Les lois qui régissent l’activité des volcans
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Où trouve-t-on des volcans sur Terre ? Pourquoi et comment les volcans entrent-ils en éruption ? Pourquoi sont-ils capables de produire des éruptions très différentes ? Pour répondre à ces questions, il faut suivre les magmas à la trace depuis leur source à des dizaines de kilomètres de profondeur jusqu’à la surface. Tout commence dans le manteau terrestre, sous la croûte, dont les mouvements sont responsables de la formation de magma. Parce qu’il est plus léger que les roches qui l’entourent, le magma s’extrait de sa source et monte vers la surface. Il vient souvent s’accumuler dans un réservoir. Il y refroidit, cristallise, change de composition et de propriétés physiques, au point d’accroître sa concentration en éléments volatils. Un réservoir volcanique n’est pas stable et finit par relâcher le magma qu’il contient. Propulsé vers la surface, le magma dégaze. En fonction de la quantité de gaz libérés, une éruption peut prendre la forme d’une coulée liquide ou d’un jet de gaz portant des fragments de magma à grande vitesse. La physique des volcans a beaucoup progressé mais de nombreuses incertitudes limitent encore les prévisions des experts.
1. Comment se construit un volcan

Le magma monte vers la surface parce qu’il est plus léger que les roches qui l’entourent. Lorsqu’il rencontre des formations moins denses que lui ou particulièrement résistantes à la déformation, il s’arrête et s’accumule dans un réservoir. Lors de son séjour dans le réservoir, ce magma refroidit et cristallise partiellement, laissant des minéraux et un magma résiduel dont la composition change au fur et à mesure que la cristallisation progresse. Ce mécanisme est responsable de la très grande variété des magmas et des régimes éruptifs sur Terre. Un réservoir n’est pas stable et finit par se fracturer, permettant au magma de reprendre son ascension vers la surface. C’est dans cette dernière phase que s’établit le régime d’une éruption. La dernière partie du système volcanique est l’édifice lui-même, qui peut s’élever à plusieurs kilomètres d’altitude et qui peut subir des changements lourds de conséquences.
Les volcans peuvent rester actifs pendant plusieurs centaines de milliers d’années et s’élever à plusieurs kilomètres d’altitude. L’âge de l’Etna, en Sicile, par exemple, est estimé à un demi-million d’années. Le plus imposant volcan terrestre est le Mauna Kea, dans l’île d’Hawaii, qui est resté actif pendant près d’un million d’années et qui est maintenant éteint. Son sommet s’élève à presque dix kilomètres au-dessus des fonds marins.
2. Les sources des volcans
En dehors de son noyau, la Terre est essentiellement solide et ne produit des magmas que dans quelques endroits particuliers. Parce qu’elle se refroidit, son manteau est animé de grands mouvements de convection [3] dont les vitesses vont de quelques centimètres à quelques dizaines de centimètres par an. Ces mouvements prennent deux formes différentes : de grandes cellules associées aux mouvements des plaques [4], qui sont responsables de l’expansion des fonds océaniques et de la dérive des continents, et des courants ascendants localisés approximativement cylindriques appelés panaches ou points chauds [5].
Les roches du manteau sont des assemblages de minéraux et ne sont pas des corps purs. La fusion n’a pas lieu à une température donnée et s’étale sur un intervalle de température allant du solidus [6], qui marque l’apparition d’un liquide, au liquidus [7], qui voit disparaitre le dernier solide. Sur Terre, elle peut se produire de deux manières très différentes.
2.1. La fusion par décompression

Ce mécanisme est responsable de deux types de volcans (Figure 3). Les premiers sont associés aux courants ascendants des cellules de convection, qui sont matérialisés en surface par les dorsales [8] parcourant les fonds océaniques. Ces volcans sont peu connus car ils se trouvent à plus de deux kilomètres sous les mers mais ils sont responsables de la plus grande quantité de lave [9] produite sur Terre. Les volcans du deuxième type sont les plus imposants, comme ceux des îles Hawaii et de La Réunion, et sont dus aux panaches du manteau (appelés aussi points chauds).
2.2. La fusion par hydratation

2.3. La distribution des volcans sur Terre
D’autres mécanismes sont à l’œuvre sur Terre, par exemple au sein d’une croûte continentale épaissie ou bien dans une zone d’extension, mais ne sont pas responsables de grandes quantités de magma à l’échelle de la planète. Dans tous les cas, la cause ultime du volcanisme réside dans les mouvements internes du manteau terrestre qui se développent sur des milliers de kilomètres (Figure 3). Du magma est produit à la montée et à la descente. Les volcans sont des marqueurs de l’activité planétaire et peuvent être considérés comme permanents à l’échelle humaine.
3. L’ascension des magmas


