Pourquoi la 5G ?
PDFDe tout temps les hommes ont cherché à communiquer, mais pourquoi, depuis les années 1980/1990, tous les 10 ans une nouvelle « technologie G » nous est-elle proposée (2G, 3G, 4G, 5G et bientôt 6G déjà au stade de la recherche) ? Et pourquoi une 5G si on a déjà la 4G ? Ces questions bien naturelles sont difficiles à appréhender.
Cet article propose une première compréhension des technologies clefs pour la 5G et de leurs impacts sur l’environnement, le climat, la santé et la vie sociale. Il est basé sur les travaux de l’équipe Télécoms de la Division Systèmes du Cea/Leti (voir « en savoir plus »).
- 1. Bref historique des techniques de télécommunications
- 2. Qu’est-ce donc que la 5G ?
- 3. Aspects technologiques : intérêt de la 5G par rapport à la 4G
- 4. La 5G et les enjeux climatiques
- 5. 5G et Santé
- 6. Théorie des communications numériques, les clefs pour comprendre la 5G
- 7. Le multiplexage spatial : technologie clef de la 5G
- 8. Messages à retenir
1. Bref historique des techniques de télécommunications
Nous renvoyons le lecteur à Wikipedia pour découvrir tous les détails de l’histoire des télécommunications :
Nous nous limiterons donc ici, à quelques commentaires concernant les principaux jalons concernant la chronologie des évènements et nous citerons quelques extraits issus de cette référence.
Tout commence avec les signaux de fumée, utilisés par les peuples d’Amérique du Nord et du Sud, et avec les tambours en Afrique, notamment. Au Moyen Âge, je cite « des tours placées sur les sommets permettaient de transmettre les ordres et renseignements stratégiques, mais l’information était limitée à l’équivalent d’un bit moderne comme : l’ennemi est en vue ».
En 1782, c’est la naissance des tuyaux acoustiques dont le moine cistercien Dom Gauthey est l’inventeur et dont il communique un mémoire de son invention, à l’Académie des Sciences.
Dans les dates importantes on peut également noter, je cite « en 1794, en France, l’ingénieur français Claude Chappe réalise le premier système de télégraphie optique par sémaphore entre Paris et Lille … Le développement de l’électricité fit naître l’ère du téléphone électrique. On doit l’invention du premier téléphone acoustique, ou téléphone à ficelle [1] à Robert Hooke dans les années 1660. Le téléphone « classique » fut inventé indépendamment par Alexander Bell et Elisha Gray en 1876, mais c’est Antonio Meucci qui conçut le premier dispositif pouvant transmettre la voix par une ligne électrique en 1849 ».
A partir de 1880, on assiste au début de l’exploitation du réseau téléphonique, rattaché à la Poste, ce qui fera naitre les Postes Télégraphes et Téléphones (PTT).
La première transmission radio aura lieu entre le Canada et l’Angleterre, en 1901, grâce à Guglielmo Marconi, ce qui lui vaut le prix Nobel en 1909.
L’histoire des télécommunication franchit un nouveau gap en 1941, avec l’apparition du Talkie-walkie, je cite « sous forme d’un émetteur-récepteur radio réellement portatif pour des liaisons radiophoniques sur de courtes distances, mais déjà, s’annonçait l’ère de la miniaturisation par la découverte du transistor [2] en 1947 qui remplacera le tube électronique ».
Mais c’est en 1945 que débute l’histoire des télécommunications modernes, de la génération OG, avec les premiers téléphones analogiques mobiles non cellulaires, lourds et volumineux.
Ce fut le début de l’ère des télécommunications mobiles et leurs générations successives, jusqu’à la 5G d’aujourd’hui et la 6G demain (Figure 1).
2. Qu’est-ce donc que la 5G ?
La « 5G » est la cinquième génération de réseaux mobiles, qui succède aux technologies 2G, 3G et 4G. La 2G a permis l’essor du téléphone portable (appels vocaux puis l’envoi de SMS), la 3G celui des smartphones (connexion à internet, accès à des applications, développement des réseaux sociaux via les tel mobiles), la 4G a apporté des débits plus importants et l’accès facile aux formats vidéo via nos smartphones. La 5G devrait permettre de conjuguer haut débit et mobilité. Dans un scénario optimal, l’usage de nouvelles bandes de fréquence permettra un débit multiplié par 10 et un délai de transmission divisé par 10 [4].
