Les glissements de terrain
PDFLes glissements de terrain sont un des risques naturels les plus présents et ils affectent toutes les régions du monde, causant chaque année d’énormes dégâts tant en vies humaines qu’en dommages matériels. Ils affectent aussi bien des pentes naturelles que des ouvrages anthropiques comme les digues, barrages ou remblais. Les types de mouvements, les causes, le rôle de l’eau et les méthodes de stabilisation sont exposés.
1. Les glissements de terrain
Les glissements de terrain sont des mouvements gravitaires d’une masse de sol dont le volume peut aller de quelques dizaines de m3 à plusieurs dizaines de millions de m3. L’épaisseur du glissement peut varier de quelques mètres à plusieurs dizaines de mètres tandis que leur surface peut atteindre quelques km2. Il y a donc une extrême variabilité de glissements depuis celui qui peut entrainer une fermeture d’une route à celui qui modifie complètement la topographie d’un site. Ces glissements peuvent être terrestres ou sous-marins. Des traces de glissement ont aussi été découvertes sur Mars.
On traitera ici des mouvements concernant les sols meubles ou indurés [1], typiquement des sols naturels, argiles, sables, et tous les matériaux meubles. Ces pentes peuvent être des pentes naturelles ou des pentes anthropiques telles que les déblais, les remblais, les digues et barrages.
2. Quels types de mouvements ?
Plusieurs types de mouvement sont mis en évidence lors de glissement par comparaison entre les relevés de topographie avant et après l’instabilité. Le premier type concerne des glissements dont on peut mettre en évidence après déplacement une ou plusieurs surfaces de rupture sur laquelle s’est exercé le frottement. La géométrie de la masse en glissement peut être de forme quasi-circulaire, être constituée de différents blocs se déplaçant, ou enfin d’un bloc plan. Ces glissements présentent une niche d’arrachement en partie haute du glissement et un bourrelet de pied en partie basse : un tel glissement est survenu en La Salle en Beaumont (Figure 2) [2]. Un deuxième type correspond aux coulées de boues dans lesquelles la masse glissée se transforme en un fluide lourdement chargé pouvant, selon la configuration de la pente ou de la vallée se propager sur des longues distances. Un glissement du premier type peut se transformer en coulée : un exemple est celui de Sarno (Italie/Campanie). Enfin, des pentes peuvent avoir un comportement de reptation ou de solifluxion (mouvement lent de la couche superficielle d’un sol gorgé d’eau [3]) : elles présentent alors des mouvements lents assez superficiels (quelques centimètres ou dizaines de centimètres par an). Ces pentes une fois identifiées peuvent être suivies et leur mouvement évoluer vers la rupture.
3. Comment étudier un glissement ?
L’étude de la stabilité d’une pente ou l’analyse en retour après un glissement passe par plusieurs étapes indispensables. La première est une étude géologique complète du site, tant au niveau de la géométrie et de la stratigraphie que de l’histoire géologique du site, notamment la mise en évidence de glissements anciens qui ont pu être réactivés. L’étude hydrogéologique, ensuite, concerne les circulations d’eau dans les pentes étudiées : l’eau est en effet très souvent le moteur des mouvements (voir §5). Le troisième point important est la caractérisation du comportement hydraulique et mécanique des matériaux présents, en particulier leur perméabilité et leur résistance au cisaillement caractérisée par le couple (cohésion et angle de frottement interne). Ces connaissances permettent alors d’établir une modélisation mécanique de la pente et divers modèles numériques (soutenus par des logiciels spécifiques) et de se prononcer sur la stabilité/l’instabilité de la pente, en comparant les forces motrices (poids, forces d’écoulement, séisme) et les forces résistantes (cohésion, frottement, renforcement…)
4. Comment expliquer un glissement ?
Lors de la survenue d’un glissement, l’analyse des causes se fait par la recherche des différents facteurs déclenchants : ceux-ci peuvent être facilement listés à partir des grandeurs présentent dans les équations de l’équilibre, tant sur les forces motrices que sur les forces résistantes.
Le raidissement d’une pente par des terrassements, une surcharge en tête de talus, un remblai construit sur une pente, des déblais à la base de la pente, sont autant d’exemple d’augmentation des forces motrices. Un autre cas est celui des séismes où l’accélération horizontale crée des instabilités souvent très nocives lorsque le réseau routier d’acheminement de secours est impacté. Des terrassements – même modestes – en pied de versant peuvent aussi entrainer des glissements importants lorsqu’ils sont effectués sur des sites ayant déjà glissés mais actuellement stabilisés.
