Pollution de l’air extérieur : comprendre pour informer et prévenir
PDFLa qualité de l’air extérieur représente aujourd’hui un enjeu majeur pour la société. Cet article vise à éclaircir les phénomènes entrant en jeu dans les épisodes de pollution atmosphérique et à en décrire les effets sur la santé ainsi que leurs impacts économiques. Cette prise de conscience a conduit les autorités nationales et l’Union Européenne à proposer des services de surveillance et de prévision de la qualité de l’air, comme, par exemple, les systèmes Prev’air et Copernicus Atmosphère régional.
Selon les derniers chiffres de l’OMS et de Santé Publique France, les effets conjugués de la pollution de l’air extérieur et intérieur seraient responsables, en 2012, du décès prématuré de 6,5 millions de personnes dans le monde et 600 000 en Europe [1]. Si la pollution de l’air ambiant est un phénomène très ancien, conséquence des concentrations humaines dans les agglomérations urbaines (Lire Les pollution de l’air et le Focus La pollution atmosphérique, une problématique multiséculaire), elle représente, aujourd’hui, un enjeu majeur pour la santé publique et l’environnement (voir Figure 1).
La loi sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie du 30 décembre 1996 définit la pollution de l’air comme « l’introduction par l’homme, directement ou indirectement, dans l’atmosphère et les espaces clos, de substances ayant des conséquences préjudiciables de nature à mettre en danger la santé humaine, à nuire aux ressources biologiques et aux écosystèmes, à influer sur les changements climatiques, à détériorer les biens matériels et à provoquer des nuisances olfactives excessives« .
Les sources émettrices de polluants peuvent être d’origines anthropiques ou naturelles. La qualité de l’air résulte alors de phénomènes complexes auxquels ces polluants vont être soumis dans l’atmosphère sous l’action des conditions météorologiques. Les situations météorologiques favorables à la concentration des polluants ou, au contraire, à leur dilution ou dispersion dans l’atmosphère sont présentées et illustrées par des exemples. Les effets délétères sur l’organisme de l’exposition aux particules en suspension ou aux gaz réactifs ont fait l’objet de nombreuses études. Les résultats de ces études imposent la mise en place d’une réglementation et surveillance des dépassements des seuils autorisés des principaux polluants, pour une information du public et des décideurs. Afin de mieux comprendre et prévoir les facteurs générateurs de cette pollution, la modélisation numérique est l’un des outils essentiels des dispositifs opérationnels d’alerte et d’aide à la décision.
1. Les conditions météorologiques : un facteur important pour la concentration des polluants dans l’atmosphère
On désigne par « atmosphère » l’ensemble des gaz entourant la terre sous l’effet de la gravité exercée par elle. La composition de l’atmosphère, les caractéristiques physiques et chimiques de ses différentes couches sont décrites dans l’article « atmosphère et enveloppe gazeuse de la terre » (lire L’atmosphère et l’enveloppe gazeuse de la Terre). Les phénomènes de pollution concernent les deux premières couches de l’atmosphère, la troposphère (altitudes inférieures à 12 km environ selon la latitude) et la stratosphère (jusqu’à 60 km environ). La pollution affectant la stratosphère se manifeste principalement par un effet de serre additionnel (lire Les pollutions de l’air) et par la destruction de la couche d’ozone protectrice qui résulte de la combinaison de conditions météorologiques particulières et de l’apport de composés halogénés (chlorofluorocarbones ou CFC) issus des activités humaines.
1.1. La couche limite atmosphérique
Les plus fortes variations de concentrations de polluants selon les conditions météorologiques s’observent dans la troposphère et, en particulier, dans la couche limite atmosphérique. Cette couche limite est la portion de l’atmosphère soumise à l’influence de la surface terrestre ; son épaisseur varie de quelques centaines de mètres à quelques kilomètres en fonction des conditions atmosphériques de plus grande échelle et des caractéristiques de la surface [2]. Les frottements du sol et les variations diurnes de sa température ont, en effet, des répercussions sur l’écoulement et la température de l’air.