Globalement, jusqu’ici les réseaux fixes de télécommunication apportaient la puissance et la fiabilité, alors que les réseaux mobiles, c’est-à-dire sans fil, accompagnaient la liberté de mouvement. Le déploiement de la 5G s’appuie sur une nouvelle interface radio (la New Radio-NR) capable d’opérer efficacement sur de nouvelles bandes de fréquence. Elle reposera sur trois bandes de fréquence, aux propriétés physiques différentes, selon la frise des fréquences représentée sur la Figure 2 :
- La bande de 700MHz, déjà attribuée aux opérateurs depuis fin 2015 pour le déploiement de la 4G. Cette bande de fréquence offre une très bonne couverture mais des largeurs de bandes de l’ordre de 10 à 20 MHz.
- La bande 3400-3800 MHz (3,4-3,8 GHz). Elle offre un bon compromis couverture/débit. Elle est identifiée en Europe comme la bande « cœur 5G ». Elle permet le déploiement de la technologie de multiplexage spatial.
- Les bandes 26-28 et 40 GHz, bande « millimétrique » d’extrêmement haute-fréquence (EHF), jusqu’à présent utilisées pour les liaisons satellitaires ou d’infrastructure. Les largeurs de bandes offertes varient de 100 à 400 MHz. Les débits visés sont très importants dans des zones de couvertures de petites tailles.
3. Aspects technologiques : intérêt de la 5G par rapport à la 4G
3.1. Ultra haut débit
La 5G permet d’échanger de nombreuses données dans un temps très court et avec une grande fiabilité.
Sans pouvoir présager de toutes les applications le confinement de mars 2020 a montré aussi l’intérêt de disposer d’un réseau performant pour maintenir les échanges : mise en place du télétravail, de classes virtuelles, de téléconsultations médicales….
Le déploiement de la 5G facilite l’utilisation de ces plateformes collaboratives et permet d’améliorer le service.
3.2. Connexions massives et simultanées
De nombreux appareils (jusqu’à plusieurs millions par km2) peuvent être mis en relation sans perte de débit ni effondrement du service.
Cette caractéristique peut par exemple faciliter le développement massif de l’IoT (Internet des objets [5]) dans le quotidien, avec à la clé du service à la personne, une gestion plus intelligente et plus économe des réseaux d’énergie (ex : n’allumer les lampadaires ou les vitrines que lorsqu’un passant se présente) et la numérisation des industries (ex : lignes de production plus facilement reconfigurables).
3.3. Virtualisation du réseau
La 5G reposera [6] sur un réseau virtualisé. La virtualisation s’appuie sur les logiciels pour simuler une fonctionnalité matérielle et créer un système virtuel. Ainsi Le cœur de ce réseau [7], soit l’ensemble des supports de transmission et de communication dans lequel est traitée la partie la plus importante du trafic, n’est plus porté par des équipements physiques (cas de la 4G) mais pris en charge par des logiciels.
Cette virtualisation permet de décentraliser les capacités de calcul au plus près des usages (edge computing). Elle permet aussi, sur une même infrastructure, d’allouer des performances de bande passante différentes en fonction des usages (network slicing [8]). Ex : faible latence pour le véhicule autonome ou la téléchirurgie, débit plus important pour la réalité virtuelle ou augmentée, connexions massives pour l’IoT et les capteurs.
Grâce au Network Slicing, une seule infrastructure peut donc être reprogrammée pour plusieurs usages, cela permet de mutualiser les coûts de déploiement du futur réseau 5G.
3.4. Antennes actives
Avec les technologies précédentes, le réseau envoie le signal de manière indifférenciée sur une large zone dans toutes les directions (diffusion en parapluie) ; les antennes actives déployées avec la 5G permettent de restreindre le signal à la seule zone de présence de l’utilisateur. Elles permettent aussi de rendre les utilisateurs orthogonaux spatialement et donc d’augmenter la capacité.
