La Grande Muraille Verte : un espoir pour reverdir le Sahel ?

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La Grande Muraille Verte d’Afrique (GMV) est une initiative panafricaine qui vise à lutter contre la désertification dans le désert du Sahara et au Sahel. A l’origine conçue comme une plantation massive d’arbres traversant d’ouest en est le continent africain, la GMV a évolué vers un ensemble de projets de restauration ayant pour objectif le bien-être environnemental et humain. Compte-tenu des objectifs à la fois environnementaux et sociaux affichés, des chercheurs de toutes disciplines ont un rôle important à jouer en mutualisant leur expertise pour guider les décisions des institutions gestionnaires du projet. Si la GMV n’est plus une simple muraille d’arbres telle que les acteurs politiques l’avaient envisagée à l’origine, les végétaux et la re-végétalisation restent néanmoins au cœur du projet car, plus qu’ailleurs, les populations du Sahel dépendent fortement des ressources végétales pour satisfaire leurs besoins quotidiens. L’enjeu consiste ainsi à trouver un équilibre entre la protection et l’exploitation durable des ressources végétales dans un Sahel en pleine transformation socio-écologique.

1. La Grande Muraille Verte : une réponse africaine aux défis socio-environnementaux planétaires

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Figure 1. Tracé original de la Grande Muraille Verte panafricaine au cœur de la zone sahélienne et traversant onze États engagés dans le projet [Source : © SotaLCB2416 [CC BY-SA 4.0 (https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0)], from Wikimedia Commons]
Le Sahel est considéré comme une des zones les plus vulnérables sur Terre. Il s’agit d’un ensemble d’écosystèmes constitués de steppes et de savanes arbustives à arborées traversant d’ouest en est le continent africain et marquant la transition éco-géographique entre le désert du Sahara au nord et la zone soudanienne au sud. Ces écosystèmes largement voués au pastoralisme présentent une forte vulnérabilité en raison de la pression anthropique et de l’instabilité hydroclimatique de la zone.

C’est dans ce contexte fortement contraignant qu’opère la Grande Muraille Verte, élément clé de la lutte contre la désertification (Figure 1). Elle couvre une bande où les précipitations sont de 100 à 400 mm de pluie/an. Dans cette zone sahélienne identifiée comme l’un des « hotspots » mondial du changement climatique [1], les conséquences attendues sont particulièrement alarmantes avec des prédictions d’augmentation de la température de 3-6°C d’ici 2100 [2]. La faiblesse de la pluviométrie annuelle constitue le principal frein à la réintroduction de la biodiversité par le reboisement. Les pluies se produisent pendant une courte période (principalement de juillet à septembre) sous la forme d’événements intenses et sporadiques. Les précipitations sont aussi caractérisées par une forte variabilité interannuelle à l’origine de sécheresses : entre 1970 et 1993, la zone a connu plusieurs situations de crise aux conséquences dramatiques [3]. Ainsi au Sénégal, la zone recevant annuellement 400-500 mm de précipitation s’est déplacée d’environ 200 km vers le sud si l’on compare les périodes 1940-1969 et 1970-1994, ce qui s’est traduit à la latitude de la GMV par une forte diminution des pluies (Figure 2A). Par ailleurs, comme le montre l’indice pluviométrique au Sahel (Figure 2B), à trois décennies humides ont succédé vingt-trois années anormalement sèches (1971-1993). Depuis 1994, la situation pluviométrique au Sahel occidental est redevenue plus favorable sans toutefois redevenir similaires à celle de la première moitié du 20e siècle. Le changement climatique pourrait conduire à un climat plus extrême aux sécheresses plus sévères et aux précipitations plus intenses mais moins fréquentes [4].

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Figure 2. Évolution de la pluviométrie dans le Nord du Sénégal depuis le début du 20e siècle : A. Changement de latitude des isohyètes 400-500 mm entre les périodes 1940-1969 et 1970-1994 ; B. Évolution de l’indice pluviométrique au Sahel entre 1900 et 2016 [Source : Modifié de Peiry et Voldoire, 2019, réf. 3].
Cette persistance d’un déficit d’événements pluvieux, conjuguée à un renforcement des pluies intenses, correspond typiquement à un climat plus extrême caractérisé à la fois par des périodes sèches plus sévères et des précipitations plus fortes quand il pleut.

