentation (troisième ligne) d’après Fuch [3]. Lorsque le rayon de la particule devient inférieur à 0,5 µm le déplacement dû à l’agitation brownienne devient plus grand que celui dû à la vitesse de chute. La diffusion devient alors plus importante que la sédimentation.

Dans un gaz turbulent, comme l’atmosphère près du sol, l’agitation turbulente est de plusieurs ordres de grandeur supérieure à l’agitation brownienne. Elle ne dépend pas des particules mais du milieu et de l’écoulement. Soumises à cette turbulence les particules peuvent parcourir des milliers de kilomètres, malgré leur vitesse de sédimentation. Ainsi l’aérosol éolien du Sahara se retrouve en Europe ou de l’autre côté de l’océan Atlantique (voir Figure 1).

4.4. La coagulation

C’est le processus d’adhésion ou de fusion de particules entre elles. L’adhésion est d’autant plus forte que la dimension des particules est petite. Ce sont en effet des forces intermoléculaires à très court rayon d’action, comme la force de Van der Waals qui interviennent. La coagulation résulte essentiellement du mouvement brownien qui amène des particules à entrer en collision. Elle entraîne ainsi une diminution du nombre de particules dans l’aérosol et une évolution du spectre granulométrique, dans le sens d’un grossissement des particules. La masse volumique reste constante. La coagulation est un phénomène important lorsque le nombre de particules est élevé. Elle est d’autant plus efficace que les particules ont des dimensions différentes. Ainsi, avec des particules identiques, pour lesquelles le phénomène est le moins intense, il faut 33 minutes pour diviser par 2 la concentration numérique d’un aérosol ayant 106 (un million) particules par cm3 et 5,5 heures lorsque la concentration initiale est de 105 particules par cm3.

En raison de ce phénomène de coagulation, les particules les plus fines ne peuvent pas persister dans un aérosol en l’absence d’une production continue, et leur durée de vie est d’autant plus courte que la concentration numérique est élevée.

5. Quelques conséquences des propriétés mécaniques

5.1. Le prélèvement

Figure 5. A gauche, lors du prélèvement dans une conduite, si la vitesse du gaz est plus grande dans la pipe de prélèvement que dans la conduite, en raison de l’inertie, les particules les plus grosses ne sont pas collectées. A droite lorsque la vitesse est plus petite dans la pipe de prélèvement il y a enrichissement en particules dans la pipe et donc dans le prélèvement. [Source : © J.Fontan]
Lors du prélèvement des particules d’un aérosol il faut éviter que les phénomènes précédents ne modifient de façon sensible le spectre granulométrique des particules collectées, si on veut collecter l’ensemble du spectre. Comme on a vu au paragraphe 4.2 on utilise par contre l’inertie pour prélever les PM 10 ou les PM 2,5. Lorsqu’on s’intéresse aux particules les plus fines (nanoparticules) il faut minimiser les effets du mouvement brownien.

Le prélèvement des particules d’un aérosol doit donc être effectué avec précaution de façon à limiter les incertitudes inhérentes aux propriétés mécaniques. Il faut ajouter que des gaz comme la vapeur d’eau ou encore des produits organiques peuvent se condenser sur les particules mais aussi s’évaporer lorsque la particule est collectée. Les particules collectées doivent être le plus proche possible de l’aérosol analysé (Figure 5).

5.2. Le dépôt dans l’appareil respiratoire

Figure 6. Les différentes courbes montrent l’efficacité du dépôt des particules en fonction de leur diamètre, pour les différentes parties de l’appareil respiratoires. On peut remarquer que c’est entre 0,1 et 1 µm que la fraction déposée est la plus faible. [Source : © J.Fontan]
Le poumon peut être schématiquement considéré comme formé de cylindres de plus en plus nombreux lorsqu’on s’enfonce dans l’appareil respiratoire, avec des bifurcations qui se terminent par les alvéoles schématisées par des sphères. A partir d’un tel modèle, on peut calculer les dépôts par inertie, diffusion et sédimentation. Les particules les plus grosses, supérieures à 10 µm, en principe arrêtées par le nez, ne peuvent pas pénétrer plus profondément dans l’appareil respiratoire.

La Figure 6 montre la rétention des particules en fonction de leur dimension et des différentes parties de l’appareil respiratoire :

  • Les particules les plus grosses sont arrêtées par inertie dans le segment naso-pharyngien, mais les plus petites (inférieures à 10-2 µm) le sont aussi par diffusion brownienne.
  • Les particules inférieures à 0,5 µm pénètrent dans les bronches et les poumons où une partie se dépose.
  • Au-dessus de 10 µm les particules arrêtées par le nez ne pénètrent pas dans l’appareil respiratoire, bronches et poumons.
  • Les particules respirables ont un diamètre inférieur à 10 µm [4],[5]. Les plus fines particules sont arrêtées par diffusion brownienne en particulier dans le poumon.
  • Entre 0,1 µm et 1 µm les phénomènes d’inertie ne sont plus aussi importants que pour les particules les plus grosses et la diffusion n’est pas encore efficace.