3.5. Optimisation énergétique
Atout en termes d’efficience énergétique : la 5G a introduit des mécanismes de mise en veille de l’infrastructure permettant de réduire la consommation énergétique dans les périodes creuses (nuit, ou zone peu dense).
4. La 5G et les enjeux climatiques
Le débat sur la 5G s’interroge particulièrement sur l’impact du numérique sur l’environnement. Cette problématique est bien plus large que la problématique 5G, qui n’est qu’un tuyau, mais elle la recoupe.
En termes d’émissions de gaz à effet de serre (GES), le secteur du numérique a aujourd’hui dépassé le secteur aérien (4%), Figure 4, et cette part ne cesse de croitre. Il y a beaucoup à faire en termes de réflexion sur les usages. Le Sénat a fait des recommandations en la matière ; l’Arcep (autorité de régulation des communications électroniques et des postes) a publié une note sur le sujet en 2019.
La 5G offre une meilleure efficacité énergétique que la 4G à quantité égale de données échangées. Mais la 5G va ouvrir à son tour de nouveaux champs d’application, et le trafic devrait augmenter encore davantage. C’est ce que l’on appelle l’effet rebond [9].
Nul ne peut prédire à l’avance toutes les applications qui naîtront de la 5G. La technologie crée des opportunités ; la société développe des usages. A l’origine du téléphone mobile, le SMS, peu ergonomique, avait été pensé comme un gadget un peu secondaire. A la grande surprise des concepteurs, il a en fait répondu à un besoin des utilisateurs et s’est développé massivement.
Certains de ces usages permettront d’effacer ou de réduire les GES émis dans d’autres secteurs. Ainsi, le télétravail expérimenté massivement durant la pandémie COVID 19 évite à de nombreuses personnes de se précipiter sur les routes aux heures de pointe et de se retrouver dans les bouchons. Certains services vitaux seront accessibles à distanceet permettront de désenclaver les territoires (télémédecine avec contrôle à distance des robots pour le soin et la chirurgie).
Dans les usines, grâce notamment à l’IoT, les lignes de productions devraient être plus flexibles, plus facilement reconfigurables, plus modulaires, avec moins d’obsolescence à la clé… Mais ce ne sera évidemment pas le cas pour tous les usages. Cette question des usages est une question politique et sociétale cruciale qui dépasse le technicien, l’ingénieur ou chercheur travaillant sur ces technologies et qui ne sont qu’un maillon de la société (Figure 5).
Faut-il sensibiliser davantage l’utilisateur pour diffuser les bonnes pratiques ? Aujourd’hui, un conducteur de voiture sait que rouler en surrégime entraine une plus forte consommation. Mais qui sait que regarder un film en streaming sur son portable en 4G est 10 fois plus énergivore que de regarder le même film sur son PC, après l’avoir téléchargé via la fibre ? Ce surplus de consommation est absolument invisible aujourd’hui pour le consommateur d’autant qu’il ne se répercute pas sur sa facture.
Faut-il réglementer d’avantage la consommation de données, comme le recommande le Sénat qui préconise la fin des forfaits illimités dans un rapport sorti en juin sur l’impact du numérique ?
Faut-il pousser à l’écoconception des services numériques ? C’est ce que préconise par exemple l’Arcep [10] qui note que durant le confinement, les éditeurs de contenu ont fait des efforts pour alléger les contenus. Grâce à cet effort, les réseaux ont pu tenir malgré le recours massif au télétravail. L’Arcep estime qu’il y aurait beaucoup à faire pour lutter contre les obésiciels : lorsque le trafic n’est pas contraint, les logiciels ont tendance à développer des fonctionnalités accessoires mais lourdes. Pourtant, des versions allégées aux performances assez similaires sont parfois développée pour les pays où les débits sont plus faibles. Il faut aussi noter que l’industrie des télécommunications a toujours assuré les rétrocompatibilités entre les « G » (2G, 3G 4G et 5G). Cette compatibilité louée se paye aussi par une agrégation de système. Ce modèle sera peut-être à repenser.
