Les variations climatiques du dernier millénaire

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Pour comprendre les mécanismes qui régissent la dynamique du climat actuel et prédire son évolution future, il est important de différencier les variations climatiques d’origine anthropique de celles d’origine naturelle. Dans ce cadre, étudier le climat avant que l’influence des activités humaines ne devienne prépondérante est particulièrement instructif. Le dernier millénaire est une cible privilégiée par les paléoclimatologues car cette période est riche en archives naturelles permettant de reconstituer le climat. L’amplitude des variations globales de température observées jusqu’à la fin du XIXe siècle est relativement faible et ne dépasse pas le ½ degré en prenant des moyennes sur 25 ans. Cela permet de mettre en perspective l’amplitude des changements récents dus aux activités humaines. A l’échelle régionale, certaines des variations observées durant le dernier millénaire peuvent être rapides et atteindre, voire dépasser, le degré pendant plusieurs années. L’analyse des mécanismes qui régissent ces variations fournit des informations cruciales pour mieux comprendre le climat à des échelles importantes pour la mise en place de mesures visant à se protéger des risques liés au climat.

1. Reconstituer les climats passés

1.1. Données instrumentales et sources écrites

De nombreuses sources d’informations sont disponibles pour étudier les climats passés et elles doivent en général être combinées pour fournir des reconstitutions sur plusieurs siècles.

Les données instrumentales, obtenues par exemple à l’aide de thermomètres ou pluviomètres, sont très utiles puisqu’elles donnent des informations directes et généralement fiables sur le climat moderne. Cependant, dans la plupart des régions, ces données couvrent moins d’un siècle, ce qui n’est pas suffisant pour étudier certaines variations climatiques qui se produisent sur de plus grandes périodes de temps.

En Europe, certaines séries temporelles issues de thermomètres couvrent jusqu’à plusieurs siècles, mais leur nombre est insuffisant pour connaître précisément les changements du climat. Des informations sur le climat sont aussi présentes dans différents documents écrits, tels que les journaux, chroniques, ou annales. Ces documents relatent parfois directement des observations météorologiques, et parfois donnent des indications indirectes sur le climat comme le rendement de cultures, la date des vendanges, etc. Néanmoins, là aussi, la couverture spatiale de ces données est relativement limitée, la plupart des sources étant localisées en Europe, en Chine et au Japon.

1.2. Archives naturelles du climat

En conséquence, les paléoclimatologues reconstituent généralement le climat en se basant sur différentes archives naturelles qui enregistrent de manière indirecte les fluctuations climatiques. Les séries temporelles obtenues à partir de ces enregistrements sont souvent appelées proxys climatiques, proxy-données ou tout simplement proxys.

Nous avons une quantité relativement importante de données pour le dernier millénaire (Figure 1) par rapport à des périodes plus éloignées dans le temps, avec généralement une faible incertitude sur la datation des observations. Cela permet d’obtenir un grand nombre de reconstitutions basées sur ces archives naturelles, avec une relativement bonne fiabilité.

Pour obtenir une reconstitution climatique à partir d’une archive naturelle, il faut étudier un système biologique ou physique qui est sensible au climat et qui laisse une trace qui peut être mesurée. C’est le cas par exemple avec les carottes de glaces, les sédiments marins, les stalagmites (voir par exemple Evans et al. 2013 [1]), ou encore les arbres vivants ou morts.

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Figure 1. Section d’un arbre montrant les cernes de croissance annuelle collectée par Étienne Boucher à N50° 48′ 33.0″ W68° 46′ 46.4″. [Source : © Étienne Boucher ; échantillon daté au laboratoire d’écologie historique et de dendrochronologie de l’UQAR]
Les arbres représentent une source de données sur le climat du dernier millénaire particulièrement importante. En effet, la taille des cernes de croissance des arbres ainsi que leur composition sont souvent très sensible aux variations de température ou de précipitation, puisque ces facteurs climatiques influencent directement leur croissance dans de nombreuses régions. De plus, il est possible de dater ces échantillons de manière très précise étant donné que, hors des régions tropicales, l’arbre produit un cerne par an (Figure 1). En conséquence, il est possible de reconstituer soit la température soit les conditions hydrologiques à partir de mesure sur les cernes d’arbres, la variable reconstituée étant fonction du facteur contrôlant majoritairement le développement des arbres à l’endroit étudié.