C’est également dans la couche limite atmosphérique que sont rejetés les principaux polluants liés à l’activité humaine (oxydes d’azote, oxydes de soufre, hydrocarbures et particules fines) ou d’origine naturelle (poussières désertiques, embruns marins, composés organiques volatils émis par la végétation,…). Après leur émission dans l’atmosphère, les polluants, dont les origines et la formation sont décrits dans l’article Les pollutions de l’air (lire Les pollutions de l’air), vont ensuite se disperser ou au contraire s’accumuler selon les conditions météorologiques (voir Figure 2). Ils sont en effet plus ou moins rapidement transportés, dilués, dissous et lessivés sous l’effet :
- du vent, responsable du transport horizontal sur des distances pouvant atteindre plusieurs centaines de kilomètres. Plus la vitesse du vent est élevée, moins les polluants s’accumulent au voisinage de la source d’émission.
- de la turbulence verticale. Cette dernière, au sein de la couche limite a deux origines, une cause thermique en raison du chauffage par le sol et une cause mécanique par effet des obstacles à la surface qui provoquent cisaillement horizontaux et verticaux du vent. Cette turbulence favorise également la dilution et le dépôt sec des polluants au contact du sol, de la végétation et des divers obstacles rencontrés.
- de la température qui affecte directement la vitesse des réactions chimiques des polluants entre eux et donc leur transformation en polluants secondaires.
- Des précipitations (pluie, neige, brouillard). Certains polluants gazeux sont solubles dans l’eau et vont se dissoudre dans les gouttelettes de brouillard ou nuages. On parle alors de dépôt humide ou, dans le cas des particules, de captation de l’aérosol dans la phase nuageuse. Quant aux pluies, elles provoquent le lessivage des particules et gaz sous les nuages.
Ce sont donc les conditions météorologiques qui influencent la stabilité ou instabilité de cette couche limite atmosphérique.
Ainsi, par ciel clair, en journée, les températures du sol étant supérieures à celles de l’air en surface, une couche instable se développe en épaisseur au fur et à mesure du réchauffement du sol. Cette instabilité permet la dilution des polluants dans l’air environnant. En revanche, la nuit, le sol se refroidit par rayonnement. On observe alors une inversion de températures sur quelques centaines de mètres. Dans cette couche, la stabilité de l’air nuit alors à la dispersion des polluants.
1.2. Pollution hivernale
Cette situation est particulièrement notable, en hiver, lors de conditions anticycloniques avec vents faibles. Les inversions de températures, en cette saison, persistent plusieurs heures du fait du plus faible rayonnement solaire pendant le jour et de sa durée plus courte.
Les émissions de polluants (NO2, SO2, particules fines) dues aux activités humaines (transport, chauffage urbain, installations industrielles…) stagnent dans les basses couches et s’y accumulent. En outre, l’utilisation accrue du chauffage lié à ces épisodes froids augmente l’émission de particules. Seul un changement de situation météorologique, arrivée d’une perturbation, renforcement ou changement de direction des vents, pourra mettre fin à ces épisodes par lessivage des polluants ou brassage sur la verticale.
Enfin, des situations particulières (effet de vallée, de relief, brise de mer ou îlot de chaleur urbain) sont également susceptibles d’entraîner des phénomènes de pollution par accumulation des éléments chimiques nocifs. Les épisodes récurrents de pollution aux particules dans la vallée de l’Arve, en hiver, en sont une illustration. Les principales causes en sont l’utilisation massive du chauffage au bois lors des vagues de froid et le confinement induit par le relief qui favorise l’accumulation des particules fines carbonées dans une mince couche stable près du sol.
L’intense épisode de pollution aux particules fines à Paris début décembre 2016 illustre bien ce phénomène. Les températures sont basses, la situation météorologique est une situation de type « anticyclonique stable » avec inversion de basses couches (inférieure à 200 m en île de France, le 1er décembre) et des vents faibles sur une large moitié nord du pays. Ces conditions sont propices à l’augmentation des émissions locales induites par le chauffage et limitent les processus de dispersion atmosphérique des polluants émis par les sources urbaines (chauffage, trafic routier) et industrielles.
En région parisienne, les concentrations maximales en PM10 mesurées par AIRPARIF étaient de 146 µg/m3 le 1er décembre et de 122 µg/m3 le 2 décembre. Un tel niveau classe cet épisode parmi les plus importants épisodes hivernaux de ces dix dernières années. La situation s’est débloquée, avec l’arrivée d’un flux d’est : les forces de vent étaient faibles mais la direction étant constante, le phénomène d’accumulation a été limité.
