De la découverte de l’effet de serre au GIEC
PDFQuand et comment le principe de l’effet de serre est-il apparu ? Pourquoi, quand et comment un savant suédois a-t-il découvert que la température moyenne du globe était sensible à un doublement de la concentration de CO2 dans l’atmosphère ? Quelle fut l’histoire et les étapes importantes de la lente prise de conscience de l’impact des activités humaines sur le climat ? A quoi sert le GIEC [1] ? Ce sont, entre autres, ces questions qui ont suscité la présente contribution à l’Encyclopédie de l’Environnement.
- 1. Le climat a de tout temps influencé les sociétés humaines
- 2. Découverte de l’effet de serre
- 3. La fameuse courbe du Mauna Loa de Charles David Keeling
- 4. La prédiction de Wallace Broecker (1975) et l’expression « Global warming »
- 5. Du Rapport Charney (1979) à la création du GIEC (1988)
- 6. Le GIEC (groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat)
- 7. Quelques conclusions clés du GIEC
- 8. Quelques réflexions personnelles
1. Le climat a de tout temps influencé les sociétés humaines
Depuis toujours, le climat a été un élément important dans la dynamique et l’évolution des sociétés humaines. L’émergence ainsi que la prospérité des civilisations sumérienne et maya et de leurs premières cités antiques, il y a plusieurs millénaires, ont souvent été liées aux conditions climatiques favorables à une production agricole régulière. Leur destin, leur déclin se sont, eux, souvent trouvés en synergie avec les migrations des zones climatiques au cours des millénaires (Lire Changements climatiques et civilisations antiques).
Temporellement plus proche de nous, le Petit Âge glaciaire, qui s’étend approximativement du XIVe au XIXe siècle, a pu impacter d’autres sociétés comme le peuplement viking au Groenland initié par Éric le Rouge vers l’an mil (Figure 1), ou encore la civilisation khmère au Cambodge et ses majestueux temples d’Angkor. Ces deux populations ont décliné et abandonné ces lieux, probablement en rapport avec des changements environnementaux liés à des conditions plus froides au Groenland et plus sèches en Asie du Sud-Est, à des périodes correspondant approximativement à la période du Petit Âge glaciaire (Lire Changements climatiques et civilisations antiques).
De telles variations du passé illustrent le lien fort entre l’histoire des implantations humaines et l’évolution des conditions climatiques au cours des derniers millénaires, sans que l’on puisse mettre en cause une action déterminante des activités humaines sur le climat. Par contre, elle peut renseigner sur la capacité du genre humain à s’adapter aux changements environnementaux.
À l’inverse, l’histoire qui va suivre et qui débute au XIXe siècle ne peut pas se décliner sans la prise en considération de l’impact des sociétés humaines sur le climat. Cette histoire est émaillée de découvertes scientifiques et technologiques, et d’une lente prise de conscience du monde scientifique, des preneurs de décision, politiques mais pas seulement, et de la société civile. Cette histoire et cette prise de conscience de l’impact des activités humaines sur l’environnement ont conduit aujourd’hui à l’un des défis majeurs auxquels nos sociétés sont confrontées pour le XXIe siècle.
Je déroulerai cette histoire à partir de jalons historiques qui sont les suivants :
- début du XIXe siècle : Joseph Fourier découvre l’effet de serre ;
- fin du XIXe siècle : premier calcul de Svante Arrhenius sur le rapport entre le gaz carbonique (CO2) de l’atmosphère et la température de la surface du globe ;
- 1958 : signature par Charles Keeling de l’acte de naissance du suivi du gaz carbonique (CO2) de l’atmosphère à la station du Mauna Loa [2], qui vont établir durablement la preuve de l’influence des activités humaines sur la composition de l’atmosphère ;
- 1979 : le Rapport Charney aux États-Unis, premier document officiel de scientifiques adressé au monde politique ;
- 1988 : acte de naissance du GIEC.