2. Changements de température à l’échelle globale

2.1. Reconstruire les températures passées

Les observations réalisées sur des archives naturelles permettent des reconstitutions des conditions climatiques locales ou régionales. Pour obtenir des estimations des changements climatiques à l’échelle continentale ou même sur toute la Terre, différentes observations doivent être combinées.

Pour ce faire, de nombreuses techniques ont étés appliquées (voir par exemple PAGES 2k Consortium 2013 [2], 2017 [3]), présentant des niveaux de complexité très différents. Un grand nombre de ces techniques se basent sur le lien entre la variable à reconstituer (par exemple la température globale) et les séries temporelles déduites des observations paléoclimatiques. La méthode [4] est tout d’abord calibrée sur la période récente en utilisant les observations instrumentales et ensuite appliquée au dernier millénaire en supposant que la relation entre la variable reconstituée et les données mesurées est stable dans le temps.

Les reconstitutions de la température à l’échelle continentale ou globale couvrant le dernier millénaire sont bien sûr moins précises que celles réalisées à partir de données instrumentales pour les dernières décennies. Elles montrent des différences en fonction des données sélectionnées et des techniques employées pour réaliser la reconstitution. Cependant, certaines caractéristiques sont communes à toutes les reconstitutions, et sont donc considérées comme robustes, permettant de décrire de manière assez fiable les principales variations du climat global du dernier millénaire.

2.2. Un refroidissement général au cours du dernier millénaire

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Figure 2. Évolution des températures globales au cours des deux derniers millénaires selon les reconstitutions de PAGES 2K Consortium (2017) (voir référence [3]). La reconstitution montrée en gris prend en compte les archives naturelles possédant une résolution temporelle de minimum 5 ans, tandis que la reconstitution montrée en bleu est basée sur les archives naturelles de plus basse résolution. Les bandes gris clair et bleu clair représentent l’incertitude des reconstitutions. Les observations instrumentales sont montrées en rouge. Toutes les courbes ont été moyennées pour obtenir une résolution temporelle de 25 ans. [Source : http://dx.doi.org/10.1038/sdata.2017.88, article et images licence Creative Commons ; référence [3] en open access]
A l’échelle globale, les températures étaient généralement assez élevées au début du millénaire (11e-13e siècles), puis ont montré une tendance générale au refroidissement (Figure 2 [3]). Le minimum est atteint au 19e siècle avant le réchauffement global observé au cours des 150 dernières années.

En plus de ces tendances générales, des fluctuations plus rapides sont observées. En particulier, la première partie du millénaire n’est pas uniformément chaude avec un refroidissement par exemple vers 1100. D’un autre côté, la période suivante n’est pas uniformément froide avec un épisode chaud par exemple à la fin du 18e siècle.

L’amplitude des variations à l’échelle globale est relativement faible, étant inférieure à un demi-degré quand on prend des moyennes sur 25 ans. Le réchauffement observé au cours du 20e siècle apparaît donc exceptionnel comparés à ces fluctuations de faible ampleur et toutes les reconstitutions à l’échelle globale disponibles qui couvrent le dernier millénaire jusqu’à la période récente ont leur maximum durant cette dernière période.

3. Origine des changements : contribution des forçages climatiques et de la variabilité interne

3.1. Forçages anthropiques et forçages naturels

On entend ici par forçage toute perturbation qui modifie le bilan total en énergie de la Terre. Ces forçages peuvent soit être d’origine naturelle soit anthropique.