1.3. Pollution estivale
En été, en l’absence de vent avec un rayonnement solaire maximal, l’accumulation de polluants comme les oxydes d’azote (NOx), les composés organiques volatils (COV), dont les hydrocarbures, le méthane et le monoxyde de carbone (CO) conduit à la production d’ozone dans les basses couches. Les grandes métropoles enregistrent ainsi, presque tous les étés, des épisodes de pics de pollution photochimique.
Lorsque le vent transporte la masse d’air, la pollution se manifeste en aval des sources des précurseurs. En effet, la réaction chimique de formation d’ozone à partir du dioxyde d’azote NO2 est réversible et située à proximité des émissions intenses de monoxyde d’azote (dues au trafic routier). L’ozone peut alors réagir avec le monoxyde NO formé lors de la dissociation du NO2 pour redonner du dioxyde d’azote. C’est ce qui explique que l’on observe parfois des concentrations en ozone plus élevées, dans les zones périurbaines ou rurales, à proximité des grandes villes, que dans le centre de l’agglomération.
Il s’agit d’un phénomène de panache d’ozone urbain. En amont des émissions de polluants urbains, les concentrations en oxydants (notés Ox dans son ensemble avec Ox = O3 + NO2) correspondent au niveau de fond. En aval des villes, les faibles émissions en oxydes d’azote ne permettent plus la destruction chimique de l’ozone qui retrouve sa valeur de fond augmentée par les quantités produites en amont et transportées par le vent.
Émissions biogéniques de COV. En cette saison, la végétation contribue également à l’émission de COVs, en particulier sous l’action du soleil et des températures élevées. La production de COVs par la végétation est dominée par les émissions d’isoprène (C5H8) essentiellement produites par les arbres à feuilles caduques, les résineux émettant plutôt des composés terpéniques plus complexes. Les Composés Organiques Volatiles jouent un rôle important dans la chimie de l’atmosphère et participent à la formation de polluants secondaires comme l’Ozone et les aérosols organiques secondaires. A l’échelle mondiale, la végétation est responsable d’environ 90% des émissions de COVs contre 10% pour les activités humaines. [3]
Enfin, on ne peut se limiter à l’échelle locale pour considérer les épisodes de fortes pollutions : le transport à grande échelle explique également l’extension horizontale de ces épisodes sur plusieurs centaines de kilomètres. Les épisodes de pollution urbaine par l’ozone sont en effet fortement liés au transport des masses d’air et l’on doit tenir compte des interactions entre villes, régions et pays pour quantifier ces phénomènes. Là encore, le changement de situation météorologique (modification de la direction du vent, couverture nuageuse plus importante) conditionne la fin de l’épisode.
2. Impacts sanitaires et coûts économiques
La forte proportion de personnes exposées fait de la pollution urbaine et de la pollution à l’intérieur des locaux un problème majeur de santé publique, mis en évidence par de nombreuses études (par exemple celles [4] menées par le laboratoire de cytophysiologie et toxicologie cellulaire de l’Université Paris 7). Des travaux en toxicologie et des méthodes épidémiologiques ont permis d’identifier d’une part, les effets à court terme, sous forme de manifestations cliniques survenant quelques minutes à quelques semaines après l’exposition, et les effets à long terme, après plusieurs mois ou années d’exposition chronique. Ces effets se traduisent par une surmortalité ou une réduction de l’espérance de vie des populations concernées.
Si la prise de conscience des dangers des polluants atmosphériques sur la santé humaine existe depuis l’antiquité, elle est devenue un sujet de préoccupation dès la première moitié du XXe siècle suite à des épisodes dramatiques comme celui de Londres en décembre 1952, responsable de plus de 4000 décès (lire Les pollutions de l’air).
Les études toxicologiques qui permettent d’établir les conséquences sanitaires des polluants vont, de l’expérimentation in vitro sur des cultures de cellules en laboratoire, à l’exposition in vivo pratiquée sur des animaux ou des sujets humains que l’on met en contact avec des quantités connues et maîtrisée de substances polluantes. Par ailleurs, des méthodes épidémiologiques mettent en relation, par des outils statistiques, les mesures relevées de certains polluants et les pathologies observées chez les sujets soumis à cette pollution. En effet, seul le suivi à long terme de cohortes sur un nombre important de sujets permet de confronter données sanitaires (pathologies, hospitalisations, décès…) et mesures des différents polluants.