2. Découverte de l’effet de serre
Au XIXe siècle, les scientifiques réalisent que l’atmosphère peut affecter la température de la planète. C’est le grand physicien français Joseph Fourier [3] (1768-1830) (Figure 2) qui, dans son Mémoire sur les températures du globe terrestre et des espaces planétaires, publié en 1827 [4], signe l’acte de naissance de la théorie de l’effet de serre. Il explique que l’énergie, sous forme de lumière visible en provenance du soleil, peut pénétrer facilement dans l’atmosphère et chauffer la surface de la Terre.
Cette dernière absorbe une partie du rayonnement du soleil et gagne de l’énergie qu’elle perd en émettant de la « chaleur rayonnante obscure », que les scientifiques nomment aujourd’hui rayonnement infrarouge. L’atmosphère en retour absorbe cette chaleur obscure et en renvoie une partie vers la surface, ce qui limite les pertes d’énergie vers l’espace.
À la suite des travaux de Joseph Fourier, beaucoup de choses furent écrites au sujet de l’absorption par les gaz de l’atmosphère de la chaleur rayonnante obscure et de son influence potentielle sur le climat. Les physiciens s’intéressèrent rapidement à la température moyenne à la surface de la terre : est-elle affectée par la présence de gaz absorbant la chaleur dans l’atmosphère [5] ? Il apparut dès lors que, sans de tels gaz dans l’atmosphère, la température de surface de notre planète serait considérablement plus froide, rendant vraisemblablement la vie impossible.
C’est peu après la découverte de l’effet de serre par J. Fourier que John Tyndall (1820-1893), un autodidacte irlandais, chercha à savoir si l’air pouvait réellement absorber la fameuse chaleur rayonnante obscure émise par la surface de la Terre.
Mais c’est Svante Arrhenius en 1896, qui le premier calcula l’impact d’une variation du contenu en CO2 de l’atmosphère sur la température au sol.
Svante Arrhenius (1859-1927) est un chimiste suédois (Figure 3) qui a obtenu le prix Nobel de chimie en 1903 pour ses travaux en électrochimie. Toutefois, depuis la fin du XXe siècle et, à la suite de la prise de conscience du réchauffement climatique planétaire, il suscite un nouvel intérêt majeur pour ses travaux précurseurs sur l’effet de serre.
En fait, l’une des grandes énigmes qui est débattue dans le monde scientifique du XIXe siècle est de comprendre pourquoi, dans un passé lointain, la surface de la Terre a connu des âges de glace, plutôt appelés aujourd’hui glaciations. Différentes théories sont proposées – astronomiques, physiques ou géographiques. Cette question passionne Arrhenius et il a l’intuition que le CO2 de l’atmosphère joue un rôle majeur dans l’existence des cycles glaciaires. Dans un premier temps, il va rassembler toutes les données existantes à l’époque et nécessaires pour estimer l’effet du contenu en CO2 de l’atmosphère sur la température de la Terre. À la suite de calculs particulièrement « fastidieux » – de son aveu même [6] -, il propose en 1896 la première estimation de l’impact du niveau en CO2 de l’atmosphère sur les températures de notre planète. Ses calculs suggèrent que, si l’on diminue d’environ la moitié la quantité de CO2 de l’atmosphère, cela pourrait conduire à une baisse des températures moyennes en Europe d’environ 4 à 5° C, ce qui correspond aux conditions d’un âge de glace [7].
Cette théorie du rôle majeur du CO2 dans la régulation de la température de la Terre se présente alors comme une alternative à l’hypothèse astronomique soutenue alors par James Croll (1821-1890) et qui développe l’idée que les changements climatiques à l’échelle géologique sont précisément dus à la précession des équinoxes et aux variations de l’orbite terrestre [8].
La théorie astronomique du climat fut longtemps réfutée. Puis elle se précisera et les observations faites sur les enregistrements marins en firent la promotion jusqu’à aujourd’hui comme stimulateur (pacemaker) des cycles glaciaires, c’est à dire établissant leur chronologie, mais pas leur amplitude (Lire Les théories astronomiques du climat : une longue histoire, Berger et Yin à paraître dans Eenv).