Le réchauffement observé à l’échelle globale au cours du dernier siècle a été attribué sans équivoque à l’impact des activités humaines, spécifiquement à l’augmentation de la concentration des gaz à effet de serre dans l’atmosphère (Lire La machine climatique, Un cycle du carbone perturbé par les activités humaines). Les modifications du climat imposées par l’homme ne sont pas négligeables avant 1850. Par exemple, la modification de l’occupation des sols via le déboisement a affecté de manière significative les températures régionales. Cependant, elles ont eu une influence plus faible à l’échelle globale.

A l’échelle du dernier millénaire, les deux forçages naturels qui peuvent potentiellement jouer un grand rôle sont les variations de l’activité solaire (Lire Variabilité de l’activité solaire et impacts climatiques : le cas des derniers siècles) et les éruptions volcaniques majeures. Le forçage astronomique, qui est dominant à des échelles de temps plus longues, et est en particulier un des moteurs des cycles glaciaire-interglaciaire, a un effet très limité sur cette période.

3.2. Réponse au forçage solaire et volcanique

De nombreuses études ont été consacrées à l’impact des changements de l’activité solaire sur les températures au cours des derniers millénaires. On s’attend à ce qu’une irradiance solaire (Lire Variabilité de l’activité solaire et impacts climatiques : le cas des derniers siècles) plus élevée engendre une hausse des températures et c’est bien ce qui est simulé par les modèles climatiques (voir section 4). Cependant, l’effet est sans doute relativement faible à l’échelle du millénaire et il n’a pas été possible jusqu’ici de détecter formellement un impact du forçage solaire dans les variations de température globale reconstituées à partir des enregistrements paléoclimatiques.

L’influence des éruptions volcaniques majeures est plus claire. Les éruptions volcaniques émettent des aérosols (principalement sulfatés) dans l’atmosphère qui réfléchissent vers l’espace et absorbent une partie du rayonnement solaire incident, diminuant la quantité arrivant au sol et donc entrainant un refroidissement les quelques années suivant l’éruption (Brönnimann et Krämer 2016 [5]).

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Figure 3. Températures globales simulées par différents modèles climatiques (PAGES 2K-PMIP3, 2015, [6]) forcés par des reconstitutions des forçages naturels et anthropiques. Les courbes ont été lissées en utilisant une fenêtre de 25 ans. [Source : https://www.clim-past.net/11/1673/2015/cp-11-1673-2015.pdf, article CC Attribution 3.0 License ; référence [6] ]
Pour que ce refroidissement soit perceptible à grande échelle, l’éruption volcanique doit être assez puissante pour envoyer les aérosols jusque dans la stratosphère, à plus de 10 km d’altitude. Les poussières ou éléments qui restent dans les plus basses couches de l’atmosphère se déposent en effet trop rapidement ou sont lessivés par les pluies. Bien que l’impact d’une éruption individuelle ne dure en général que quelques années, plusieurs éruptions proches peuvent avoir une influence à plus long terme. En particulier, le grand nombre d’éruptions au début du 19e siècle explique en grande partie pourquoi cette période était particulièrement froide par rapport au reste du millénaire, comme simulé par les modèles climatiques (Figure 3) [6].

3.3. Rôle de la variabilité naturelle

Une partie non négligeable des changements observés ne peut toutefois pas être reliée à ces causes externes, et est directement issue des variations internes du climat (Lire La variabilité climatique : l’exemple de l’Oscillation nord-atlantique). La variabilité interne découle des interactions entre les différentes composantes du système climatique. Elle peut par exemple être induite par une modification temporaire des vents ou des courants océaniques influençant le transport d’énergie thermique d’un point à l’autre de la Terre.

Cela implique que la variabilité interne est souvent caractérisée par des réchauffements dans certaines régions et des refroidissements dans d’autres, ce qui entraîne des compensations lorsqu’on estime une moyenne globale. L’amplitude des changements qui sont associés à la variabilité interne est donc plus faible à l’échelle globale qu’à l’échelle régionale. Mais elle est loin d’être négligeable, même globalement, comme en atteste l’augmentation de plusieurs dixièmes de degrés de la température globale due à un évènement El Niño.