2.1. Les pathologies
Ces différentes méthodes s’accordent sur le fait que le caractère fortement oxydant et irritant des composants gazeux ou des particules provoquent des affections d’ordre pulmonaires (asthme, maladies respiratoires), cardiovasculaires (arythmie, ischémies myocardiques), neurologiques et certains cancers.
La pénétration des polluants gazeux dans les voies respiratoires dépend de leur solubilité. Les polluants comme l’ozone (O3) ou le dioxyde d’azote (NO2) sont fortement oxydants et donc fortement irritants. Dans le cas des particules, leur dépôt dans l’appareil respiratoire dépend de leur dimension. Plus les particules sont petites plus elles pénètrent profondément dans les poumons et se déposent dans les bronches, voire les bronchioles provoquant exacerbation de l’asthme, bronchiolites, maladies pulmonaires ainsi que l’aggravation des maladies cardio-vasculaires (cf. Figure 5).
Ces différentes études insistent sur le poids de la pollution chronique dans les pathologies résultantes et montrent qu’il n’existe pas de seuils en deçà duquel l’exposition aux polluants est sans risque sanitaire. Le seuil de sensibilité étant très différent d’un individu à un autre, l’attention ne doit pas être portée aux seuls épisodes intenses de pollution et les mesures destinées à diminuer la pollution de fond doivent être largement privilégiées.
2.2. Quelques chiffres
L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) distingue dans ses rapports, les effets de la pollution de l’air ambiant de ceux de la pollution de l’air intérieur, tout en reconnaissant des effets conjugués et la difficulté d’identifier précisément les deux contributions[5]. Dans ce qui suit, seuls les effets de la pollution de l’air ambiant seront rapportés.
L’utilisation de nouveaux modèles permettant d’évaluer l’exposition aux particules fines (PM2,5) combinée à des méthodes d’évaluation des risques permettent d’estimer à plus de 3 millions dans le monde, le nombre de décès par an dû à la pollution de l’air extérieur et confirme que la majorité de ces décès survient dans des pays à faible niveau de revenu [6].
En 2011, une étude Européenne, APHEKOM [7], menée sur trois ans, a utilisé une méthode d’évaluation d’impact sanitaire (EIS) classique pour estimer l’impact de la pollution urbaine sur la santé des habitants de 25 grandes villes d’Europe participant au projet. Cette étude évalue le gain moyen d’espérance de vie, en mois, à l’âge de 30 ans, si les niveaux moyens de particules fines (PM2,5) étaient ramenés à 10 µg/m3 comme préconisé par l’OMS. Les coûts annuels en dépense de santé et coûts associés (absentéisme, perte en qualité et espérance de vie) liés à la pollution atteindraient 30,5 milliards d’euros chaque année pour l’Europe.
Des résultats permettent également de lier l’occurrence de certaines pathologies chroniques à la résidence des habitants à proximité de grands axes routiers. Ainsi 15% à 20% des crises d’asthme chez l’enfant et l’aggravation des broncho-pneumopathies chroniques obstructives chez les adultes de plus de 65 ans pourraient être liées à la pollution.
Enfin, un rapport récent publié par Santé Publique France [8] présente la dernière évaluation quantitative d’impacts sanitaires (EQIS) réalisée sur le lien entre exposition chronique aux particules fines (PM2,5) et la mortalité en 2007 et 2008. Cette étude conclut au fait que plus de 48000 décès annuels seraient attribuables à la pollution due aux particules d’origine anthropique dans notre pays. Des résultats par région sont disponibles sous forme de cartographies. De telles études ont également été menées pour quantifier l’impact de la pollution à l’Ozone. Les incertitudes de ces évaluations sont également rappelées, incertitudes en amont sur la quantification des émissions et des expositions des populations, sur les causes des pathologies observées (facteurs de confusion liés aux modes de vie, alimentation, tabagisme, exposition en milieu de travail, …) et sur les choix méthodologiques utilisés. Malgré leurs limites, ces résultats ont l’intérêt de susciter une prise de conscience sur l’urgence du problème sanitaire et l’intérêt des mesures à mettre en œuvre pour réduire la pollution de l’air.