Sur le long terme, la croissance du trafic est tirée à la fois par l’augmentation du nombre de smartphones, par l’augmentation du nombre d’utilisateurs et par l’augmentation du volume moyen par abonnement, alimenté principalement par la consommation accrue de contenus vidéo. La figure 5 montre l’évolution du trafic mensuel mondial total de données et de voix sur le réseau, du 1er trimestre 2014 au 1er trimestre 2021, ainsi que l’évolution en pourcentage d’une année sur l’autre pour le trafic de données sur les réseaux mobiles [11]. Le trafic mensuel total de données sur les réseaux mobiles au premier trimestre 2021 a dépassé les 66 exaoctets [12] (1018 octets).
5. 5G et Santé
Lors de la Table ronde relative aux impacts sanitaires et environnementaux de la 5G, organisée par la Commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat11 le 29 juin 2020, l’Anses explique qu’il existe de nombreuses publications et de nombreuses données accumulées depuis 20 ans dans les bandes de fréquence qui courent jusqu’à 2,5GHz, c’est-à-dire jusqu’au Wifi et à la téléphonie mobile 2G, 3G et 4G.
Les effets sanitaires de la bande de 700MHz, déjà attribuée aux opérateurs depuis fin 2015 pour le déploiement de la 4G mais utilisée également pour la 5G sont donc bien maîtrisés et, les seuils d’exposition fixés en conséquence.
L’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire) explique également qu’entre 6 et 10 GHz, les ondes électromagnétiques pénètrent de moins en moins profondément dans le corps. A partir de ces fréquences, l’interaction avec le vivant est donc superficielle. La bande des 26 GHz, déployée pour la 5G plus tardivement, notamment pour les objets connectés, fait l’objet de nombreuses publications qui montrent une absorption des ondes limitée à la surface de la peau (sur une épaisseur d’une centaine de microns).
Sur la bande de fréquence de 3,5 GHz (bande cœur de la 5G), l’Anses estime manquer d’informations à ce stade. Il n’est pas déraisonnable, selon elle, de transposer les mécanismes observés à 2,5 GHz, mais elle réserve son avis à la sortie du rapport. C’est cette démarche d’extrapolation qu’ont retenue les diverses autorités qui se sont prononcées sur le sujet dans divers pays. La Fédération Française des Télécoms (FFT) souligne qu’en Allemagne, Autriche, Finlande, Norvège, au Danemark, en Irlande, Pays-Bas, les autorités ont estimé qu’il n’y avait pas de raison de remettre en cause les analyses réalisées dans le cadre de la 4G, l’OMS et la Commission européenne ont fait de même. Les mêmes seuils d’exposition ont été conservés [13].
En termes de mesure d’exposition, la 5G vient toutefois changer un point important par rapport aux générations précédentes. En 4G, le réseau envoie le signal de manière indifférenciée sur une large zone (diffusion en parapluie) ; en 5G, les antennes sont dites actives et la diffusion du signal est restreinte à la seule zone de présence du smartphone en communication (cf. §3.4 Antennes actives).
Les antennes émettront donc en direction de l’utilisateur si et seulement s’il utilise son téléphone mobile. Ce point modifie les scénarios d’exposition qui sont donc variables d’un individu à l’autre en fonction de l’utilisation qu’il a de son smartphone. Le débat est loin d’être clôt et des études scientifiques devront être menées. En conclusion il est important de se rappeler que notre exposition est principalement due à notre utilisation du téléphone (plus précisément, au champ électromagnétique qu’il émet) et à notre consommation de données.
6. Théorie des communications numériques, les clefs pour comprendre la 5G
Dans le domaine des télécommunications, il convient de préciser la manière dont deux ou plusieurs entités communiquent. Les régulateurs ont choisi le domaine des fréquences pour organiser les communications.
En l’absence d’obstacle, les ondes électromagnétiques se propagent dans l’espace à partir de l’antenne et s’atténuent d’autant plus rapidement que la fréquence est grande.