4. Simulations du climat du dernier millénaire

4.1. Accord entre les températures simulées et les reconstructions

Les modèles climatiques (Lire Les modèles de biosphère, hydrosphère et cryosphère) permettent de simuler l’évolution passée ou future du climat. Pour le dernier millénaire, ils sont forcés par des estimations réalistes des forçages naturels (volcanique et solaire) et anthropiques. Leurs résultats constituent alors une source d’information sur les climats passés complémentaire aux reconstitutions climatiques basées sur des archives naturelles.

Même si une disparité existe dans leurs résultats (Figure 3), une comparaison avec la Figure 2 montre que les modèles sont capables de simuler une évolution de la température à grande échelle en bon accord avec les reconstitutions, montrant eux aussi une tendance générale au refroidissement entre le 11e siècle et le 19e siècle avant le réchauffement récent Cela constitue un excellent test de leur validité et renforce leur crédibilité pour comprendre les variations passées et prédire les changements futurs.

4.2. Réponse simulée aux forçages

La bonne performance des modèles nous permet aussi en analysant leurs résultats de mieux comprendre les processus responsables des changements, en particulier la contribution des différents forçages et de la variabilité naturelle. Cela confirme, par exemple, que si les changements au cours de la période préindustrielle sont liés aux forçages naturels et à la variabilité interne du climat, le réchauffement global récent ne peut être simulé que si les forçages anthropiques sont pris en compte.

Il convient toutefois d’insister sur les incertitudes significatives présentes à la fois sur les reconstitutions du climat passé, les estimations des forçages et sur la représentation de la dynamique du climat par les modèles. Il est donc important de prendre en compte ces incertitudes lors de la comparaison entre les résultats de modèle et les reconstitutions. Cependant, la combinaison adéquate de ces sources d’information complémentaires nous apporte des clés précieuses pour quantifier et comprendre les variations climatiques de l’échelle décennale à centennale.

5. Optimum médiéval et petit âge glaciaire à l’échelle régionale

5.1. Changements de température à l’échelle régionale

Dans l’hémisphère nord, les températures à l’échelle continentale présentent des caractéristiques similaires aux températures globales avec une tendance au refroidissement jusqu’au 19e siècle suivie par un fort réchauffement.

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Figure 4. Évolution des températures en Europe (en rouge), en Asie (en bleu) et en Amérique du Sud (en vert) au cours du dernier millénaire selon les reconstitutions de PAGES 2k Consortium (2013) référence [7]. Les bandes rouge clair, bleu clair et vert clair représentent l’incertitude des reconstitutions. Les courbes ont été lissées en utilisant une fenêtre de 25 ans. [Source : Figure originale des auteurs]
Les fluctuations superposées à ces grandes tendances sont de plus grande ampleur à l’échelle continentale qu’à l’échelle globale. De plus, de nombreux pics n’ont pas lieu au même moment sur les différents continents (Figure 4) [7]. On peut y voir la signature de la variabilité interne qui joue un rôle dominant pour les variations continentales et qui implique des mécanismes régionaux qui ne sont pas nécessairement connectés à plus grande échelle.

Cependant, l’impact de certaines éruptions volcaniques majeures est tel qu’elles entraînent généralement des refroidissements clairement identifiables à l’échelle régionale. Par exemple, l’éruption du Tambora en 1815 a entrainé des refroidissements importants dans de nombreuses régions d’Europe et en Amérique du Nord l’année suivante. Les chroniqueurs ont d’ailleurs régulièrement référencé 1816 comme ‘l’année sans été’, avec des diminutions importantes des récoltes.

5.2. Période chaude médiévale et d’optimum médiéval

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Figure 5. Fête sur la Tamise englacée près des escaliers du Temple en 1683-84 de Thomas Wyke. [Domaine public].
Comme les températures étaient généralement un peu plus élevées dans la période 900-1200 dans de nombreuses régions par rapport au reste du dernier millénaire, on parle régulièrement de période chaude médiévale ou d’optimum médiéval. La période allant du 14e au 18e siècle est quant à elle souvent appelée petit âge glaciaire en raison des températures plus fraîches et de l’avancée de nombreux glaciers, en particulier dans les Alpes (Lire Les glaciers de montagne, sentinelles des changements climatiques). Les peintures de Brueghel montrant des paysages enneigés (Image introductive), les fêtes sur la Tamise englacée (Figure 5) ou des tempêtes particulièrement fortes ont aussi pu laisser une image d’un climat rigoureux durant une bonne partie du petit âge glaciaire.

