Les risques naturels

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Les risques naturels sont indissociables  de l’histoire de notre planète. Tempêtes, cyclones, crues et inondations, canicules, éruptions volcaniques, séismes, tsunamis, mouvements de terrain, chutes de météorites, … sont autant de phénomènes naturels qui participent à l’évolution incessante de la Terre. Le concept de risque naturel se définit comme l’attribut d’une manifestation naturelle (aléa), dont les conséquences avec le patrimoine humain peuvent être dommageables (vulnérabilité). Dans cet article, nous revisitons les notions fondamentales attachées au concept de risque naturel, en essayant d’illustrer le propos à partir d’exemples relevant des risques gravitaires en montagne. Nous terminerons en évoquant les approches et outils actuellement développés afin d’assurer la gestion des risques naturels.

 

1. Que signifie le concept de risque naturel ?

La notion de risque naturel est apparue depuis fort longtemps. En France, selon l’article L 125-1 du Code des assurances « … Sont considérés comme les effets des catastrophes naturelles, les dommages matériels directs « non assurables » ayant eu pour cause déterminante l’intensité anormale d’un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n’ont pu empêcher leur survenance ou n’ont pu être prises… ». En moyenne par an, de 2000 à 2012, les catastrophes naturelles dans le monde ont coûté près de 130 milliards de dollars, affectant plus de 220 millions de personnes dont plus de 92 000 y ont trouvé la mort.

Dans la continuité de la définition précédente, on pourrait admettre que la notion de risque naturel émerge dès lors que l’espèce humaine se heurte au milieu naturel. La méconnaissance d’un environnement, générateur de processus qui peuvent se manifester de manière imprévue, parfois violente, et interférant de façon aiguë avec les projets (matériels ou immatériels) de l’homme, induit l’idée de risque. De cette première approche, il ressort deux idées :

  • D’une part, il est question des projets de l’homme, à travers lesquels se manifestent les relations qu’il entretient avec la nature. Celles-ci témoignent d’une situation culturelle, mais aussi d’une posture idéologique, définissant non seulement la place de l’humanité au sein de la nature, mais aussi ses prérogatives sur elle.
  • D’autre part, nous avons souligné le rôle fondamental joué par le concept de connaissances. Toute connaissance étant lacunaire, la notion de risque revêt donc un caractère probabiliste, justifiant l’introduction du hasard.

La notion de risque naturel est par conséquent évolutive dans le temps et dans l’espace. Elle traduit le type de relation que l’homme conçoit avec la nature, mais aussi le degré d’évolution d’une société donnée face au milieu naturel. Enfin, elle exprime la qualité ou la faiblesse de nos capacités intellectuelles, et par là de nos moyens technologiques, pour appréhender les mécanismes qui régissent notre environnement, ainsi que les phénomènes et processus qui y siègent. On comprend donc que la façon dont on traite les risques naturels n’a vraisemblablement pas toujours été la même, et a probablement connu une évolution au cours des siècles, voire des décennies, passés.

Aujourd’hui, il est admis de définir l’aléa comme étant le produit de l’intensité par la probabilité d’occurrence d’un événement d’origine naturelle. L’intensité d’un événement peut être liée aux volumes de matériaux mobilisés, ainsi qu’à la dynamique du phénomène (vitesses de déplacement des matériaux, par exemple).

La vulnérabilité d’un site donné vis-à-vis d’un phénomène exprime son degré d’exposition face à ce phénomène, et le degré de dommage attendu en cas de survenu du phénomène. On parle de vulnérabilité pour des équipements, des aménagements ou des infrastructures humaines, mais aussi de façon générale pour une entité sociale (une vallée, une commune, un quartier, …). La notion de vulnérabilité intègre donc des valeurs à la fois physiques et sociales.