Le récepteur, comme tout dispositif électronique, est sujet au bruit dû à l’agitation thermique des électrons, qui est proportionnel à la température ambiante. Pour caractériser le bruit par rapport à la puissance du signal, le rapport signal à bruit (SNR) est communément utilisé.
La capacité d’un canal (également appelée limite de Shannon) a été introduite par Claude Shannon en 1948[14] et reste un résultat fondamental de la théorie de l’information. Elle représente la capacité maximale théorique d’une communication.
Les transmissions fiables étant limitées par la capacité de Shannon, s’en approcher a fait l’objet d’innombrables efforts de recherche. Atteindre le taux limite pour une bande passante et un rapport signal sur bruit (SNR) donnés, signifie que la ressource est utilisée de la manière la plus efficace possible.
L’efficacité énergétique d’un système de transmission se définit comme la quantité de bits d’information (transmis et reçus) par unité de consommation d’énergie des modules utilisés pour cette même transmission et réception. Cela s’applique donc pour toute entité d’un système de télécommunication, de l’utilisateur au réseau complet. L’unité est le bit/Joule.
L’efficacité spectrale , exprimée en bits par seconde et par Hertz, caractérise la technique de modulation de l’onde qui permet de transmettre les bits d’information dans la bande de fréquence autorisée [15]. Transmettre avec une grande efficacité spectrale suppose un rapport signal sur bruit élevé, et donc une puissance d’émission élevée. Ceci se fait au détriment de l’efficacité énergétique. Ainsi, l’optimum donné par la théorie de l’information est approché par un compromis entre l’efficacité spectrale et l’efficacité énergétique.
Les transmissions fiables étant limitées par la capacité, s’en approcher a fait l’objet d’innombrables efforts de recherche. Atteindre le taux limite pour une bande passante et un SNR donnés, signifie que la ressource est utilisée de la manière la plus efficace possible. D’après la théorie de l’information il faut toujours faire un compromis entre l’efficacité spectrale et l’efficacité énergétique.
Une transmission fiable avec une efficacité énergétique élevée se traduira nécessairement par une faible efficacité spectrale et, en comparaison, un système avec une efficacité spectrale plus élevée doit consommer plus d’énergie pour transmettre la même quantité de bits avec la même efficacité énergétique.
Face à l’augmentation exponentielle de la consommation du numérique, un nouveau standard post 4G a été étudié pour répondre aux besoins des vingt prochaines années. Les systèmes modernes de communications (4G) travaillant déjà à la limite de la capacité définie par la théorie de l’information deux options ont été retenues pour la 5G.
- La capacité du canal variant linéairement avec la bande passante, allouer du nouveau spectre permet simplement d’augmenter la capacité du réseau. Les bandes à 3.5GHz et entre 20-40 GHz (dites millimétriques en référence à l’ordre de grandeur de la longueur d’onde) ont été réservées pour la 5G. Comme discuté précédemment, l’atténuation en espace libre augmentant avec la fréquence, le prix à payer est une propagation plus difficile. Cela motive l’utilisation d’antennes qui concentrent l’énergie ou à augmenter le nombre de point d’accès. Cette dernière solution, quand elle est poussée à l’extrême, permet de réduire le niveau de puissance d’émission ainsi que l’exposition aux ondes électromagnétique qui proviennent principalement du mobile en mode émission – c’est l’extension des small cells (petites cellules introduites dès la 4G). Néanmoins, la multiplication des points d’accès a un coût pour les opérateurs, ce qui, aujourd’hui, freine les déploiements.
- Le spectre étant rare et cher une alternative a été introduite par le standard 5G : le multiplexage spatial, qui consiste à être capable de faire communiquer en même temps plusieurs utilisateurs dans l’espace, sans qu’ils interfèrent. Cette technologie repose sur les progrès de l’intégration des traitements numériques et par le fait qu’augmenter les fréquences permet de dimensionner des antennes de tailles petites qui peuvent être mise en réseaux
7. Le multiplexage spatial : technologie clef de la 5G
Le multiplexage spatial repose sur l’utilisation de réseaux d’antennes à grand nombre d’éléments (massive MIMO).