3. Information du public aux échelles nationale et européenne : les systèmes Prev’air et Copernicus Atmosphère
Comme cela est rappelé dans l’article de Marianne Moliner-Dubost (lire Comment le droit protège-t-il la qualité de l’air ?), la loi sur l’air de 1996 a profondément modifié l’organisation nationale autour des sujets en lien avec l’air que nous respirons. Ceci a été le point de départ pour la mise en place d’un réseau d’agences de surveillance de la qualité de l’air (AASQA). Au cours des années 2000, ce système a été complété en s’orientant vers la modélisation avec la création du système Prev’air.
3.1. Le système Prev’air
Cette plateforme de prévision de concentrations des principaux polluants réglementés est gérée au quotidien par l’INERIS (Institut National de l’EnviRonnement et des rIsqueS). Elle a été développée en 2004 par le consortium intégrant aux côtés de l’INERIS, Météo France, le CNRS et le LCSQA (Laboratoire Central de Surveillance de la Qualité de l’air). Ce consortium continue aujourd’hui de faire évoluer ce système unique en Europe.
Prev’air [9] s’attache à donner de manière régulière et fiable les concentrations prévues sur la France et l’Europe sur trois jours à venir, pour les principaux polluants réglementés et à rendre ces résultats accessibles au plus grand nombre. Pour réaliser ces prévisions, deux modèles numériques dits de « chimie-transport » sont exploités : le modèle CHIMERE, co-développé par l’INERIS et l’Institut Pierre Simon Laplace et le modèle MOCAGE développé à Météo-France.
Ces modèles pour fonctionner et fournir les prévisions de concentrations de polluants ont besoin des informations suivantes :
- Un inventaire d’émissions, aujourd’hui statique (non dépendant de la situation météorologique) qui détaille la répartition spatiale et temporelle des émissions sur une période. Ces émissions comprennent celles issues de l’activité humaine (émissions anthropiques) mais également celles issues des sources naturelles (végétation, sols …). Ces fichiers d’émissions sont mis à jour régulièrement de manière à prendre en compte les évolutions de l’affectation des sols et font l’objet de projets de recherche afin de les rendre dynamiques et dépendants de la situation (conditions météorologiques, période de l’année, jour férié ..). En particulier, on peut citer l’inventaire TNO-MACC-II European anthropogenic emissions développé dans le cadre des projets de recherche MACC et MACCII, projets précurseurs aux projets Copernicus.
- Des conditions météorologiques sur la période considérée, car comme vu dans la première partie, les conditions météorologiques créent les conditions favorables à un épisode de pollution et surtout sont un élément majeur dans la fin des événements. La prévision météorologique impactera donc la qualité de la prévision de la qualité de l’air. Ce point explique en grande partie les différences de prévisions de concentrations de polluants (ou de qualité de l’air par extension) constatées parfois entre différentes sources d’information.
- Des conditions aux limites, il s’agit en fait de l’état de la composition chimique au bord du domaine considéré, ces polluants pouvant ensuite être amenés à interagir ou se déplacer dans le domaine de modélisation (effet du transport par exemple).
Les sorties ainsi produites par Prév’air peuvent ensuite être réutilisées par les agences agréées de qualité de l’air pour produire des prévisions à échelle plus fine, adaptées à leur territoire, ou être affichées sous forme cartographique, permettant de suivre l’évolution d’un épisode sur l’échelle de temps et l’échelle spatiale considérées.
Ce système, pionnier en Europe, est réévalué régulièrement [10], et évolue de manière continue pour prendre en compte plus de phénomènes chimiques, augmenter la résolution sur le domaine, corriger un biais constaté dans la prévision. Les travaux de recherche dans le domaine de la chimie et de la modélisation de la qualité de l’air sont nombreux et contribuent à enrichir ce service aux usagers. Ainsi des appels à projets Primequal, lancés en 2005, visaient à étudier les liens entre la qualité de l’air et l’agriculture. Notons également que depuis le lancement des modèles de qualité de l’air en 2004, les modèles se sont enrichis en terme de réactions chimiques prises en compte, notamment via la modélisation des aérosols secondaires.