Cependant, l’interprétation de certains évènements est souvent complexe. Par exemple, les aménagements réalisés sur la Tamise (en particulier les ponts) ont modifié l’écoulement de la rivière et donc fortement influencé la probabilité d’un englacement, indépendamment des changements des conditions climatiques.

De manière plus générale, les concepts d’optimum médiéval et petit âge glaciaire sont à utiliser avec précaution [8], étant relativement vagues. En particulier, il n’y a pas de définition précise des années couvertes par ces périodes. Il est possible de trouver des décennies chaudes au sein du petit âge glaciaire et froides pendant la période chaude médiévale.

De plus, les variations du climat durant ces périodes ne sont pas cohérentes à l’échelle globale. Les maxima ou minima de température n’ayant généralement pas lieu au même moment dans différentes régions. Il peut être trompeur de vouloir leur assigner une origine commune ou de chercher un lien physique fort.

Finalement, cette distinction entre un optimum médiéval et un petit âge glaciaire semble plus adaptée pour les continents de l’hémisphère Nord que pour les autres régions du globe. Même si des conditions froides ont été observées à beaucoup d’endroits entre le 17e siècle et le 19e siècle, le maximum des températures n’est pas nécessairement atteint entre le 10e et le 12e siècle, en particulier dans l’hémisphère Sud (Figure 4).

6. Changements du cycle hydrologique

6.1. Variations globales et régionales

Dans les régions inter-tropicales, les variations du cycle hydrologique ont plus de conséquences que les variations de températures sur les écosystèmes et les systèmes physiques comme les lacs. Ces impacts laissent donc des signaux importants dans les enregistrements paléoclimatiques qui permettent de reconstituer des indices caractérisant des conditions humides ou sèches au cours du dernier millénaire.

Les changements du cycle hydrologique sont très variables d’une région à l’autre. En conséquence, il n’y a pas de tendances fortes à l’échelle globale ou même continentale, si ce n’est une diminution limitée des précipitations dans certaines régions suite aux éruptions volcaniques. Cependant, à l’échelle régionale, de fortes variations ont été reconstituées sur la base des enregistrements paléoclimatiques.

6.2. Les méga-sécheresses du dernier millénaire

Un des éléments les plus spectaculaires est sans doute l’existence de longues périodes sèches dans certaines régions semi-arides comme dans l’Ouest des États-Unis. Ces méga-sécheresses observées au cours du dernier millénaire peuvent durer plusieurs décennies, et certaines d’entre elles correspondent à des conditions qui n’ont pas (ou très peu) été observées durant la période instrumentale (Figure 6) [9]. Une des preuves directes de ces sécheresses est la baisse du niveau de certains lacs qui a permis à des arbres de pousser dans les zones asséchées avant d’être submergées à nouveau dans des périodes plus humides. C’est un exemple frappant illustrant que les cent cinquante dernières années ne couvrent pas toute la gamme des variations possibles du climat à l’échelle décennale et centennale, et que nous devons nous tourner vers des périodes plus lointaines pour obtenir des informations complémentaires de celles déduites des observations instrumentales.

6.3. Origine des changements de précipitation

De manière générale, les précipitations sont beaucoup plus variables, dans le temps et l’espace, que la température. Les changements de précipitation sont ainsi moins bien compris, et plus difficiles à reconstituer, que les changements de température.

Dans de nombreuses régions, la température est influencée au premier ordre et de manière assez directe par des bilans énergétiques à grande échelle qui sont assez bien connus. Les changements de circulation et les phénomènes locaux, qui sont plus complexes, jouent aussi un rôle pour les températures mais ils ont une importance relative moins grande que pour les précipitations.