Le principe réside dans « l’orthogonalisation » (voir focus en fin d’article) dans l’espace des signaux d’utilisateurs différents. C’est-à-dire que deux utilisateurs peuvent communiquer en même temps sans s’interférer par un traitement de l’information. A l’échelle du corps humain, notre cerveau sait décoder deux conversations simultanées grâce à nos deux oreilles et grâce à du traitement.
En jouant sur les phases et les amplitudes des signaux sur chaque antenne, on peut trouver un jeu de paramètre qui va faire combiner d’une manière constructive (signal plus fort) le signal d’un utilisateur d’intérêt dans une direction et, combiner d’une manière destructive (signal résultant ramené à 0) le signal dans la direction des autres utilisateurs.
A titre d’exemple, la Figure 9 montre la répartition de puissance dans l’espace de signaux orthogonaux pour quatre utilisateurs. Le point d’accès composé de 400 antennes est placé au centre. Pour toutes les configurations, la puissance reçue dans la direction d’intérêt (carré bleu) est maximale (-60dB). Par contre, dans la direction des autres utilisateurs, la puissance reçue est nulle.
Dans cet exemple, les 4 utilisateurs peuvent échanger de l’information dans le même spectre simultanément sans s’interférer. La capacité est multipliée par quatre.
En théorie, on peut multiplexer N utilisateurs avec un réseau de N antennes et N chaines d’émission numérique. La complexité d’un tel système, est bien supérieure à celle des générations précédentes.
A noter que l’état de l’art actuel de systèmes 5G est N=64 antennes pour les fréquences autour de 3.5 GHz, et de l’ordre de la centaine pour les bandes millimétriques. La figure 10 ci-dessous montre des exemples de systèmes antennaires conçus et développés par Nokia et le Cea/leti dont un démonstrateur comprenant 400 éléments.
8. Messages à retenir
- La 5G s’appuie sur une nouvelle interface radio (la New Radio-NR) capable d’opérer efficacement sur de nouvelles bandes de fréquence. Elle repose sur trois bandes de fréquence, aux propriétés physiques différentes et complémentaires.
- La 5G conjugue un ultra-haut débit et des connections massives simultanées, notamment grâce à des antennes actives qui limitent le signal à la zone de l’utilisateur.
- Pour un trafic donné, l’efficacité énergétique de la 5G conduit à des émissions de gaz à effet de serre très inférieures à celles des générations antérieures. Mais la forte augmentation attendue du trafic pourrait compenser cet effet positif sur le réchauffement climatique.
- Le multiplexage spatial, qui repose sur l’utilisation de réseaux d’antennes à grand nombre d’éléments, permet à plusieurs utilisateurs de communiquer en même temps sans interférer l’un sur l’autre.
Notes et références
Image de couverture. [Source : Pixabay]
Cet article a été rédigé, avec la participation de Christophe Delaveaud, Eric Mercier, Camille Giroud, Camille Decroix, Roland Blanpain, sur la base des travaux de l’équipe Télécoms de la Division Systèmes du Cea/Leti.