L’écoulement de l’eau dans une pente est aussi une force motrice : la perte de charge lors de l’écoulement se transmet au squelette du sol. L’analyse hydrogéologique du versant est donc essentielle et l’eau agit aussi par son effet sur la résistance mécanique des sols.
Le comportement mécanique des sols à la rupture est représenté par la loi de Coulomb et la résistance au cisaillement comporte un terme de cohésion et un terme de frottement proportionnel à la contrainte normale. Mais les sols sont des matériaux bi ou tri phasiques. Il existe donc une pression interstitielle et l’analyse peut se faire soit en contraintes totales (en considérant le sol comme monophasique) soit en contraintes effectives avec prise en compte des pressions de l’eau dans les pores du sol.
L’analyse de la stabilité naturelle de la pente avant les travaux qui vont modifier sa géométrie est indispensable. Cette analyse doit inclure les conditions géologiques et hydrauliques. Il peut s’agir aussi d’étudier d’anciens glissements fossiles potentiellement réactivables : en effet, sur les surfaces glissement anciennes, l’angle de frottement résiduel créé par les grands déplacements antérieurs peut être seulement de 20° à 10° et la cohésion résiduelle est quasi nulle. Cela explique des glissements qui apparaissent sur des pentes très faibles lorsque le rôle de l’eau est présent.
5. Quel est le rôle de l’eau ?
L’eau a plusieurs actions dans les glissements de terrain. Les venues d’eaux peuvent être d’origine pluviales ou souterraines provenant de l’amont. Les eaux pluviales peuvent provoquer une érosion de surface et des infiltrations rejoignant les eaux souterraines.
Un exemple permet de comprendre l’effet de l’eau. Une pente dans un matériau sableux totalement sec est stable tant que l’angle de talus est inférieur à l’angle de frottement F. La même pente totalement noyée sans écoulement est stable dans les mêmes conditions. Lorsque la pente est soumise à un écoulement dont la surface libre coïncide avec la surface topographique, l’angle d’équilibre limite est de l’ordre de la moitié de F. Pour une nappe en écoulement parallèle à la pente, le coefficient de sécurité (traduisant l’excès de stabilité de la pente) décroit lorsque la nappe se rapproche de la surface : cela explique les glissements survenant après de fortes pluies provoquant la remontée de la nappe en écoulement.
A cet effet, se rajoute le rôle de l’eau sur le comportement mécanique des sols non saturés. La non-saturation crée une succion entre les grains de sol (voir le château de sable et ses « murs » verticaux !) qui peut s’interpréter comme une cohésion capillaire. Celle-ci est très favorable à la stabilité, mais elle disparaît lors de la saturation, causant ainsi le glissement.
Enfin, lorsque les argiles sont cisaillées sur une surface de glissement, elles subissent une augmentation de teneur en eau qui diminue leur résistance au cisaillement.
6. Comment et pourquoi ausculter un versant ou une pente ?
L’auscultation a différents buts et pour y parvenir on emploie différents moyens de mesure [7]. Il s’agit tout d’abord de fournir les données nécessaires à la compréhension et à l’analyse du glissement dans un but de suivi et d’alerte pour d’éventuels travaux de traitement ou de confortement.
Les mesures de surface non invasives se basent sur des repères topographiques et toutes les méthodes peuvent être appliquées dans le but de connaitre les déplacements x,y,z de la surface du glissement (depuis la topographie classique jusqu’aux techniques LiDAR [4] ou GPS…). Des fissuromètres mesurant l’écartement de fissures ou des jalons sont aussi utiles. Ces mesures de surface permettent de connaître l’étendue surfacique du glissement. Le suivi de l’évolution des déplacements, et notamment l’accélération des déplacements permettent de prévoir, dans certains cas, avec succès la survenue de la rupture.
L’autre paramètre important à mesurer est l’évolution des déplacements en profondeur et la détermination de la surface sur laquelle s’effectue le mouvement : on peut alors calculer le volume de la masse glissante et effectuer une rétro-analyse du glissement. Les inclinomètres sont des tubes verticaux implantés dans le glissement, fixés en pied dont on mesure la déformée au cours du temps.
Le rôle de l’eau a été souligné précédemment. Plusieurs mesures sont nécessaires, dont la première est la pluviométrie sur le site ou à proximité. Pour accéder au comportement hydraulique du versant, la connaissance des écoulements et des pressions interstitielles est obtenue à partir de piézomètres [5].