4. Les réservoirs volcaniques et leurs magmas
Les magmas sont des liquides complexes faits de nombreux oxydes, parmi lesquels les oxydes de Silicium (SiO2), de Fer (FeO et Fe2O3) et d’Aluminium (Al2O3) sont les plus abondants. Un magma peut être produit par la fusion partielle d’une roche ou bien par cristallisation partielle d’un magma plus “primitif”. Sa composition chimique dicte ses propriétés physiques et donc les conditions éruptives.
4.1. La formation des réservoirs volcaniques
Un magma “primitif” peut monter tant qu’il est plus léger que les roches qu’il rencontre et tant qu’il est capable de les fracturer. Près de la surface (Figure 4), les roches sont souvent moins denses que ce magma, soit parce qu’elles sont d’origine sédimentaire soit parce qu’elles sont fracturées. Lorsque le magma les atteint, la force d’Archimède change de signe et vient s’opposer à l’ascension. Ailleurs, des roches plus denses que le magma et particulièrement résistantes à la déformation peuvent empêcher le magma de passer. Dans ces deux cas, un réservoir se forme sous la surface.
Un réservoir joue un rôle fondamental. Alimenté par une source profonde dont le débit est faible, il sert d’accumulateur de magma et permet l’éruption rapide de très grands volumes. En outre, il agit comme un réacteur chimique où le magma change de composition.
4.2. La fabrication des magmas “évolués”

Un réservoir magmatique est capable d’engendrer des éruptions en système fermé mais peut aussi être réalimenté par du magma primitif. Il peut connaître des changements complexes de composition chimique en fonction de la séquence de réinjection et d’éruption. Le magma résiduel peut tendre vers des compositions évoluées et ensuite revenir vers des compositions plus primitives.
4.3. La viscosité des magmas
Un basalte est cent fois plus visqueux qu’une huile de cuisine, qui est elle-même cent fois plus visqueuse que l’eau. Un fait remarquable est l’énorme variation de la viscosité des magmas, représentée dans la Figure 6 pour ceux qui sont secs, c’est-à-dire dépourvus d’eau. Entre un basalte et une rhyolite [14], la viscosité augmente de plus de dix ordres de grandeur ! Un magma extrêmement visqueux comme la rhyolite s’écoule très lentement et a un comportement fondamentalement différent de celui d’un basalte. C’est ainsi que le même volcan peut produire des éruptions très différentes quand la composition du magma change.
4.4. Les espèces volatiles et les gaz volcaniques

4.5. La rupture du réservoir
Pour qu’une éruption ait lieu, il faut que le réservoir relâche le magma qu’il contient, ce qui peut être dû à deux phénomènes. Le premier est l’injection de magma depuis la source, qui est constamment active. Le réservoir enfle jusqu’au moment où ses parois ne peuvent plus résister à la tension. Le deuxième phénomène est la cristallisation. Les éléments volatils qui sont en solution dans le magma primitif ne peuvent être pris par les cristaux à de très rares exceptions près. En conséquence, ils s’enrichissent dans le liquide résiduel au fur et à mesure que la cristallisation progresse. Lorsque leur concentration finit par atteindre le seuil de solubilité, le magma est saturé et une phase gazeuse apparaît. A partir de cet instant, le réservoir renferme un mélange de magma et de bulles de gaz, dont la densité est bien plus faible que celle du magma primitif. A masse constante, la baisse de densité entraîne l’augmentation de volume et donc le gonflement du réservoir.
Dans les deux cas, le gonflement du réservoir signale qu’une éruption se prépare. Il se traduit à la surface par un soulèvement du sol dont l’amplitude atteint couramment plusieurs centimètres. Une telle déformation est facilement mesurable avec les outils d’aujourd’hui.
5. Les principaux régimes éruptifs
5.1. Deux grandes catégories d’éruption

5.2 Deux régimes “explosifs”


La célèbre éruption de l’an 79 du Vésuve, qui détruisit les villes romaines de Pompei et Herculanum, montre que des changements intempestifs de régime éruptif peuvent se produire. Le volcan démarra dans un régime Plinien, qui est désagréable et destructeur sur le long terme mais qui n’est pas fatal pour les populations. Il changea brutalement de régime et se mit à émettre des coulées pyroclastiques violentes et mortelles.
Vidéo 1 : Exemple d’une colonne atmosphérique de gaz et de cendres qui se développe lors d’une éruption explosive. [Source : Achraf Bouiafri]
5.3. Le rôle de la turbulence