[1] « Le « téléphone à ficelle » ou yaourtophone, est un dispositif de téléphonie acoustique (ne reposant pas sur un système électrique) fait de deux boites de conserve, gobelets en carton ou objets de forme similaire reliés par un fil.» (https://fr.wikipedia.org/wiki/T%C3%A9l%C3%A9phone_%C3%A0_ficelle)
[2] « Un transistor est un dispositif semi-conducteur à trois électrodes actives, qui permet de contrôler un courant ou une tension sur l’électrode de sortie (le collecteur pour le transistor bipolaire et le drain sur un transistor à effet de champ) grâce à une électrode d’entrée (la base sur un transistor bipolaire et la grille pour un transistor à effet de champ) » (https://fr.wikipedia.org/wiki/Transistor )
[3] « Le handover désigne l’ensemble des opérations mises en œuvre pour permettre qu’un téléphone mobile ou un smartphone (dénommés station mobile – MS en GSM, ou « user equipment” dans les réseaux 3G et 4G) puisse changer de cellule radio sans interruption de la conversation ou du transfert des données. »(https://fr.wikipedia.org/wiki/Handover)
[4] Arcep, « Grands dossiers : la 5G » : https://www.arcep.fr/la-regulation/grands-dossiers-reseaux-mobiles/la-5g.html
[5] « L’Internet des objets ou, en anglais, Internet of Things ou IoT, est l’interconnexion entre l’Internet et des objets, des lieux et des environnements physiques. »(https://fr.wikipedia.org/wiki/Internet_des_objets)
[6] Le futur est utilisé ici, car à la date de rédaction de cet article (31 Mai 2022), le cœur de réseau pour la 5G est basé sur un cœur de réseau 4G qui ne permet pas le slicing (figure 3). On parle de 5G NSA (pour Non Stand Alone). Il est prévu de déployer la 5G SA (Stand Alone) dans les prochains mois, mais ce déploiement ne sera pas rapidement effectif dans tous les pays. Le slicing en tant que tel n’est donc pas pour tout de suite, au plus tôt d’ici la fin de l’année 2022.
[7] Le cœur de réseau évolue vers la 5G : https://www.ericsson.com/fr/blog/3/2021/9/le-coeur-de-reseau-evolue-vers-5g
[8] A quoi sert le network slicing : https://reseaux.orange.fr/actualites/5g-network-slicing
[9] Arcep Note n°5 « L’empreinte carbone du numérique », 21 octobre 2019 : « l’amélioration de l’efficacité énergétique ne suffira pas, à long terme, à contrebalancer l’augmentation du trafic. Ainsi, par effet rebond (…) une évolution technologique qui s’avère permettre une réduction des émissions de GES à usage constant est susceptible de produire en fait un accroissement global des émissions en raison de la multiplication des usages qu’elle permet. » https://www.arcep.fr/uploads/tx_gspublication/reseaux-du-futur-empreinte-carbone-numerique-juillet2019.pdf
[10] Arcep Note n°5 « L’empreinte carbone du numérique », 21 octobre 2019 : https://www.arcep.fr/uploads/tx_gspublication/reseaux-du-futur-empreinte-carbone-numerique-juillet2019.pdf
[11] Ericsson mobility report, June 2021. https://www.ericsson.com/en/reports-and-papers/mobility-report
[12] Un octet est un groupe de 8 bits ; Un exaoctet est équivalant à 1000 pétaoctets ou à un milliard de gigaoctets
[13] Nicolas Guérin, président de la Fédération Française des Télécoms lors de la Table ronde relative aux impacts sanitaires et environnementaux de la 5G par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat le 29 juin. https://www.senat.fr/les_actus_en_detail/article/impacts-sanitaires-et-environnementaux-de-la-5g.html
[14] C. Shannon. “A Mathematical Theory of Communication”. The Bell System Technical Journal 27.3 (1948), pp. 379–423. https://people.math.harvard.edu/~ctm/home/text/others/shannon/entropy/entropy.pdf
[15] Digital Communications 5th Edition. Proakis. McGraw Hill, (2007 ), OU W. Gappmair, « Claude E. Shannon: the 50th anniversary of information theory, » in IEEE Communications Magazine, vol. 37, no. 4, pp. 102-105, April 1999, doi: 10.1109/35.755458. https://www.leti-cea.com/cea-tech/leti/english/Pages/Leti/About-Leti/mission-organization.aspx
L’Encyclopédie de l’environnement est publiée par l’Association des Encyclopédies de l’Environnement et de l’Énergie (www.a3e.fr), contractuellement liée à l’université Grenoble Alpes et à Grenoble INP, et parrainée par l’Académie des sciences.
Pour citer cet article : DORE Jean-Baptiste (19 juillet 2022), Pourquoi la 5G ?, Encyclopédie de l’Environnement. Consulté le 21 décembre 2024 [en ligne ISSN 2555-0950] url : https://www.encyclopedie-environnement.org/physique/5g/.
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