Quatre-vingts ans après, la prédiction d’Arrhenius fut confirmée par le déchiffrement des archives glaciaires, lorsque les glaciologues de Grenoble, mesurant les concentrations en CO2 atmosphérique de l’air piégé dans les bulles d’air de la glace antarctique (Figure 4) du dernier âge glaciaire, titrèrent dans la revue britannique Nature : « Polar ice evidence that atmospheric CO2 20,000 year BP was 50 % of present [9]».
Ainsi les cycles glaciaires sont aujourd’hui vus comme les effets combinés des suggestions de Croll pour les variations astronomiques et d’Arrehnius pour celles des gaz à effet de serre, le tout amplifié par une série de rétroactions naturelles.
Arrhénius calcula aussi que le réchauffement global à venir, au cas où le CO2 atmosphérique doublerait dans le futur, serait de l’ordre de 5 à 6° C, une prédiction relativement proche des estimations actuelles qui se situent entre 1,5 et 4,5° C. Pourtant, contrairement à la prise de conscience actuelle en matière de réchauffement planétaire qui prévoit des risques majeurs pour l’humanité à venir, il estimera un peu plus tard, dans un livre étonnant destiné à partager avec le public sa vision de l’évolution de l’univers, qu’un réchauffement de la Terre (lié à une augmentation du taux de CO2 dans l’atmosphère) serait une opportunité pour l’humanité. Il note qu’en particulier les régions froides du globe pourraient bénéficier d’une amélioration des conditions climatiques et de rendements agricoles plus élevés au bénéfice d’une population en croissance rapide [10].
3. La fameuse courbe du Mauna Loa de Charles David Keeling
À la suite des travaux pionniers d’Arrhenius, des doutes sont émis sur l’exactitude de ses calculs, remettant parfois en cause le fait que des émissions accrues de CO2 puissent avoir une influence sur le climat. Il y avait vraisemblablement chez certains cette conviction que notre Planète avait une forte capacité d’autorégulation avec, par exemple, un océan qui pourrait absorber la totalité du CO2 en excès dans l’atmosphère. Malgré tout, la théorie du réchauffement par effet de serre avait toujours des tenants et elle sera peu à peu reprise.
Dans les années 1950, il existait depuis des décennies des mesures partielles et locales des concentrations en CO2 de l’atmosphère. Cependant rien ne permettait d’observer une augmentation de son niveau depuis le début de l’ère industrielle, alors qu’il était connu que les émissions en CO2 vers l’atmosphère (y compris déjà à l’époque d’Arrhenius) croissaient régulièrement du fait de la combustion des énergies fossiles. Et pourtant il s’agissait là d’une information cruciale pour comprendre l’effet possible sur le climat d’une production croissante de CO2 par l’industrie.
Charles David Keeling, un jeune géochimiste américain (1928-2005), avait développé durant son postdoctorat [11], le premier instrument capable de mesurer directement le CO2 de l’atmosphère, avec une précision stable dans le temps. En 1958, il initia une série de prélèvements à l’observatoire situé au sommet du Mauna Loa, à Hawaï : en plein milieu de l’océan Pacifique, à 3 400 m d’altitude, le site est éloigné de sources polluantes anthropiques et choisi pour la pureté de son air. Dès les premières années d’enregistrement, la courbe de Keeling apparut parfaitement dentelée et croissante : dentelée car la végétation dans l’hémisphère nord, où se situe le Mauna Loa, absorbe du CO2 de l’atmosphère au cours de sa croissance au printemps et en été, puis en rejette au cours de l’automne et de l’hiver.
Ainsi était née la fameuse courbe du Mauna Loa, qui fut initiée par Keeling et se prolonge inexorablement aujourd’hui (Figure 5). Elle est largement citée par les comités de revues scientifiques et les journalistes scientifiques. Elle est devenue une sorte d’icône de l’effet de serre.