Depuis les années soixante-dix, les institutions internationales en charge du développement sont régulièrement intervenues lors des crises récurrentes qui ont frappé le Sahel. Les actions qu’elles ont conduites se sont bien souvent conclues par des échecs car la tendance était de gérer les défis dans l’urgence et le court terme en traitant les symptômes plutôt que les causes profondes des problèmes. Pour lutter contre ces crises socio-écologiques à répétition, un programme panafricain particulièrement ambitieux a vu le jour en 2007 : « l’Initiative Grande Muraille Verte pour le Sahara et le Sahel ». Adoptée par les chefs d’état de onze pays fondateurs (Figure 2), la GMV a été à conçue comme une ceinture de reforestation de plus de 7000 km de long et de 15 km de large au travers du continent africain. A l’origine, l’objectif était de contrer les effets néfastes de la désertification et de bloquer l’avancée du désert. La GMV a été reçue avec beaucoup de scepticisme par certains experts du Sahel et la communauté scientifique pour diverses raisons :

  • causes de la désertification mal comprises ;
  • actions de reforestation massive considérées comme infaisables et ayant des effets indésirables, etc…

Depuis son adoption, la GMV a évoluée vers une vision plus réaliste et plus apte à répondre aux défis régionaux. Elle prend la forme désormais d’un ensemble d’actions de restauration conduites à l’échelle du paysage et qui s’enchaînent géographiquement en ayant pour but de répondre au bien-être environnemental et socio-économique des populations sahéliennes.

Depuis son démarrage, la GMV a connu une forte diversification de ses actions : clôture de parcelles pour permettre la régénération naturelle des arbres et la protection contre le surpâturage, installation de jardins communautaires gérés par les femmes, projets de réserve animalière, développement de l’apiculture…  Cependant, le « reboisement raisonné » et la gestion des ressources végétales restent un des leviers essentiels pour reverdir et préserver l’environnement au Sahel. Ils s’inscrivent dans un contexte où la reforestation à grande échelle est clairement un enjeu planétaire. A titre d’exemple, « The Bonn Challenge » vise à restaurer 350 000 millions d’hectares de terres déboisées d’ici 2030. En tant qu’action de la GMV, la reforestation répond également aux objectifs du développement durable établis par les états membre des Nations Unies. Son objectif n°15 consiste notamment à « préserver et restaurer les écosystèmes terrestres, en veillant à les exploiter de façon durable, gérer durablement les forêts, lutter contre la désertification, enrayer et inverser le processus de dégradation des sols et mettre fin à l’appauvrissement de la biodiversité » [5].

Pour répondre à ses ambitions, la GMV doit intégrer les connaissances provenant d’une large gamme de disciplines scientifiques au profit du processus décisionnel. Par exemple, l’homogénéité apparente des paysages sahéliens peut mener à des interventions simplistes et stéréotypées (nombre réduit de solutions). Or en réalité, la zone sahélienne est plutôt une mosaïque de paysages composée de socio-écosystèmes qui s’imbriquent dans l’espace. Pour gérer les ressources naturelles, on doit ainsi considérer non seulement les composantes biophysiques des écosystèmes mais aussi les composantes humaines, ainsi que les interactions complexes qui existent entre les deux. C’est l’ensemble de ces interactions qui détermine l’identité du socio-écosystème. Connaître les socio-écosystèmes et leur fonctionnement impose de les étudier de façon interdisciplinaire, les chercheurs devenant alors des acteurs à part entière de l’édification de la GMV via le transfert des résultats de leurs recherches aux gestionnaires [6]. Même si les actions de la GMV se sont diversifiées au cours du temps, les recherches sur la végétation sont toujours au cœur des solutions à proposer, un des critères d’un reboisement de qualité étant en premier chef le degré de biodiversité des plantations.

2. Maximiser la biodiversité sur le tracé de la GMV

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Figure 3. Élevés dans des pépinières proches des parcelles où ils seront transplantés, les arbres sélectionnés par la GMV sont toutes des espèces soudano-sahéliennes présentes en abondance variable dans la zone [Source : © J-L Peiry, 2014]
La perte de la biodiversité constitue une préoccupation majeure à l’échelle planétaire [7]. De par son ambition spatiale, la GMV a un rôle à jouer pour inverser la tendance à l’échelle du continent africain. A l’échelle locale, les populations du Sahel sont fortement dépendantes de la biodiversité ligneuse pour se fournir en services écosystémiques afin de répondre aux besoins quotidiens en alimentation, santé, bois de chauffe, bois de construction…). Cependant, dans une grande partie du Sahel la biodiversité des espèces ligneuses est en déclin : pour donner un ordre de grandeur, dans la Réserve Sylvo-Pastorale des Six Forages (nord Sénégal) où un Observatoire Hommes-Milieux du CNRS a été installé pour suivre les impacts socio-environnementaux de la GMV, seulement 20 espèces appartenant à 13 familles ont été répertoriées [8].