7. Comment stabiliser une pente ?
En ayant défini les causes et la géométrie du glissement, l’ingénieur peut choisir des actions de stabilisation. Au vu du rôle majeur de l’eau, le contrôle des eaux d’infiltration est la première action. Cela passe par des caniveaux, cunettes etc. pour la récupération des eaux pluviales et leur acheminement vers des exutoires par des conduites insensibles aux mouvements du terrain. Des massifs drainants (masques de pied, éperons perpendiculaires aux lignes de niveau, tranchées drainantes en épi….) améliorent la stabilité en diminuant la pression interstitielle et en augmentant la résistance au cisaillement. Pour optimiser l’emprise de tels travaux, des remblais renforcés à parement raidi sont réalisables (renforcement par géotextiles, terre armée, géogrilles…)
Des forages équipés de drains peuvent avoir plus de 100 mètres de longueur et ainsi intercepter des alimentations en profondeur ou des circulations d’eau se produisant à des interfaces de couches. Ces drains sont généralement de faible diamètre et peuvent être soumis à des colmatages. De plus, dans des zones en glissement, lorsque l’on veut rabattre la nappe au delà de la surface de glissement, on s’expose à un cisaillement des tubes et par conséquent à un effet contraire, alimentant en eau la zone de cisaillement. Les drains peuvent être réalisés à partir de galeries sous le glissement ou par des forages subhorizontaux rayonnants à partir de puits
Le clouage des pentes est une technique qui s’est considérablement développée depuis plusieurs années. Ces clous (barre d’acier de 32mm de diamètre) ont une longueur de quelques mètres à quelques dizaines de mètres et sont scellés par un coulis de ciment sur toute leur longueur selon une maille d’un clou par 1 à 4 m². Ils peuvent travailler en effort normal, en cisaillement ou en flexion. Ce clouage est complété par un drainage derrière un masque en béton projeté armé par un treillis. Les calculs de stabilisation de pente par clouage s’effectuent avec les logiciels classiques de stabilité de pente.
Dans le cas de glissements de pente s’étant déjà produits, une technique particulière consiste à utiliser des pieux de gros diamètre (de l’ordre un à deux mètres) pour stabiliser le glissement. Cette technique lourde et coûteuse à mettre en œuvre est employée pour protéger des ouvrages routiers, autoroutiers ou ferroviaires. Le but de ces ouvrages n’est cependant pas nécessairement d’arriver à une stabilisation complète du glissement, mais de ralentir à une faible valeur les vitesses de déplacement observées et permettre la remise en service des ouvrages.
Les pieux sont en béton armé ou métalliques. Par rapport aux techniques de clouage classiques en stabilisation de pente, les pieux présentent une plus grande inertie et travaillent en flexion/traction/compression. Ils sont placés verticalement et ils nécessitent des plates-formes d’accès plus importantes pour les machines de forage. Dans des sites souvent en limite de stabilité, le recours à des pieux forés est presque toujours la solution adaptée. Ces pieux sont implantés en une ou plusieurs lignes à l’aval et/ou à l’amont de l’ouvrage à protéger. Des longrines tirantées [6] peuvent compléter le dispositif.
Références et notes
Image de couverture : Glissement de terrain du Chambon [Source : By David.Monniaux (Own work) [CC BY-SA 4.0], via Wikimedia Commons] Pour en savoir plus sur le glissement de terrain du Chambon : voir réf. [7].
[1] Les sols indurés désignent des sols résistants ou des roches tendres ou altérés telles que les marnes par exemple
[2] Moulin, C., Chapeau C., Le glissement de la Salle en Beaumont. http://www.risknat.org/projets/riskydrogeo/docs/guide_pratique/Acivite1_Ateliers/Presentations%20Atelier2/A2P3-La%20Salle-%20Chapeau%20CETE.pdf
[3] Guilloux A. et al. Note sur la définition des « Sols indurés Roches tendres SIRT » Revue française de Géotechnique, n°111, 2ème trimestre 2005 pp 59-67
http://www.geotech-fr.org/sites/default/files/rfg/article/111-5.pdf
[4] LiDAR (light detection and ranging. Mesure topographique par émission d’un faisceau laser réfléchi. On peut ainsi obtenir un modèle numérique de terrain en 3 dimensions
[5] Piézomètre : appareil permettant de mesurer la pression d’eau en profondeur au sein du massif de sol
[6] Poutres en béton armé qui sont ancrées par des tirants dans le substratum stable
[7] Dubois L. Le glissement du Chambon : évolution et gestion de crise. https://jngg2016.sciencesconf.org/browse/session?sessionid=21782
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Pour citer cet article : FLAVIGNY Etienne (30 octobre 2018), Les glissements de terrain, Encyclopédie de l’Environnement. Consulté le 30 décembre 2024 [en ligne ISSN 2555-0950] url : https://www.encyclopedie-environnement.org/sol/glissements-de-terrain/.
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