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Figure 1. Avalanche de Montroc, février 1999 [Source: Archive Irstea Coll.]
Par exemple, lorsqu’un glissement de terrain vient obstruer un axe de communication, la description du phénomène (étendue et hauteur du dépôt) fait appel en grande partie à la mécanique des sols et des roches, alors que l’évaluation des conséquences sur la société (modification du trafic, incidence psychologique directe ou indirecte, impact sur le tourisme, retombées économiques diverses, …) emprunte plutôt aux sciences humaines et sociales.

Lorsqu’un site présente une vulnérabilité vis-à-vis d’un aléa identifié, on parle de risque. La notion de risque se définit donc comme le produit d’un aléa par une vulnérabilité :

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On notera qu’un risque se rapporte à un phénomène. Si ce phénomène est d’origine naturelle, on parlera alors de risque naturel.

2. Le territoire alpin, un laboratoire des risques naturels ?

Il est bien clair que les risques naturels s’étendent potentiellement à l’ensemble des territoires, dans la mesure où l’origine peut être terrestre (continentale ou océanique) ou météorique. Ces deux origines peuvent d’ailleurs être couplées, dans la mesure où des phénomènes d’ordre climatique extrêmes peuvent induire des désordres affectant les continents. Ainsi, un cyclone ou une tempête tropicale aura des conséquences destructrices directes sur le continent exposé.

La notion de risque naturel prend tout son sens dans les régions de montagne, où l’architecture minérale suggère cependant un calme trompeur. A titre illustratif, nous pouvons donc nous appuyer ici sur l’exemple de l’arc alpin, souvent théâtre de manifestations parfois soudaines et violentes. Citons pour mémoire les coulées de boue (Grand Bornand, 1987), les laves torrentielles (Bourg-Saint-Maurice, 1981), les avalanches de neige (Montroc, 1999), les éboulements rocheux (Isola 2000, 2015). Dans une perspective plus historique, on ne peut omettre l’éboulement du Mont Granier, survenu en novembre 1248, mobilisant plusieurs centaines de millions de mètres-cubes de matériaux ; l’empreinte de cet événement catastrophique est toujours présente sur le terrain, au travers du modelé de la surface du sol modifié par des millions de mètres-cubes de roches.

Une manifestation naturelle est dangereuse pour l’environnement humain de par sa soudaineté et l’énergie mobilisée. Si l’on admet que la pesanteur (à l’origine de la force de gravité) est l’une des composantes essentielles de cette énergie, on comprend alors l’ampleur que prennent ces événements en zones montagneuses, où la hauteur des versants induit des énergies potentielles considérables (l’énergie potentielle d’une masse M, située à une hauteur h par rapport à une cote de référence, est égale au produit M x g x h, g étant l’accélération de la pesanteur).

La spécificité des vallées alpines réside notamment dans l’inclinaison des versants qui est souvent forte. Cet aspect est hérité des glaciations de l’ère quaternaire (épisode Würmien), façonnant les vallées en forme d’auge, dont les versants ont été par la suite érodés par l’action torrentielle. Par ailleurs, l’état de fracturation des versants rocheux est souvent important, soulignant l’héritage tectonique des Alpes.

Signalons également que la présence antérieure des glaciers au fond des vallées est la cause du paysage morainique actuel, dont l’état ultime d’altération est la formation d’une arène granitique comprenant une fraction argileuse souvent importante. La présence d’argile dans l’horizon superficiel des sols est un élément à considérer avec beaucoup d’attention, de par l’extrême sensibilité du comportement mécanique des argiles à la teneur en eau. Tout particulièrement, une période de forte pluie, modifiant la charge hydraulique dans les sols, peut occasionner des désordres majeurs tels que glissements de terrains ou coulées de boue.