3.2. Les services Copernicus Atmosphère sur l’Europe
Cette autre approche a été adoptée au niveau européen. Les projets de recherche MACC (Monitoring Atmospheric Composition and Climate) ont ainsi permis de développer à partir de 2009 un système inégalé de surveillance et de prévision de qualité de l’air faisant intervenir un ensemble d’une dizaine de modèles développés et mis en œuvre par différentes équipes européennes. Ils ont regroupé 35 partenaires européens, services météorologiques nationaux et autres organismes de recherche, dont Météo-France et l’INERIS [11]. Depuis 2015, une partie de ces travaux a débouché sur la mise en place de services opérationnels : les services Copernicus Atmopshère [12].
La mise en place opérationnelle de ces services a été déléguée par l’Union Européenne à des grands opérateurs. Pour le volet surveillance de l’atmosphère, l’opérateur est le Centre européen de prévision météorologique à moyen terme (CEPMMT/ECMWF). Sous son égide, Météo-France et l’INERIS coordonnent les services de prévisions et d’analyse de la qualité de l’air en Europe et les services d’évaluation des stratégies de gestion de la qualité de l’air.
Depuis 2015, sur le site www.regional.atmosphere.copernicus.eu sont accessibles les prévisions à 4 jours de concentration de 10 polluants (dont des espèces de pollens durant les saisons de pollinisations) ainsi que les analyses de la veille (prévisions corrigées à l’aide des observations ponctuelles collectées par l’European Environment Agency) ou des réanalyses annuelles qui permettent d’évaluer et suivre les tendances et donc l’impact des politiques publiques. Ces données sont proposées avec des services de visualisation et de téléchargement répondant aux protocoles standardisés d’échange de données (dont services WMS/ WCS). Ces services de téléchargement sont entièrement libres d’accès et gratuits, et visent à être utilisés par des systèmes experts en aval, qui valoriseront ces sorties en proposant des informations de qualité de l’air à résolutions plus fines, en recroisant ces données avec d’autres sources de données, par traitement statistique…
Sur la base des conclusions des projets précurseurs MACC, l’approche multi-modèle a été conservée, les prévisions Copernicus Atmosphère Régionales (CAMS régional) sont aujourd’hui élaborées en combinant les sorties de sept modèles parmi les meilleurs d’Europe et tous capables d’assurer le niveau de service attendu. Ces modèles sont produits par les services météorologiques ou organismes nationaux (Finlande, France, Norvège, Suède, Pays-Bas et Royaume-Uni) et les laboratoires universitaires (Aarhus University/Danemark, Rhenish Institue for Environmental Research at University of Cologne/Allemagne, Warsaw University of Technology/Pologne). La prévision phare produite par ce système est appelée l’Ensemble, il s’agit de la médiane des résultats individuels, elle bénéficie ainsi des atouts de chacun des modèles et permet de proposer une prévision de qualité sur l’Europe à résolution de 0,1°.
A noter que, pour cette production, chaque modèle individuel utilise les mêmes données d’entrée, prévisions météorologiques du CEPMMT, données d’émissions et conditions aux limites produites par d’autres services de Copernicus Atmosphère. Ceci renforce la robustesse du système et permet d’analyser et de prendre en compte les incertitudes intrinsèques aux modèles.
Le système Copernicus Atmosphère régional, complément du système global (Copernicus Atmosphere Services [13]) est aujourd’hui en phase d’extension et continue de proposer de nouveaux services (nouvelles espèces de pollens, nouvelles réanalyses) ainsi que des évolutions pilotées et suivies au niveau de l’Union de l’Européenne, avec notamment des programmes ambitieux de mise à disposition de plateforme de téléchargement de données de masse complétée de services. Ceci peut s’effectuer via la mise à jour des inventaires d’émissions ou encore via la proposition de services innovant comme un système de suivi des feux basé sur l’assimilation de données satellitaires. Ce dernier système a vocation à être pris en compte dans le cadre de la qualité de l’air à l’échelle régionale ; ainsi l’impact d’un incendie hors d’Europe sur la qualité de l’air au niveau européen pourra être intégrée dans les prévisions.