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Figure 4. Atelier initié par les chercheurs auprès des populations locales pour identifier les services écosystémiques en lien avec les ressources végétales, leurs différents usages et les zones de prédilection où elles s’approvisionnent [Source : © H. Mazzero, 2017].
La GMV propose une reforestation constituée à 100% d’espèces indigènes (Figure 3). A ce premier critère de sélection des espèces s’ajoutent leur usage traditionnel par les populations locales et l’adaptabilité écologique des espèces sélectionnées pour la reforestation. Des recherches ethnobotaniques ont été conduites auprès de populations pour identifier les arbres utilisés (Figure 4). Outre l’inventaire des arbres utilisés, ces recherches ont permis d’identifier leurs usages et la relation quotidienne qu’ont les populations avec eux. La faisabilité de la reforestation des espèces les mieux appréciées est quant à elle étudiée in situ dans deux parcelles expérimentales de recherche. Des plants issus des pépinières de la GMV de 13 espèces sahéliennes sont plantés et les jeunes arbres sont suivis (taux de survie, croissance, production de biomasse) sur plusieurs années. Cette approche couplant l’ethnobotanique et l’expérimentation a déjà permis de faire des recommandations aux services en charge de la GMV [9] :

  • la reforestation ne permet pas d’accroître la biodiversité au-delà de ce que la régénération naturelle des ligneux (en laissant reposer la nature par l’exclusion des animaux et des hommes pendant un temps donné) permet d’obtenir ;
  • les conditions d’installation des espèces sont loin d’être uniformes malgré l’apparente similitude des conditions éco-géographiques le long du tracé.

Si sur les sites les plus difficiles bien peu d’espèces résistent, sur d’autres les espèces ligneuses susceptibles de réussir sont bien plus nombreuses, ce qui permettrait une augmentation de la biomasse produite ainsi que la biodiversité. Ces recherches permettent également d’apporter des informations du type technique pour améliorer les taux de survie des espèces (âge des plants au moment de la transplantation, origine des graines, conditions de transplantation, par exemple par la protection du jeune plant par paillage et l’ajout de matière organique). Ces sites expérimentaux constituent ainsi des laboratoires à ciel ouvert dans lesquels les autres composants de l’écosystème (végétaux, animaux, insectes…) ainsi que les paramètres climatiques peuvent être suivis pour permettre de mesurer les impacts globaux sur « l’écosystème modifié » par la reforestation.

3. Mieux valoriser le potentiel des espèces ligneuses les plus adaptées

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Figure 5. Plantation GMV d’Acacia senegal près de Widou Thiengoly (-15.262953° ; 15.979199°). Huit ans après les opérations de reboisement intervenues en 2008, les arbres arrivent à maturité pour les premiers saignements et récoltes de gomme arabique [Source : © J-L Peiry, 2016].
S’il est important de diversifier les espèces sur le tracé de la GMV, il est aussi essentiel de mieux valoriser les espèces qui prospèrent naturellement dans la zone. Parmi les vingt espèces ligneuses communément répertoriées, quatre sont du genre Acacia. La valeur ajoutée environnementale des acacias résulte dans leur aptitude à fixer l’azote atmosphérique par des nodules spécialisés et symbiotiques qui se trouvent au niveau du système racinaire. Cette fixation de l’azote participe à restaurer la fertilité des sols très pauvres du Sahel (Lire Des plantes qui vivent de l’air du temps). Les acacias sont ainsi souvent employés dans les pratiques d’agroforesterie , pratique agricole consistant à associer des plantes cultivées à de la végétation arborée pour un bénéfice réciproque. Parmi eux, Acacia senegal, porte un fort espoir économique pour l’abondance et la qualité de sa production de gomme arabique (Figure 5).