Ces fines particules peuvent donc pénétrer profondément dans l’appareil respiratoire mais ce sont aussi celles qui sont les moins retenues. Ceci met en évidence le lien entre les propriétés mécaniques des particules et le risque qu’elles se déposent dans l’appareil respiratoire [6].

6. Propriétés optiques

Les propriétés optiques des particules permettent de comprendre les troubles de visibilité qui accompagnent la pollution, donnant quelques informations qualitatives sur l’aérosol, Elles sont utilisées pour mesurer les dimensions et les concentrations des particules, en particulier à partir d’observations satellitaires [7].

Les particules d’aérosol diffusent la lumière. Lorsque la dimension de la particule est petite par rapport à la longueur d’onde du rayonnement, c’est à dire des particules dont le diamètre est inférieur à 0,1 µm, la diffusion est dite de Rayleigh (lien vers l’article Les couleurs du ciel). L’énergie totale rayonnée est proportionnelle à R6/l4 où R est le rayon de la particule supposée sphérique et l la longueur du rayonnement. Les radiations de courte longueur d’onde sont beaucoup plus fortement diffusées que celle de grande longueur d’onde. A flux égal, le bleu est environ huit fois plus diffusé que le rouge. Le bleu du ciel, d’une mer calme, sont une conséquence de la diffusion Rayleigh sur les molécules d’air ou d’eau ; de même l’aspect gris bleuté de la fumée de cigarette ou de certaines brumes constituées par de très fines particules.

Lorsque la dimension de la particule devient comparable à la longueur d’onde, ou plus grande, la diffusion se fait préférentiellement dans la direction de la lumière incidente. Elle est moins sensible à la longueur d’onde du rayonnement. Un ciel nuageux ou avec des particules supérieures au micromètre devient blanc ou blanchâtre. La quantité de lumière diffusée ne varie pas aussi fortement avec la dimension de la particule.

Figure 7. Lever de soleil sur la mer. La lumière venant du soleil, encore sous l’horizon, est rougeâtre. La lumière de plus courte longueur d’onde, le bleu en particulier, a été diffusée. Les rayons qui parviennent à l’observateur contiennent une plus grande proportion de lumière rouge. [Source : By Wolfgang Staudt (originally posted to Flickr as early) [CC BY 2.0], via Wikimedia Commons]
La fumée de cigarette illustre bien l’effet de la dimension des particules sur l’aspect de la fumée. En effet lorsqu’elle est expirée elle devient d’aspect plus blanc, en raison du grossissement des particules avec la vapeur d’eau, dans l’appareil respiratoire. Ce changement de propriétés optiques met bien en évidence le changement de dimension de certaines particules avec l’humidité de l’air. Ce point est important pour la mesure de la concentration massique des particules (Lire Combustion du bois et moteurs à explosion en accusation). L’observation de l’aérosol atmosphérique permet d’avoir une idée de l’origine des particules. Si elles proviennent d’une transformation gaz-solide l’aérosol a un aspect bleuté (blue haze). Si elles proviennent de l’érosion éolienne (cas des particules provenant en Europe du Sahara) l’aérosol est de teinte blanchâtre (voir paragraphe 7.1).

Lors du lever ou du coucher de soleil, la lumière venant du soleil est d’aspect rougeâtre (Figure 7). Cela provient du déficit des courtes longueurs d’onde (le bleu par exemple) qui ont été diffusées et qui sont alors absentes, laissant la part belle à la lumière rouge. Lorsque la dimension de la particule devient comparable à la longueur d’onde, ou plus grande, la diffusion se fait préférentiellement dans la direction de la lumière incidente. Elle est moins sensible à la longueur d’onde du rayonnement. Un ciel nuageux ou avec des particules supérieures au micromètre devient blanc ou blanchâtre. La quantité de lumière diffusée ne varie pas aussi fortement avec la dimension de la particule.

Les particules d’aérosol sont aussi formées de substances comme le carbone, qui peuvent absorber la lumière. Le phénomène devient prépondérant avec le rayonnement infrarouge émis par le sol ou l’atmosphère [8].

7. Conséquences des propriétés optiques

7.1 Action sur la visibilité

diffusion lumiere
Figure 8. La lumière provenant de l’arbre et arrivant à l’observateur, en bas à droite, peut être diffusée et ne pas arriver à ce dernier. Par contre des rayons venant du soleil après diffusion par des particules, arrivent à l’observateur qui regarde en direction de l’arbre. Le contraste entre l’objet et son environnement est très perturbé. [Source : © J.Fontan]
Dans une atmosphère polluée, les particules diffusant et absorbant la lumière, un observateur reçoit la lumière provenant de l’objet qu’il regarde (qui peut être partiellement absorbée) mais aussi celle diffusée par les particules (Figure 8). Le contraste entre l’objet et son environnement diminue. Si la lumière diffusée devient trop importante l’objet ne peut plus être distingué. Le phénomène est analogue à celui provenant des brumes et brouillards provoqués par la condensation de la vapeur d’eau en fines gouttelettes.