Une conséquence importante de la faible quantité de volatils dans les magmas est que la mixture qui s’échappe d’un volcan est plus dense que l’atmosphère quel que soit son état. Sans augmentation de la quantité de gaz, cette mixture ne peut s’élever à haute altitude. Dans ces conditions, comment peut-on produire des éruptions Pliniennes ?
Vidéo 2 : Exemple de coulée pyroclastique au volcan Sinabung en Indonésie [Source : Marc -Volcano- Szeglat]

5.4. Les éruptions en coulées de lave
Les coulées de lave sont de plusieurs types selon la viscosité de la lave et la pente du volcan. Les éruptions basaltiques peuvent former de vastes champs de lave sur des distances extrêmement importantes, même sur un sol horizontal. Les laves du plateau de Columbia, dans l’Ouest d’Amérique du Nord, ont parcouru plusieurs centaines de kilomètres. Les laves plus visqueuses, comme par exemple les dacites et les rhyolites (Figure 6), ne s’étalent pas beaucoup et forment des coulées épaisses au-dessus du conduit éruptif. On parle de “dômes de lave”. En 1980, celui du Mont St Helens, dans l’état de Washington aux USA, atteignit une épaisseur de 300 mètres.
Vidéo 3 : Exemple d’éruption en coulée de lave et croissance d’un dôme de lave sur le volcan Chiveloutch en Russie. [Source : Newsfalre]
5.5. Quelques autres régimes d’éruption
Les volcans basaltiques ont deux régimes éruptifs explosifs particuliers de plus faible intensité. Dans une fontaine de lave, l’écoulement dans le conduit prend la forme d’un jet de gaz central qui tire vers le haut un film de liquide tapissant les bords. A la sortie, le résultat est un spectaculaire mur de lave qui peut s’élever à plusieurs centaines de mètres de hauteur. Les fontaines de lave sont courantes à l’Etna, en Sicile, et au volcan Kilauea à Hawaii. Les explosions stromboliennes représentent un cas extrême avec un débit de lave très faible. Ce sont des éruptions essentiellement gazeuses, dues à l’explosion de grosses poches de gaz volcanique. Le conduit éruptif est gorgé de lave et peut rester ouvert pendant plusieurs années. Comme leur nom l’indique, ces éruptions sont fréquentes sur l’île de Stromboli au large de Naples.
Les “nuées ardentes”, rendues célèbres par l’éruption catastrophique de la Montagne Pelée en 1902, sont des coulées pyroclastiques (Figure 11). Elles sont formées par l’explosion d’un dôme de lave, et se caractérisent par un mélange de morceaux de la carapace solidifiée du dôme et de fragments de magma liquide provenant du cœur du dôme. Elles sont plus brèves et ont des volumes plus petits que celles qui résultent de l’effondrement d’une colonne atmosphérique. Ce sont des coulées de ce type qui détruisirent la ville de Saint-Pierre de Martinique lors de l’éruption de la Montagne Pelée en 1902.
Les éruptions phréatiques, par opposition aux précédentes, n’éjectent pas de magma, mais uniquement des fragments de l’édifice volcanique et de son soubassement. Le magma y joue un rôle indirect, en réchauffant et vaporisant l’eau contenue dans les roches qui l’entourent. Ces éruptions sont susceptibles de projeter d’énormes blocs et précèdent souvent une éruption magmatique proprement dite.
6. L’édifice volcanique
Dans les continents ou les arcs insulaires au bord des océans, les édifices sont plus modestes mais peuvent quand même s’élever à plusieurs kilomètres d’altitude.
Des édifices aussi importants changent les conditions d’éruption. En premier lieu, les magmas doivent parcourir une distance supplémentaire pour atteindre le point de sortie. La densité du magma joue une fois de plus un rôle essentiel. Plus elle est élevée et plus l’ascension jusqu’au sommet est difficile. Dans certains cas, elle n’est plus possible et l’éruption se fait sur les flancs du volcan. Un deuxième effet est que l’édifice induit un champ de contraintes compressives dans les parties superficielles du socle volcanique. Ces contraintes peuvent devenir suffisamment fortes pour détourner les dykes, qui arrêtent leur progression verticale et s’injectent latéralement. Au-delà d’une certaine distance de l’édifice, le magma retrouve un milieu non perturbé et reprend son ascension, formant des cônes satellites.
Un édifice volcanique est fragile. Sous l’effet de la déformation due au magma qui le pénètre, il peut être déstabilisé et s’effondrer. Le magma présent en son sein se décomprime et se dilate brutalement, engendrant une déferlante destructrice. C’est ce qui s’est passé au début de l’éruption de 1980 du Mount St Helens, dans l’état de Washington aux USA.