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Figure 6. Groupement de Balanites aegyptiaca. L’espèce est tellement bien adaptée aux rudes conditions sahéliennes qu’elle domine souvent très fortement le paysage arboré sahélien [Source : © J-L Peiry, 2014]
Parmi les espèces dénombrées, un autre arbre fait la quasi-unanimité comme espèce pour le reboisement dans tous les pays traversés par la GMV : il s’agit du Balanites aegyptiaca, le « dattier du désert ». L’espèce est d’une robustesse sans concurrence en zone aride, et de ce fait domine les paysages du Sahel sénégalais, représentant jusqu’à 50% de la population ligneuse dans certaines zones [10]. Elle doit son succès à sa capacité de régénération reproductive et végétative, même dans les conditions les plus hostiles. Sur le plan morphologique, le dattier du désert est doté de feuilles coriaces de très petite surface avec une couche épidermique épaisse et cireuse et de rameaux chlorophylliens assimilateurs réduits à l’état d’épines, le tout pour éviter une transpiration excessive (Figure 6).

Les caractéristiques du système racinaire sont toutes aussi spectaculaires. Il se développe très rapidement, même pendant la première saison sèche suivant la transplantation du jeune plant en pleine terre, alors que dans le même temps ses parties aériennes se développent beaucoup plus lentement. La morphologie racinaire présente un système double, très efficace sur le plan structural : des racines latérales poussent en s’étalant près de la surface du sol, attrapant la moindre pluie de surface ; tandis qu’une racine pivot pousse en profondeur permettant l’accès aux réserves hydriques profondes [11].

Balanites aegyptiaca est non seulement robuste, mais d’après les études ethnobotaniques, c’est également l’espèce ligneuse considérée comme étant la plus utile par les populations locales. Elles l’utilisent principalement pour l’alimentation, la médecine, le bois de chauffe et de construction [12]. Son importance pour l’homme n’est pas récente : ses usages sont mentionnés dès l’époque de la XIIe dynastie d’Égypte, il y a environ 4000 ans [13]. Aujourd’hui, si toutes les parties de l’arbre sont appréciées, c’est surtout le fruit qui est porteur d’espoir socio-économique. La pulpe est d’une grande valeur nutritive en comparaison d’autres fruits tropicaux : elle est riche en K, Ca, Mg, Fe, et Zn [14]. L’amande renferme jusqu’à 50% d’huile de bonne qualité, riche en acides gras insaturés (acides linoléique et oléique). Si l’huile est comestible, on la trouve aussi présente dans certains produits cosmétiques, mais beaucoup plus discrètement que l’argan et le karité [15]. Aujourd’hui, la vente des fruits de Balanites aegyptiaca fait objet d’un commerce local informel, mais l’espèce est loin d’avoir atteint son potentiel économique.

Si la recherche a permis une meilleure compréhension des facteurs environnementaux et génétiques dictant l’intérêt économique de l’espèce (taille des fruits et valeur nutritionnelle, teneur en huile de l’amande), d’importants efforts doivent encore être faits pour permettre à Balanites de contribuer de façon significative aux revenus des populations sahéliennes.

4. La science au service de la Grande Muraille Verte

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Figure 7. Évaluation des résultats sur une parcelle plantée par la GMV en 2008 (675 ha, 15,968327° N ;-15,246496° E) via des images SPOT 6-7 fournies par l’Equipex GEOSUD. Deux situations contrastées ont été utilisées : 1) une image Infra-Rouge/Vert/Bleu (A) prise en saison humide montre l’activité photosynthétique liée au développement du tapis herbacé et, par un traitement statistique approprié, identifie les contrastes spatiaux d’humidité des sols (B) ; 2) l’image panchromatique prise en saison sèche (C) permet de voir les jeunes arbres dès que la surface de leur couronne dépasse 4m2, rendant ainsi possible de mesurer dans l’espace le succès des opérations de reboisement (D) [Source : © J-L Peiry, 2018]
Il y a bien peu de chance que le Sahel se transforme en Jardin d’Eden, néanmoins le reverdissement progresse lentement dans la zone [16]. L’accompagnement par les scientifiques des actions de la GMV contribue à renforcer le phénomène, en permettant leur évaluation avec des données scientifiques solides et en alimentant le débat sur les actions à entreprendre [17].