4. La prédiction de Wallace Broecker (1975) et l’expression « Global warming »
C’est à partir des années 1970 que les scientifiques commencent vraiment à se préoccuper de l’action potentielle des activités humaines sur le climat.
Entre 1940 et 1975, la température moyenne de surface de la Terre, aussi appelée température planétaire, a d’abord diminué jusque vers 1950 puis s’est stabilisée (Figure 6).
Wallace Broecker (Wally pour les intimes), décédé en 2019 et qui fut l’un des grands géochimistes de la seconde moitié du XXe siècle, publia en 1975 dans Science, une revue scientifique de référence, un article intitulé « Climatic Change : Are we on the brink of a pronounced global warming ? » (« Évolution du climat : sommes-nous à l’orée d’un réchauffement global ? »). [12] Dans cet article, qui a popularisé l’expression « Global Warming », il explique [13] comment un refroidissement naturel aurait pu masquer, dès 1940, l’effet de réchauffement du CO2 émis en brûlant les énergies fossiles. Il prédit également que 1975 est l’aube d’une longue période de réchauffement rapide, qui pourrait conduire, vers le début du XXIe siècle (c’est-à-dire maintenant), à une température planétaire jamais égalée au cours des derniers 1 000 ans, par comparaison avec la carotte de glace de Camp Century (Groenland).
5. Du Rapport Charney (1979) à la création du GIEC (1988)
À l’époque, on n’observait pas encore clairement le réchauffement climatique induit par les activités humaines (Figure 6) ; néanmoins, on savait que le CO2 anthropogénique s’accumulait dans l’atmosphère (courbe du Mauna Loa, Figure 5) et il est certes difficile de connaître précisément quand cette question émergea sur la place publique.
Une étape décisive est le Rapport Charney [14], préparé pour l’Académie des sciences américaines à la suite d’une demande du gouvernement américain et remis au président Carter en 1979.
Ce rapport examine les résultats des modèles climatiques de l’époque simulant la réponse climatique à une augmentation du CO2 atmosphérique. Ces modèles prédisaient déjà qu’un doublement du CO2 dans l’atmosphère se traduit par un réchauffement global important, compris entre 1,5 à 4,5° C. Cette estimation, faite il y a 40 ans, n’a guère varié aujourd’hui !
Une partie importante de la communauté des scientifiques, travaillant sur le climat, est alors convaincue de l’importance de la question et de la nécessité d’approfondir la connaissance dans le domaine de la réponse climatique à une augmentation du contenu de l’atmosphère en gaz à effet de serre. En 1980 est mis en place le Programme Mondial de Recherche sur le Climat [15]. L’alerte aux preneurs de décisions et à la société civile se concrétise en 1988 avec la création du GIEC [1], dont Bert Bolin, l’un des rédacteurs du Rapport Charney, prend la présidence.
La création du GIEC fut décidée conjointement par deux organisations dépendant de l’Organisation des Nations Unies (ONU) : le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) et l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM).
6. Le GIEC (groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat)
Le lecteur trouvera une description détaillée de trente ans d’histoire du GIEC dans le numéro 100 de la revue La Météorologie publié en 2018 [16] : les raisons de sa création, ses missions, son fonctionnement, ses remises en cause, ses rapports successifs et leurs points clés.
La mission du GIEC est de faire un point périodique sur l’état d’avancement des connaissances dans trois domaines :
- l’évaluation des aspects scientifiques du fonctionnement de la machine climatique et de l’évolution du climat ;
- la vulnérabilité des systèmes sociaux-économiques et naturels aux changements climatiques et les possibilités d’adaptation ;
- les solutions envisageables pour limiter les émissions de gaz à effet de serre et atténuer les effets négatifs des changements climatiques.