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Figure 2. Vulnérabilité et éboulement rocheux, mars 2014 [Source : Archive Irstea Coll.]
L’édifice alpin qu’il nous est aujourd’hui familier d’observer résulte donc d’une longue histoire (tectonique, climatique). Si la structure actuelle semble figée dans une apparente stabilité, ce n’est que parce qu’on oppose deux échelles très différentes, de temps et d’espace. L’homme ne vit qu’un très bref épisode de la longue histoire de l’orogénèse des Alpes, dont les dimensions surpassent celles de son cadre quotidien de vie et d’appréciation. Il convient donc de réaliser l’effort intellectuel de se soustraire de ce contraste d’échelle, afin de percevoir et analyser les processus géophysiques et mécaniques qui s’y opèrent. Les accidents qui se manifestent en surface (chutes de blocs, glissements, …) ne sont finalement que de brefs épisodes permettant de confondre ponctuellement les deux échelles de temps. Toutefois, si les conséquences de telles manifestations demeurent très peu significatives sur la morphologie générale d’une chaine de montagne, il n’en est pas de même lorsqu’on les rapporte à l’échelle de l’homme : pertes en vies humaines, destructions d’aménagements et d’infrastructures, ruptures d’axes de communication, sont autant de conséquences dramatiques d’un point de vue humain, social et économique.

3. Vers une culture sociale du risque

Au début du 20ème siècle, l’explosion industrielle a eu pour conséquence un bouleversement socio-économique des pays développés. D’une part, des industries se sont implantées dans des secteurs parfois inhospitaliers (potentiellement exposés à la survenue d’aléas), afin de tirer profit des ressources naturelles (ressources minières, et ressources hydroélectriques). D’autre part, les chaines de montagnes constituant des barrières naturelles aux échanges (flux de personnes et de marchandises), des axes de communication se sont développés et densifiés.

Parallèlement, la société urbaine s’est emparée de certains secteurs de ces régions de montagne pour le loisir et le repos ; à cet égard, le tourisme hivernal a été le moteur d’une migration saisonnière massive et croissante.

Finalement, l’esprit urbain qui accompagne l’ère industrielle pénètre dans les régions de montagne, opposant ainsi des postures très disjointes vis-à-vis de la nature. En effet, les rapports de l’homme avec la nature ont été l’achèvement de plusieurs millénaires d’histoire. Dans des régions aussi hostiles que certaines vallées internes de montagne, on prend conscience de l’équilibre précaire qui unit les hommes à leur milieu : œuvre de patience, imposée par un labeur quotidien par lequel les hommes s’unissent à leur milieu. La nécessaire solidarité et le sens du collectif conduisaient à ce que chacun se préoccupe des sources de danger potentiel. Dans ce contexte, un soin minutieux apporté à l’entretien du patrimoine naturel participait à la démarche collective de protection contre les risques naturels. Cette tâche était l’affaire de tous ; chacun, par son expérience, son sens de l’observation en liaison intime avec les éléments, contribuait à l’entretien et la préservation du patrimoine.

L’introduction d’une pensée nouvelle, jointe à un mode de vie et une économie moins traditionnels, bouleverse notablement les données du problème. Il s’agit dès lors de contenir une nature capricieuse, afin qu’elle ne compromette pas les projets de l’homme. A cela s’ajoute une déresponsabilisation croissante des individus face à la gestion du patrimoine naturel.

Pour conclure, nous pourrons donc retenir que :

  • Le concept de risque naturel se définit comme l’attribut d’une manifestation naturelle (aléa), dont les conséquences sur le patrimoine humain peuvent être dommageables (vulnérabilité).
  • La gestion des risques naturels doit s’entendre comme un fait de civilisation au travers duquel la conceptualisation de la nature, définie à une époque et à un lieu donnés par des critères idéologiques et socio-économiques propres à une société donnée, dicte les règles d’intervention de l’homme sur son environnement.

4. La gestion moderne des risques naturels

Les risques naturels se distinguent des risques technologiques dans la mesure où la cause (l’aléa) n’est pas liée (a priori) à l’homme, à ce qu’il a construit, mais à une cause naturelle. Au contraire, les risques technologiques ou industriels ont une origine anthropique, liée à une installation, une infrastructure, ou un mode d’existence d’une civilisation donnée. L’explosion d’une usine de produits chimiques avec diffusion de polluants par voie terrestre ou aérienne en est un exemple très illustratif.