A l’échelle des espèces, on est en mesure d’identifier le bon équilibre entre la pratique de techniques anciennes et éprouvées (zai, demi-lune [18]), et les apports de la science moderne (nouvelles variétés mieux adaptées à la sécheresse ; pré-inoculation des plants avec des champignons mycorrhiziens [19], des microorganismes bénéfiques du sol qui améliorent la nutrition minérale et le statut hydrique des plants). A l’échelle du paysage, les données satellitaires à très haute résolution permettent désormais :

  • d’évaluer quantitativement les reboisements de la GMV par des techniques d’analyse spatiale (taux de succès en fonction de la capacité des sols à retenir l’eau, plus-value de la GMV pour la séquestration du carbone),
  • d’utiliser ces résultats de manière prospective pour identifier et sélectionner de nouvelles zones où conduire avec une bonne probabilité de réussite de futures actions de reboisement (Figure 7).

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Figure 8. Les chercheurs mènent un atelier avec un groupe d’acteurs local à Ranérou, bourg sur le tracé de la GMV. Au cours d’une réflexion collective, un consensus sur les aspirations pour l’avenir de la zone, ainsi que les contraintes associées, est identifié et débattu collectivement. Ces aspirations serviront comme point de départ de discussions autour des actions futures de la GMV [Source : © D. GOFFNER, 2017]
Enfin, pour tenter de réduire la vulnérabilité des populations aux crises récurrentes que traverse le Sahel, les scientifiques étudient la résilience socio-écologique et tentent d’en identifier des leviers d’amélioration. A travers un travail collectif, chercheurs et acteurs concernés (acteurs de la gouvernance, gestionnaires de l’environnement, populations locales et chercheurs) sont amenés à partager leurs savoirs et leurs points de vue. Ils examinent ensemble la gestion des ressources naturelles, les dynamiques sociales, les pratiques et les systèmes de production locaux. Le but ultime de la démarche est de définir collectivement un ensemble d’objectifs pour un développement juste et durable alliant l’amélioration des conditions de vie des populations et la préservation de l’environnement. Leur travail prend en compte la complexité des systèmes socio-écologiques, les aspirations des populations locales, les contraintes sociales et environnementales, et propose la gestion des ressources naturelles la mieux adaptée. Les actions concrètes découlant de ces dynamiques collectives doivent conférer aux systèmes socio-écologiques une résilience accrue, c’est-à-dire améliorer leur capacité à résister aux perturbations futures, à s’y adapter de manière active (voire pro-active) et ainsi à prospérer de manière durable. Actuellement, une nouvelle génération de protocoles d’ « évaluation/amélioration de la résilience » (« resilience assessments ») se met en place. Ces protocoles partagent les mêmes principes : d’une part l’interdisciplinarité car l’ensemble des dynamiques sociales et environnementales doivent être considérées ; d’autre part un engagement actif des acteurs concernés car la prise en compte de leur savoirs et de leurs attentes est nécessaire pour un développement pertinent et approprié (Figure 8) [20].

5. Messages à retenir

  • La zone sahélienne est soumise à de fortes contraintes hydroclimatiques et anthropiques qui la rendent fortement vulnérable (érosion des sols, désertification, effondrement de la biodiversité, malnutrition).
  • Soumise à une croissance démographique sans précédent et à des conséquences négatives du changement climatique en cours, sa vulnérabilité ne peut que s’accroître dans le futur.
  • Dans le même temps, sa capacité de résilience est forte, pour peu que soient conduites des actions appropriées. Les méthodologies de pointe et les outils modernes de recherche témoignent de ce potentiel, notamment en termes d’accroissement de biomasse et de biodiversité.
  • La Grande Muraille Verte et ses diverses actions constituent un levier efficace pour améliorer la situation du Sahel, à condition toutefois d’étroitement associer l’ensemble des acteurs comprenant les chercheurs, les gestionnaires et les populations locales bénéficiaires.

De nouveaux protocoles de développement sont actuellement scientifiquement testés par une approche interdisciplinaire et collective intégrant chercheurs, populations concernées et praticiens de la GMV. Ils visent à identifier de nouveaux ensembles d’action permettant d’accroître la capacité des populations à s’adapter aux changements en cours et à dégager de nouvelles ressources, tout en gérant leur environnement de façon équilibrée et durable.

 


Notes et références

Image de couverture. Vue aérienne de la première parcelle de reboisement de la Grande Muraille Verte Sénégalaise, 9 ans après les premières transplantations d’Acacia senegal réalisées en 2008 [Source : © J-L Peiry, 2017].

[1] DIFFENBAUGH NS & GIORGI F (2012). Climate change hotspots in the CMIP5 global climate model ensemble. Climatic Change. 114(3-4):813-822. doi:10.1007/s10584-012-0570-x.