Les évaluations du GIEC sont basées sur les publications scientifiques et techniques dont la rigueur est largement reconnue. Ses experts travaillent à dégager les éléments qui relèvent d’un consensus de la communauté scientifique.
Chargé de nourrir la réflexion politique pour faire face à un défi d’importance qu’affronte notre civilisation, le GIEC, regroupant 195 pays, soit la quasi-totalité des états du monde, représente une expérience institutionnelle unique [17], qui fait aujourd’hui école dans le domaine de la biodiversité et demain sans doute dans d’autres domaines.
Des centaines d’experts éminents, spécialistes des domaines traités dans les rapports du GIEC, consacrent du temps à établir des évaluations en tant qu’auteurs. Des centaines d’autres experts apportent des contributions ponctuelles en tant qu’auteurs-collaborateurs et formulent des observations en qualité d’examinateurs [18].
Le GIEC, bien que constitué d’experts scientifiques, n’a pas de mandat pour entreprendre, en tant que tel, des travaux de recherche, ni faire des recommandations aux preneurs de décisions. Ses rapports (Figure 7) se doivent d’être « policy-relevant » (aide à la décision), mais en aucun cas « policy-prescriptive » [19]. Il existe donc une synergie essentielle entre le diagnostic scientifique synthétisé par les rapports du GIEC et les décisions politiques prises au sein de la Convention Climat [20], au cours de ses réunions annuelles : les Conférences des parties.
Enfin, en ce qui concerne le budget du GIEC – question que peut se poser le public -, il est alimenté sur une base de contributions volontaires des États-membres et s’élève à environ 6 millions d’euros. On peut donc parler d’un coût au meilleur rapport qualité-prix, pour une cause humanitaire à l’échelle planétaire !
7. Quelques conclusions clés du GIEC
7.1. À la question : les activités humaines sont-elles responsables du réchauffement ?
Depuis le premier rapport du GIEC en 1990, la réponse a évolué au fil des progrès dans la connaissance des observations et des modèles :
- En 1990, les experts avouent leur difficulté à trancher entre la part du changement climatique observée due aux activités humaines et celle résultant de la variabilité naturelle du climat.
- En 1995, le deuxième rapport du GIEC conclut que, désormais, « un faisceau d’éléments suggère une influence perceptible de l’homme sur le climat » ; il faut noter la prudence de la formulation.
- Puis, en 2007, le GIEC conclut que, très vraisemblablement, soit avec plus de 9 chances sur 10, l’essentiel du réchauffement observé depuis le milieu du XXe siècle est lié aux activités humaines. Le diagnostic s’est clairement renforcé.
- Dans le dernier rapport de 2014, ce diagnostic est encore mieux établi.
7.2. En ce qui concerne les impacts
Les conséquences du changement climatique, présent et à venir, varient suivant les régions, le type d’activité, le secteur économique, etc. Les simulations indiquent que, dans le cas d’un réchauffement moyen de la planète au-delà de 4° C par rapport au niveau préindustriel (aujourd’hui ce réchauffement est de l’ordre de 1° C) – ce qui risque de se produire vers la fin de ce siècle si aucune mesure n’est prise pour lutter contre le réchauffement climatique -, les conséquences probables seront les suivantes (cette liste n’est pas exhaustive) :
- la banquise d’été de l’Arctique et les récifs coralliens menacés de disparaître ;
- les phénomènes météorologiques extrêmes (vagues de chaleur, tornades, inondations, etc.) risquent de devenir plus fréquents et plus intenses, avec un risque plus élevé pour les pays et les populations les plus défavorisés ;
- la biodiversité sera de plus en plus en danger ;
- des phénomènes peuvent se produire, voire se manifester sous la forme de changements soudains et certains irréversibles, comme par exemple l’acidification de l’océan, la réduction du pergélisol (ces sols gelés de l’Arctique ou de nos montagnes en altitude), la hausse du niveau des mers avec à l’échelle millénaire le risque de fonte du Groenland (soit une augmentation de 7 m du niveau des mers).
