| Focus 4/5 | Quelles réponses de la biodiversité aux changements globaux ?

Adaptations au changement climatique

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À Paris comme ailleurs, les cerisiers s’adaptent au changement climatique par une floraison plus précoce.

En réponse au réchauffement global du climat, deux grands types d’adaptation sont attendus et observés, dans le monde tant animal que végétal [1], que l’on peut voir comme deux dimensions, écologique et géographique (ou spatiale), de l’adaptation des espèces :

  • Ajustement phénotypique et/ou adaptation génétique de la niche écologique des individus et populations aux nouvelles conditions locales. C’est-à-dire : ajustement partiel du cycle de vie (phénologie) et d’autres caractéristiques biologiques (morphologie, physiologie) des individus et populations confrontés à de nouvelles conditions climatiques et écologiques locales (cycle des saisons, cycle nycthéméral), exploration et utilisation des micro-habitats et microclimats locaux, exploitation de nouvelles proies, confrontation et défenses contre nouveaux prédateurs et compétiteurs, etc.
  • Déplacement de l’aire de répartition des populations vers des conditions climatiques plus favorables, c.à.d. principalement vers les pôles ou en altitude, avec une vitesse variable.

Abeilles adaptation changement climatique
Figure 1. Citron et abeille sur un pois de senteur. [Source : © Anne Teyssèdre.]
Les suivis de biodiversité des vingt dernières années documentent largement ces deux grands types de réponses, de la part des espèces comme des communautés. Au plan local, la plupart des plantes fleurissent et fructifient plus tôt au printemps dans les régions tempérées et boréales, avec un déphasage général du « verdissement » des communautés végétales observé par satellite, à l’échelle des habitats, des paysages et des régions [2].

Les insectes répondent à ce déphasage en ajustant progressivement leur cycle de vie, via leur stratégie ‘r’ ou/et leur plasticité comportementale, à celui des plantes dont ils se nourrissent. Cet ajustement est plus facile pour les espèces généralistes telles que les papillons citrons (Gonepteryx rhamni) et les abeilles (Figure 1)… tant que les plantes ne sont pas arrosées de pesticides ! En outre, la couleur des ailes des papillons, libellules et autres insectes d’Europe s’éclaircit progressivement, à l’échelle régionale, en réponse à l’augmentation des températures estivales [3]. La sélection naturelle en faveur d’une livrée plus pâle, absorbant moins les radiations solaires, joue en effet pour l’ensemble des espèces d’insectes sombres exposées à l’hyperthermie dans un climat plus chaud. En d’autres termes, les populations d’espèces sombres se raréfient en Europe du Sud, mais évoluent aussi via la sélection et reproduction des individus les plus pâles.

Mammifères, oiseaux et reptiles s’adaptent localement plus ou moins bien, selon leur plasticité comportementale et leur stratégie démogénétique, aux nouveaux cycles de vie de leurs proies et autres partenaires écologiques : déphasage des dates de migration ou d’hibernation, du calendrier de reproduction, utilisation de nouvelles ressources, …

Bruant zizi changement climatique
Figure 2. Bruant zizi sur un rocher (Valence, Espagne). Amateur d’habitats ouverts et ensoleillés, le Bruant zizi (Emberiza cirlus) est en expansion en Europe, probablement du fait du réchauffement climatique. [Source : Cirl_bunting.jpg: Paco Gómez from Castellón, Spainderivative work: Bogbumper, CC BY-SA 2.0, via Wikimedia Commons]
Quant aux déplacements, à l’échelle de l’Europe, les communautés de plantes, de papillons et d’oiseaux suivies depuis plus de 20 ans étendent leur aire de répartition vers le Nord, à des vitesses variables selon les groupes et pays considérés [4].

Toutefois, ces réponses au changement climatique ne peuvent être que partiellement adaptatives [5], [6], [7]. Elles semblent notamment insuffisantes pour inverser la dynamique de déclin des espèces spécialistes de type ‘K’ (i.e. longévives et peu fécondes), plus sensibles à la transformation et à la fragmentation massives de leurs habitats, pour plusieurs raisons :

  • l’absence de synchronisation entre espèces, notamment selon leur niveau trophique, désorganise partiellement les réseaux écologiques au détriment surtout des espèces spécialistes, longévives et peu fécondes (type ‘K’) ;
  • étant donné la forme de la biosphère, des continents et du relief, la superficie des habitats au climat potentiellement favorable diminue vers les pôles et en altitude, limitant le nombre d’espèces « réfugiées climatiques » (de type ‘r’ ou ‘K’) qui pourront s’y établir ; en outre, l’accessibilité de ces habitats n’est pas garantie, surtout pour les grandes espèces ‘K’ spécialistes qui devront traverser des habitats défavorables ou/et anthropisés ;
  • Incendie changement climatique
    Figure 3. Incendie de la Stanislaus National Forest (Californie), en 2013. Ce feu favorisé par la canicule a détruit plus de 1000 Km2 de forêt en août 2013, faisant de nombreuses victimes animales et végétales. [Source : U.S. Department of Agriculture, Public domain, via Wikimedia Commons]
    toutes ces réponses ne peuvent protéger les populations d’espèces ‘K’ contre les effets dévastateurs d’événements climatiques extrêmes tels que sécheresses prolongées, incendies de forêts, tempêtes et inondations (voire typhons et tsunamis, en région tropicale), dont la fréquence augmente actuellement avec l’intensité du changement climatique.

 


Notes et références

Image de couverture. Cerisiers en fleurs. [Source : Koudkeu, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons]

[1] Moritz C. & R. Agudo, 2013. The future of species under climate change: Resilience or decline? Science 341:504-508.

[2] Bellard C., C. Bertelsmeier, P. Leadley, W. Thuillier & F. Courchamp, 2012. Impacts of climate change on the future of biodiversity. Ecol. Lett. 15:365-377.

[3] Zeuss D., R. Brandl et al., 2014. Global warming favours light-coloured insects in Europe. Nature Communications 5, 3874.

[4] Devictor V., C. van Swayy et al., 2012. Differences in the climatic debts of birds and butterflies at a continental scale. Nature Climate Change 2:121-124.

[5] Biesmeijer J.C., Roberts S.P.M., Reemer, M. et al., 2006. Parallel declines in pollinators and insect-pollinated plants in Britain and the Netherlands. Science 313:351–354.

[6] Sanchez-Bayo F. & Kris A.G. Wyckhuys, 2019. Worldwide decline of the entomofauna : A review of its drivers. Biological Conservation 232 : 8–27.

[7] Bellard C., C. Bertelsmeier, P. Leadley, W. Thuillier & F. Courchamp, 2012. Impacts of climate change on the future of biodiversity. Ecol. Lett. 15:365-377.