Ce service européen peut également être un appui majeur dans le suivi de la qualité de l’air à l’échelle nationale, via une imbrication des systèmes de modélisation aux différentes échelles géographiques, comme c’est aujourd’hui le cas pour les systèmes Prev’air et Copernicus Atmosphère. Finalement, l’exploitation des données satellitaires « Sentinel » devrait également permettre la mise en place de nouveaux produits et une nette amélioration des produits existants.
Références et notes
Image de couverture. Pollution de l’air (smog) à New Delhi. [Source : Flickr – Licence : CC BY-NC]
[1] Rapport OMS de novembre 2016 « Burden of disease from the joint effects of household and ambient air pollution for 2012 » [http://www.who.int/airpollution/data/AP_jointeffect_BoD_results_Nov2016.pdf]
[2] Malardel S. (2009). Fondamentaux de Météorologie, Cepadues-Editions
[3] Fuentes et al (2000). Biogenic Hydrocarbons in the Atmospheric Boundary Layer: A Review Bulletin of the American Meteorological Society 81:7, 1537–1575
[4] Auger F. (2006). Implication des particules atmosphériques fines (PM <2,5 μm) dans l’induction de pathologies cardiovasculaires. Etude in vitro des relations entre l’épithélium des voies respiratoires et les cellules de l’endothélium vasculaire. Thèse Université Paris 7.
[5] WHO (Nov 2016). Burden of disease from the joint effects of household and ambient air pollution for 2012 [http://www.who.int/phe/health_topics/outdoorair/databases/AP_jointeffect_BoD_results_Nov2016.pdf?ua=1]
[6] WHO (Communiqué de presse. 27 septembre 2016). L’OMS publie les estimations nationales de l’exposition à la pollution de l’air et les effets sur la santé. [http://www.who.int/mediacentre/news/releases/2016/air-pollution-estimates/fr/]
[7] The Aphekom Project. Improving knowledge and communication for decision making on air pollution and heath in Europe [http://aphekom.org/web/aphekom.org/home]
[8] Santé Publique France. Impacts de l’exposition chronique aux particules fines sur la mortalité en France continentale et analyse des gains en santé de plusieurs scénarios de réduction de la pollution atmosphérique
[10] Rouil L., Honore C., Vautard R., Beekmann M., Bessagnet B., Malherbe L., Meleux F., Dufour A., Elichegaray C., Flaud J-M., Menut L., Martin D., Peuch A., Peuch V-H., Poisson N., 2009, PREV’AIR : an operational forecasting and mapping system for air quality in Europe, BAMS, DOI: 10.1175/2008BAMS2390.1
[11] Marécal V., Peuch V.-H., Andersson C., Andersson S., Arteta J., Beekmann M., Benedictow A., Bergstrom R., Bessagnet B ., Cansado A., Chéroux F., Colette A., Coman A., Curier R. L.,. Denier van der Gon H. A. C, Drouin A., Elbern H., Emili E.,. Engelen R. J,. Eskes H. J, Foret G., Friese E., Gauss M., Giannaros C., Joly M., Jaumouillé E., Josse B., Kadygrov N., Kaiser J. W., Krajsek K., Kuenen J., Kumar U., Liora N. ,. Lopez E., Malherbe L., Martinez I., Melas D., Meleux F., Menut L., Moinat P., Morales T., Parmentier J., Piacentini A., Plu M., Poupkou A., Queguiner S., Robertson L., Rouil L., Schaap M., Segers A., Sofiev M., Thomas M., Timmermans R., Valdebenito A., van Velthoven P., van Versendaal R., Vira J., and Ung A., A regional air quality forecasting system over Europe: the MACC-II daily ensemble production, Geosci. Model Dev. Discuss., 8, 2739-2806, 2015, doi:10.5194/gmdd-8-2739-2015
[13] http://atmosphere.copernicus.eu/
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Pour citer cet article : GUIDOTTI Sylvie, PITHON Marion (10 juillet 2018), Pollution de l’air extérieur : comprendre pour informer et prévenir, Encyclopédie de l’Environnement. Consulté le 21 novembre 2024 [en ligne ISSN 2555-0950] url : https://www.encyclopedie-environnement.org/air/pollution-air-exterieur-informer-prevenir/.
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