7.3. Pour limiter les effets adverses du réchauffement (atténuation et adaptation)
Pour l’atténuation, l’accent est bien évidemment mis sur la cible de rester en-deçà d’un réchauffement de 2° C par rapport au niveau préindustriel (objectif majeur de l’accord de Paris à la COP 21). Cette possibilité requiert des réductions importantes des émissions globales en gaz à effet de serre d’ici 2050.
8. Quelques réflexions personnelles
Dans les années 80, je faisais des conférences publiques sur le thème de l’évolution du climat et du réchauffement climatique. Il était courant d’entendre des commentaires sur le fait que le sujet était fort intéressant, mais c’était la première fois qu’une bonne partie de l’auditoire le découvrait. Au fil du temps, l’auditoire s’est fait plus connaisseur et plus critique – le monde de la presse mettant souvent en exergue les controverses des climatosceptiques, [21] qui, si au début niaient la réalité du réchauffement climatique, reconnaissent aujoud’hui sa réalité en l’attribuant à la variabilité naturelle du climat comme les cycles de l’activité du soleil ou encore l’effet des éruptions volcaniques.
La critique se concentrait violemment sur la remise en cause du GIEC et sur des erreurs marginales qui avaient pu se glisser dans ses rapports.
Il va de soi que ces critiques ont profondément influencé les opinions publiques dans plusieurs pays, dont le nôtre à l’époque où Claude Allègre était en tête de file. Cela m’a toujours questionné. En effet, parmi les climatosceptiques de tout bord peuvent figurer des scientifiques, physiciens ou autres, parfois même de haut niveau. Néanmoins bien peu sont experts en sciences du climat. En face, les scientifiques du GIEC sont experts dans les domaines scientifiques et technologiques concernés. Ils se doivent d’être indépendants de tout pouvoir ou lobby et sont capables d’arriver à un consensus général, tâche particulièrement ardue.
Quoiqu’il en soit, il apparaît en ce début de 2020 que de plus en plus de dirigeants dans le monde reconnaissent le réchauffement climatique comme l’un des défis majeurs de nos sociétés au XXIe siècle, et qu’une masse grandissante de l’opinion publique souhaite que le problème soit traité dans l’urgence. Le message du GIEC est clair : tout faire pour tenter de maintenir d’ici la fin du siècle le réchauffement en deçà de 2° C par rapport au niveau préindustriel (1850-1900). Cela est encore possible ; toutefois, des mesures drastiques sont à prendre dès maintenant. Si rien n’est fait dans la décennie qui commence, alors il sera trop tard.
Que dire de plus, sinon qu’il s’agit d’un choix qui concerne la vie de nos enfants ?
Cette contribution à l’Encyclopédie de l’Environnement reprend pour l’essentiel un texte paru dans Mémoires de l’Académie Nationale de Metz.
Références et notes
Image de couverture. À gauche : Voyage de M. de Saussure à la Cime du Mont-Blanc au mois d’août 1787, Gravure sur cuivre par Christian von Mechel, collection of Teylers Museum [Source : Christian von Mechel / Public domain] / À droite : Mont Blanc par Matthieu Riegler [Source : Matthieu Riegler, CC-by]
[1] Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat ; IPCC en anglais :Intergovernmental Panel on Climate Change.
[2] Terme hawaïen signifiant littéralement « longue montagne » et désignant un volcan rouge actif, situé dans l’archipel d’Hawaï (États-Unis).
[3] Jean-Baptiste-Joseph ou simplement Joseph Fourier.
[4] Fourier (J.-B.-J.), « Mémoire sur les températures du globe terrestre et des espaces planétaire », Mémoires de l’Académie Royale des Sciences de l’Institut de France, t. VII-1827, p. 570-604.
[5] Arrhenius (S.), « On the Influence of Carbonic Acid in the Air Upon the Temperature of the Ground », The London, Edinburgh and Dublin Philosophical Magazine and Journal of Science, 1896, 41 : 237-76. Traduction française dans : Sur les origines de l’effet de serre et du changement climatique, Montreuil, Éd. la ville brûle, 2010, p.197-243.