7. Bilan des connaissances et des incertitudes
La physique des volcans s’est considérablement développée au cours des quarante dernières années. On peut considérer que les principaux mécanismes mis en jeu sont identifiés et compris, mais nos connaissances ont encore de grandes lacunes. Les dommages dus à une éruption dépendent en premier lieu du volume total qui est éjecté et de la durée de celle-ci, et ce sont encore des variables que l’on ne peut mesurer qu’après coup. On ne connait précisément ni les dimensions des réservoirs magmatiques ni la composition du ou des magmas qu’ils contiennent. Les éruptions connaissent souvent des changements de régime, alternant par exemple entre phases Pliniennes et coulées pyroclastiques et s’achevant par l’émission de coulées de lave. Pris individuellement, ces régimes sont compris, mais la séquence éruptive complète ne l’est pas. Toutes ces questions semblent hors de portée à l’heure actuelle et ne pourront probablement trouver de réponses que grâce au développement de méthodes d’imagerie fine permettant de suivre le déroulement d’une éruption à sa source, dans et à la sortie du réservoir magmatique.
8. Messages à retenir
- Les magmas sont produits continuellement sur Terre et ne séjournent pas longtemps en profondeur.
- Les volcans sont localisés en quelques endroits précis, en lien avec l’activité interne de la planète.
- Les magmas remontent vers la surface par leurs propres moyens, sous l’effet de la poussée d’Archimède.
- Des magmas de compositions et de propriétés physiques très différentes sont produits par cristallisation partielle dans des réservoirs.
- Le régime d’une éruption dépend des propriétés physiques du magma et de sa teneur en eau.
- A forte quantité de gaz, l’éruption prend la forme d’une colonne atmosphérique turbulente portant du magma pulvérisé.
Notes et références
Image de couverture. Éruption de janvier 2006 du volcan Augustine, dans l’Alaska [Source : Crédit: United States Geological Survey, domaine public http://www.avo.alaska.edu/image_full.php?id=5927].
[1] Un magma est un liquide produit par la fusion d’une roche.
[2] Le manteau terrestre est la couche qui occupe le plus grand volume dans la Terre, entre la base de la croûte et le noyau terrestre à près de 2900 kilomètres de profondeur.
[3] Le phénomène de convection décrit les mouvements qui apparaissent spontanément dans un fluide lorsque sa densité varie spatialement, par exemple lorsqu’il est refroidi par le haut.
[4] Les plaques sont les grandes unités superficielles rigides qui se déplacent à la surface de la Terre.
[5] Les panaches, ou points chauds, sont des courants ascendants localisés de section approximativement circulaire qui sont engendrés par une source de petites dimensions.
[6] Le solidus est la température à laquelle un solide commence à fondre.
[7] Le liquidus est la température à laquelle un solide est entièrement fondu.
[8] Les dorsales océaniques sont les chaînes de montagne sous-marines situées au milieu des océans. Elles sont la marque des parties ascendantes des cellules de convection dans le manteau.
[9] La lave est le nom donné au liquide qui s’échappe d’un volcan. Elle est faite de magma contenant des quantités variables de bulles de gaz et de cristaux.
[10] Les zones de subduction sont les endroits où les plaques s’enfoncent à l’intérieur de la Terre. Elles marquent les courants descendants des cellules de convection du manteau terrestre.
[11] La poussée d’Archimède est la force qui s’exerce sur un volume plus léger que le fluide qui l’entoure.
[12] Le mot de basalte désigne les magmas qui se forment par fusion partielle des roches du manteau terrestre lorsque le taux de fusion ne dépasse pas 30%.
[13] Un dyke désigne une fissure qui est ouverte par un magma sous pression.
[14] La rhyolite est le magma qui se forme à la fin de la séquence de cristallisation d’un basalte.
[15] L’adjectif pyroclastique se réfère aux “pyroclasts”, qui sont des fragments de magma (le mot vient de “pyro” qui veut dire en feu et “clast” qui veut dire fragment de roche).
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Pour citer cet article : JAUPART Claude (27 octobre 2020), Les lois qui régissent l’activité des volcans, Encyclopédie de l’Environnement. Consulté le 30 mars 2025 [en ligne ISSN 2555-0950] url : https://www.encyclopedie-environnement.org/sol/lois-activite-volcans/.
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