De plus, les modèles climatiques ont généralement des biais plus importants pour les précipitations. Les conclusions que l’on peut déduire de leurs résultats sont donc souvent plus incertaines pour les précipitations que pour les températures.

Une conclusion claire est que la variabilité naturelle a généralement une influence dominante sur les précipitations, en relation avec les grands modes de variabilité comme l’oscillation Nord Atlantique et le phénomène El Niño qui domine les variations interannuelles observées au cours des dernières décennies. Les changements de température de surface des océans semblent aussi avoir un grand impact sur les variations à plus grande échelle de temps.

7. Messages à retenir

  • La température globale a diminué entre le début du dernier millénaire et le 19ème siècle de quelques dixièmes de degrés avant d’augmenter très rapidement.
  • La température globale est influencée par les forçages naturels (en particulier les éruptions volcaniques) et anthropiques. Le forçage anthropique est dominant depuis un siècle et explique le réchauffement récent.

La variabilité naturelle du climat a eu un fort impact sur la température à l’échelle régionale et les changements de précipitations au cours du dernier millénaire.

 


Notes et références

Image de couverture. Pieter Brueghel l’Ancien. Les Chasseurs dans la neige (1565, Kunsthistorisches Museum Wien) et la Moisson (août-septembre) (1565, Metropolitan Museum of Art New york). [Source : Domaine public]

[1] Evans, M.N., S.E. Tolwinski-Ward, D.M., Thompson, and K.J. Anchukaitis, 2013. Applications of proxy system modeling in high resolution paleoclimatology. Quaternary Science Reviews 76: 16-28, https://doi.org/10.1016/j.quascirev.2013.05.024.

[2] PAGES 2K Consortium, 2013. Continental-scale temperature variability during the past two millennia. Nature Geoscience, 6(5): 339-346, http://dx.doi.org/10.1038/ngeo1797.

[3] PAGES 2K Consortium, 2017. A global multiproxy database for temperature reconstructions of the Common Era. Scientific Data, 4, http://dx.doi.org/10.1038/sdata.2017.88.

[4] Ces méthodes sont souvent basées sur des régressions linéaires.

[5] Brönnimann S and D. Krämer, 2016. Tambora and the « Year Without a Summer » of 1816. A Perspective on Earth and Human Systems Science. Geographica Bernensia G 90. ISBN 978-3-905835-46-5 (http://www.geography.unibe.ch/services/geographica_bernensia/online/gb2016g9001/index_eng.html)

[6] PAGES2k-PMIP3 group, 2015. Continental-scale temperature variability in PMIP3 simulations and PAGES 2k regional temperature reconstructions over the past millennium. Climate of the Past, 11, 1673–1699, https://www.clim-past.net/11/1673/2015/.

[7] PAGES 2K Consortium, 2013. Continental-scale temperature variability during the past two millennia. Nature Geoscience, 6(5): 339-346, http://dx.doi.org/10.1038/ngeo1797.

[8] Diaz H.F., R. Trigo, M. K. Hughes, M. E. Mann, E. Xoplaki, and D Barriopedro, 2011. Spatial and temporal characteristics of climate in medieval times revisited. Bulletin of the American Meteorological Society 92: 1487-1500 (https://journals.ametsoc.org/doi/abs/10.1175/BAMS-D-10-05003.1)

[9] Cook, E.R., C.A. Woodhouse, C.M. Eakin, D.M. Meko and D.W. Stahle, 2004. Long-term aridity changes in the western United States. Science, 306(5698): 1015-1018, (https://doi.org/10.1126/science.1102586)


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Pour citer cet article : GOOSSE Hugues, KLEIN François (10 janvier 2019), Les variations climatiques du dernier millénaire, Encyclopédie de l’Environnement. Consulté le 21 décembre 2024 [en ligne ISSN 2555-0950] url : https://www.encyclopedie-environnement.org/climat/variations-climatiques-dernier-millenaire/.

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