[6] Les calculs « fastidieux » d’Arrhenius représentent de l’ordre de 10 000 à 100 000 calculs à la main, cf. Uppenbrick (Julia), « Arrhenius and Global Warming », Science, N° 272-1996, p. 1122 (références incluses).
[7] Arrhenius (S.), article cité.
[8] Croll (James), « On the Physical Cause of the Change of Climate During Geological Epochs », The London, Edinburgh and Dublin Philosophical Magazine and Journal of Science, 1864, vol. 28. Traduction française dans : Sur la cause physique des changements du climat au cours des époques géologiques, Montreuil, Éd. La ville brûle, 2010, p. 174-194.
[9] Delmas (Robert J.), Ascencio (Jean-Marc), Legrand (Michel), « Polar ice evidence that atmospheric CO2 20,000 yr BP was 50 % of present », Nature, N° 284-1980, p. 155-157.
[10] Arrhenius (S.), Worlds in the Making, chapter 2, New York, Harper & Brothers, 1908.
[11] Période qui suit l’obtention du doctorat universitaire.
[12] BROECKER (W.S.), « Climatic Change : Are we on the brink of a global warming ? », Science, Vol. 189, N° 4201, pp. 460-463
[13] Sa démonstration s’appuie sur l’analogie avec des évènements climatiques semblables du passé, enregistrés dans des archives glaciaires du Groenland.
[14] CHARNEY (J.G.) et al., 1979, « Carbon Dioxide and Climate : A Scientific Assessment », Report of an Ad Hoc Study Group on Carbon Dioxide and Climate, National Academy of Sciences, Washington, D.C., 22 pages.
[15] Le Programme Mondial de Recherche sur le Climat ou PMRC (en anglais World Climate Research Programme, WCRP) est une composante de l’Organisation Météorologique Mondiale qui fait partie des Nations Unies.
[16] Jouzel (Jean), Petit (Michel), et Masson-Delmotte (Valérie), « Trente ans d’histoire du GIEC », La Météorologie , N° 100-2018, p. 117-124.
[17] Raynaud (D.) « Au commencement étaient les bulles d’air de l’Antarctique », Le Monde Diplomatique, novembre 2015, Dossier Climat.
[19] Policy-relevant but not policy-prescriptive : cohérent avec les politiques adoptées, mais pas prescriptif (ou normatif).
[20] C’est à la suite du premier rapport du GIEC (1990) que sera organisée la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), appelée aussi Convention Climat. Elle sera signée au premier sommet de la Terre à Rio de Janeiro en 1992. C’est elle qui organise annuellement les désormais fameuses COP : Conferences of the parties (Conférences des parties) ou Conférences des 195 États signataires. La plus connue en France de ces conférences est la COP 21 tenue à Paris en 2015. Son objectif est de stabiliser les concentrations atmosphériques de gaz à effet de serre, à un niveau qui empêche toute perturbation humaine dangereuse sur le système climatique (cf. Conférence des parties – Wikipedia).
[21] Le terme climatosceptique se dit d’une personne qui nie ou minimise l’origine anthropique du réchauffement climatique, voire le réchauffement lui-même ; définition du Larousse.
L’Encyclopédie de l’environnement est publiée par l’Association des Encyclopédies de l’Environnement et de l’Énergie (www.a3e.fr), contractuellement liée à l’université Grenoble Alpes et à Grenoble INP, et parrainée par l’Académie des sciences.
Pour citer cet article : RAYNAUD Dominique (23 mars 2021), De la découverte de l’effet de serre au GIEC, Encyclopédie de l’Environnement. Consulté le 3 décembre 2024 [en ligne ISSN 2555-0950] url : https://www.encyclopedie-environnement.org/climat/decouverte-effet-de-serre-au-giec/.
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