Acclimatation ou adaptation ?
PDFL’acclimatation (ou ‘plasticité phénotypique’) est une modification phénotypique (morphologique, physiologique…) rapide et réversible des individus exposés à un changement environnemental. Par exemple, les jeunes saumons (Figure 1) ou les anguilles qui migrent depuis leurs rivières natales (eau douce) vers la mer connaissent un bouleversement physiologique (modifications anatomiques, physiologiques et endocriniennes) qui leur permet de supporter le changement de salinité, et ces modifications sont réversibles puisque les individus reviennent se reproduire en eau douce. C’est une réponse individuelle au changement environnemental.
L’adaptation est le résultat de la sélection naturelle effectuant un tri sur un ensemble d’individus (une population) présentant des caractéristiques (traits) variables et héritables (génétiques). Selon l’environnement rencontré, certaines caractéristiques vont permettre une meilleure survie et/ou reproduction des individus (traits adaptatifs) dans un environnement donné, et les gènes qui déterminent ces traits vont être sélectionnés d’une génération à l’autre. Il s’agit d’un processus graduel et irréversible qui opère à l’échelle de la population sur des temps longs (évolution). Par exemple les plantes d’Arabis alpina qui poussent à haute altitude présentent des inflorescences plus compactes (moins hautes) que les plantes provenant de populations de plaine, et ces différents phénotypes sont génétiquement fixés puisqu’ils sont conservés lorsque les plantes sont cultivées en jardin expérimental (Lire L’adaptation des organismes à leur environnement). C’est une réponse populationnelle au changement environnemental. Cette adaptation par tri sélectif des individus qui s’opère d’une génération à l’autre peut être relativement rapide lorsque les pressions de sélection sont fortes, comme dans le cas de l’évolution de la résistance aux insecticides chez de nombreux insectes depuis le milieu du 20e siècle (Lire L’adaptation des organismes à leur environnement).
Un autre exemple d’adaptation rapide particulièrement bien documenté est celui de la mouche de la pomme (Rhagoletis pomonella) qui à l’origine pond sur l’aubépine aux États-Unis (Figure 2). Depuis l’introduction de la culture des pommiers aux États-Unis il y a environ 150 ans, certaines populations se sont adaptées à pondre sur les pommes. Ces populations présentent de nombreux traits adaptatifs (date d’émergence, préférence olfactive…) qui les distinguent génétiquement des populations qui pondent sur l’aubépine [1]. Il s’agit là encore d’une réponse populationnelle à un changement d’environnement (introduction d’une nouvelle plante hôte par l’homme), en seulement quelques dizaines de générations.
Il est intéressant de noter que la plasticité phénotypique (caractéristique individuelle) peut également être un trait sous sélection, c’est-à-dire une caractéristique populationnelle, puisque chaque individu peut être plus ou moins capable d’acclimatation, et selon la gamme d’environnement rencontré par la population, les individus qui la composent vont être sélectionnés pour une plus ou moins grande capacité d’acclimatation, et la population sera globalement capable de se maintenir dans une gamme d’environnement plus ou moins large : on parle alors de ‘norme de réaction’ de la population, plutôt que de ‘plasticité phénotypique’ [2].
Toutes les modifications épigénétiques (non-génétiques par définition) entrent a priori dans la catégorie des acclimatations. Cependant, il a été récemment montré que certaines modifications épigénétiques peuvent se transmettre d’une génération à l’autre. La stabilité à long terme de la transmission épigénétique reste à démontrer. A ce jour, les exemples de caractères adaptatifs génétiquement déterminés (sélection naturelle) sont beaucoup plus nombreux que les exemples de transmission de caractères épigénétiques (hérédité des caractères acquis), et la distinction entre acclimatation et adaptation reste pertinente.
Références et notes
[1] Berlocher SH, McPheron BA. Population structure of Rhagoletis pomonella, the apple maggot fly. 1996; Heredity. 77(1):83-99.
[2] Pigliucci M. Evolution of phenotypic plasticity: where are we going now? 2005; Trends Ecol. Evol.20:481-6.