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Figure 9. Trouble de la visibilité due à la pollution à Santiago du Chili. [Source : Wikimedia Commons, Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported license.]
Ce phénomène de troubles de la visibilité est très fréquent dans les grandes agglomérations des pays en développement (voir Figure 9). On peut aussi l’observer depuis un avion volant au-dessus de la couche limite atmosphérique (vers 1 kilomètre d’altitude) ou encore depuis une collines ou une montagne. Au Sahel, en Afrique, l’érosion éolienne qui introduit dans l’atmosphère, en saison sèche, de grandes quantités de poussières entraîne d’importantes diminutions de la visibilité qui peut être réduite à une centaine de mètres, gênant fortement le trafic aérien.

7.2. Action sur le bilan radiatif sol-atmosphère

Les particules d’aérosol jouent un rôle complexe sur le bilan radiatif de l’atmosphère. En effet elles diffusent et absorbent une partie du rayonnement solaire, l’absorption se produisant principalement dans la partie infrarouge. Ceci entraîne une rétrodiffusion vers l’espace et un refroidissement de la planète. Par ailleurs, les particules absorbent aussi une fraction du rayonnement infrarouge d’origine tellurique terrestre, ce qui se traduit par une contribution à l’effet de serre avec réchauffement de la basse atmosphère. Les effets combinés de ces deux mécanismes dépendent des caractéristiques de l’aérosol atmosphérique mais aussi des propriétés du sol et de son coefficient de réflexion du rayonnement solaire (appelé albédo). (Lire L’atmosphère et l’enveloppe gazeuse de la Terre). C’est une des raisons pour lesquelles il est difficile aujourd’hui de chiffrer avec précision les effets des particules sur le bilan radiatif de la planète. Il est généralement admis que les particules d’origine anthropique freinent l’augmentation de la température due aux gaz à effet de serre.

8. Messages à retenir

  • Les particules en suspension dans l’air sont l’un des constituants du mélange complexe que l’on appelle un aérosol.
  • Leurs dimensions couvrent une très grande plage d’ordres de grandeur, depuis quelques nanomètres (particules ultrafines) jusqu’à la centaine de microns.
  • Leurs propriétés physiques (sédimentation, inertie, coagulation) et leur aptitude à se déposer, dans les systèmes de prélèvement comme dans l’appareil respiratoire, varient fortement avec leur dimension.
  • La mesure des concentrations massiques ne permet pas de prendre en compte les particules ultrafines.
  • L’abondance des particules dans l’air se traduit par des propriétés optiques assez fortes, en affectant notamment sa transparence et en diminuant la visibilité.
  • Le bilan radiatif des particules est complexe. En absorbant une partie du rayonnement infrarouge terrestre elles contribuent à l’effet de serre et au réchauffement de la planète. Mais, inversement, en rétrodiffusant vers l’espace une partie du rayonnement solaire elles contribuent à son refroidissement.

 


Références et notes

Image de couverture. Le smog dans une ville polluée (Le Caire). [Source : By Sturm58 at English Wikipedia (Transferred from en.wikipedia to Commons.) [GFDL (http://www.gnu.org/copyleft/fdl.html) or CC BY-SA 3.0 (https://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0)], via Wikimedia Commons]

[1] Le logarithme est l’opération mathématique qui permet de substituer une addition à une multiplication : log(ab)=log(a)+log(b). Multiplier une grandeur par 10, nombre dont le logarithme décimal est l’unité, se traduit alors par l’ajout d’une unité à son logarithme. Dans les  notations usuelles, log10 désigne le logarithme décimal, tandis que Log désigne le logarithme népérien, dont la base est le nombre irrationnel e = 2,71828…

[2] D’après Whitby K.T., Sverdrup G.M. Adv. Environ. Science Technology, 9, 477-525, 1980

[3] Fuch N. The mechanics of aerosol, Mac Millan, New York 1964

[4] Task group on lung dynamics. Health Phys. 12, 173, 1966.

[5]  ICRP. Human respiratory tract model for radiological protection. Ann. ICRP 24, 1-3, 1994

[6] Pour en savoir plus sur les relations entre les propriétés des particules et les effets sur la santé lire l’article Particules et santé.

[7] http://www.lmd.polytechnique.fr/~menut/documents/2016-LaMeteoSatAQ-REVetFIGS.pdf

[8] Renoux A. Boulaud D.  Les aérosols. Physique et métrologie. Lavoisier TEC et Doc, 1998


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Pour citer cet article : FONTAN Jacques (21 mars 2019), Les particules polluantes de l’air : de quoi s’agit-il ?, Encyclopédie de l’Environnement. Consulté le 21 décembre 2024 [en ligne ISSN 2555-0950] url : https://www.encyclopedie-environnement.org/air/particules-polluantes-air/.

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