[2] NIANG I, RUPPEL OC,  ABDRABO MA, et al. (2014). Africa, in: BARROS VR, FIELD CB, DOKKEN DJ et al (Eds.), Climate Change 2014: Impacts, Adaption, and Vulnerability. Part B: Regional Aspects. Contribution of Working Group II to the Fifth Assessment Reprot of the Intergovernmental Panel on Climate Change. Cambridge University Press, Cambridge, United Kingdom, pp. 1199–1265.

[3] PEIRY J-L & VOLDOIRE O. (2019) Cadre climatique et ressources en eau dans la zone de la Grande Muraille Verte Sénégalaise In : BOETSCH G, DUBOZ P., GUISSE A., SARR P. et. (Ed.). La grande muraille verte, une réponse africaine au changement climatique. CNRS Editions, Paris.

[4] LEBEL T, PANTHOU, G. & VISCHEL T. (2018) Au Sahel, pas de retour à la normale après la « grande sécheresse. Lisez l’article complet sur The Conversation, URL: https://theconversation.com/au-sahel-pas-de-retour-a-la-normale-apres-la-grande-secheresse-106548

[5] UN General Assembly, Transforming our world : the 2030 Agenda for Sustainable Development, 21 October 2015, A/RES/70/1, available at:

http://www.refworld.org/docid/57b6e3e44.html [accessed 21 August 2018]

[6] BOETSCH G & BOCCANFUSO P (2016) La Science et la Grande Muraille Verte (film)

[7] ROCKSTRÖM J, STEFFEN W, NOONE K et al. (2009) A safe operation space for humanity. Nature 461: 472-475.

[8] NIANG K, SAGNA MB, NDIAYE et al (2014) Revisiting tree species availability and usage in the Ferlo region of Senegal: a rationale for indigenous tree planting strategies in the context of the Great Green Wall of the Sahara and Sahel Initiative. Journal of Experimental Biology and Agricultural Sciences 2:529-537.

[9] WADE TI, NDIAYE O, MAUCLAIRE M et al (2018) Biodiversity field trials to inform reforestation and natural resource management strategies along the African Great Green Wall in Senegal. New Forests 49: 341-362.  http://dx.doi.org/10.1007/s11056-017-9623-3

[10] BOËTSCH G et SPÄNI A. (2013) La Grande Muraille Verte : des arbres contre le désert. Editions Privat, France

[11] BREMAN H, KESSLER JJ (1995) Woody plants in agro-ecosystems of semi-arid regions with an emphasis on Sahelian countries. Springer-Verlag, Berlin, Germany

[12] SAGNA MB, NIANG K, GUISSE A & GOFFNER D (2014) Balanites aegyptiaca (L.) Delile: geographical distribution and ethnobotanical knowledge by local populations in the Ferlo (north Senegal). Biotechnol. Agron. Soc. Environ. 18: 503-511

[13] NATIONAL RESEARCH COUNCIL (2008) Lost Crops of Africa: Volume III: Fruits. The National Academies Press, Washington DC.

[14] SAGNA MB, NDIAYE O, DIALLO A, GOFFNER D & GUISSE  A (2014) Biochemical composition and nutritional value of Balanites aegyptiaca fruit pulp from the Ferlo region in northern Senegal.  Afr J Biotechnol 13: 336-342.

[15]  https://www.klorane.com/ch-fr/cheveux/dattier-du-desert

[16] DARDEL  C. KERGOAT L,  HIERNAUX P et al. (2014) Re-greening Sahel: 30 years of remote sensing data and field observations (Mali, Niger) 140:  350-364. https://doi.org/10.1016/j.rse.2013.09.011

[17] http://future-sahel.blogspot.com/

[18] https://www.ilesdepaix.org/wp-content/uploads/2014/09/Le-zaï-et-la-demi-lune.pdf

[19] http://books.openedition.org/irdeditions/3304

[20] https://rethink.earth/wayfinder/


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Pour citer cet article : GOFFNER Deborah, PEIRY Jean-Luc (27 mai 2019), La Grande Muraille Verte : un espoir pour reverdir le Sahel ?, Encyclopédie de l’Environnement. Consulté le 21 décembre 2024 [en ligne ISSN 2555-0950] url : https://www.encyclopedie-environnement.org/vivant/grande-muraille-verte-afrique-espoir-reverdir-sahel/.

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