Les risques naturels peuvent être d’origine gravitaire, ou pas. Les risques naturels gravitaires englobent principalement les mouvements de terrains (chutes de blocs, éboulements, glissements de terrains), les avalanches de neige, et les crues torrentielles (incluant les coulées de boue). Les risques d’origine glaciaire sont plus rares, même si le risque de vidange de poches d’eau sous-glaciaires doit être considéré (exemple du Glacier de Tête Rousse, dans le massif du Mont-Blanc).

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Figure 3. Exemple de lave torrentielle, survenue en juillet 2003, dans la vallée du Valgaudemar (Hautes-Alpes) [Source : Coll. M. Bonnefoy, Irstea]
Parmi les risques naturels d’origine non gravitaire, nous citerons le risque sismique, les risques hydrauliques (crues et inondations), et les tempêtes (associations de fortes précipitations et de rafales de vent extrêmes). Plus marginalement, le risque volcanique concerne les zones du globe accueillant des volcans encore en activité. Les dégâts sur le terrain peuvent être considérables (citons par exemple les coulées de lave récurrentes qui affectent la partie Sud de l’Ile de la Réunion).

La gestion de ces risques se fonde sur deux stratégies, parfaitement complémentaires : l’observation ou la surveillance, et la prévision. Observer permet à la fois de mieux comprendre les mécanismes associés à un phénomène donné, de mieux cerner les conditions d’occurrence, d’apprécier les périodes de retour ; en outre, les réseaux d’observation et de surveillance constituent des moyens efficaces pour collecter des données physiques (mesures de déplacements, enregistrements accélérométriques, etc.) qui pourront par la suite être exploitées en liaison avec les travaux de modélisation. La prévision quant à elle s’appuie à la fois sur le réseau d’observation et de surveillance, par analyse des données en temps réel (réseau de surveillance des crues, par exemple), et sur un travail plus en amont qui vise à comprendre les mécanismes, et à les intégrer dans un modèle numérique permettant de simuler l’évolution des phénomènes à moyen et court termes. C’est ce vaste champ que l’on désigne par le terme de modélisation numérique.

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Figure 4. Modélisation numérique (par la « Méthode des Eléments Discrets ») de la stabilité du coin Sud-Est de l’Acropole d’Athènes [Source : Thèse de Doctorat de C. Lambert, coll. F. Darve, Grenoble INP.]
L’avènement des méthodes numériques et la généralisation de moyens de calcul puissants rendent possible aujourd’hui la simulation numérique de phénomènes complexes tels que les avalanches ou les glissements de terrain. Cependant, il est important de garder à l’esprit que ces calculs reposent sur la connaissance a priori de données propres au phénomène (état de fracturation d’un escarpement rocheux, constitution du manteau neigeux) qui est entachée de nombreuses incertitudes. Cela justifie pleinement l’introduction de méthodes probabilistes permettant d’intégrer un niveau d’incertitude sur les données d’entrée, et de traiter la propagation de cette incertitude jusqu’aux résultats de sortie. Ce champ demeure aujourd’hui en plein essor, et constitue un domaine très actif et encore très ouvert de la recherche.

 


Références et notes

Photo de couverture : Aussois en Savoie, risques de chutes de blocs et plus généralement d’aléas gravitaires. [source : François Nicot]

 


L’Encyclopédie de l’environnement est publiée par l’Association des Encyclopédies de l’Environnement et de l’Énergie (www.a3e.fr), contractuellement liée à l’université Grenoble Alpes et à Grenoble INP, et parrainée par l’Académie des sciences.

Pour citer cet article : NICOT François (30 octobre 2018), Les risques naturels, Encyclopédie de l’Environnement. Consulté le 21 décembre 2024 [en ligne ISSN 2555-0950] url : https://www.encyclopedie-environnement.org/sol/les-risques-naturels/.

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