| Focus 3/4 | Le chemin du carbone dans la photosynthèse

Saccharose ou amidon ?

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photosynthese
Figure 1. Bilan intégré de la photosynthèse. Les réactions primaires, qui se déroulent au sein des thylacoïdes, utilisent l’énergie solaire pour synthétiser de l’ATP et du NADPH, qui apportent respectivement de l’énergie chimique et du pouvoir réducteur au cycle de Benson-Bassham-Calvin, localisé dans le stroma, afin d’incorporer du CO2 dans des molécules organiques (molécules en C3 phosphorylées) qui seront exportées hors du chloroplaste pour donner divers sucres (dont le saccharose). L’oxygène dégagé est produit lors de l’oxydation de l’eau. Le maintien du pool de phosphate chloroplastique est donc essentiel pour que la photosynthèse se déroule de manière optimale.

Au niveau du chloroplaste, la photosynthèse consomme de l’eau, du CO2 et produit de l’oxygène et –chez les plantes C3- des molécules en C3 phosphorylées (ou trioses phosphate) (Figure 1). Ainsi le chloroplaste perd un phosphate chaque fois qu’une molécule de triose phosphate est exportée vers le cytoplasme. Or il faut impérativement du phosphate pour la synthèse d’ATP au sein du chloroplaste. Le maintien du pool de phosphate dans le chloroplaste est donc essentiel pour la photosynthèse.

1. L’enveloppe des chloroplastes et la régulation de la photosynthèse

Des mouvements de molécules doivent donc nécessairement s’établir entre les chloroplastes et le cytoplasme des cellules dans lequel ils baignent. C’est à ce niveau qu’intervient l’enveloppe limitante des chloroplastes.[1]

Figure 2. Représentations schématiques du rôle du transporteur de phosphate de l’enveloppe dans l’utilisation des trioses phosphate (C3P) synthétisées au sein du stroma. En conditions normales (A), chaque molécule de triose phosphate est exporté du chloroplaste en échange d’une molécule de phosphate (Pi) libéré par la synthèse de saccharose dans le cytoplasme en vue de son exportation vers le reste de la plante. Lorsque le saccharose ne peut plus être exporté de la cellule chlorophyllienne, la concentration de phosphate dans le cytoplasme s’abaisse fortement (B), le transporteur de phosphate de l’enveloppe ne peut plus exporter les trioses phosphate produits par le cycle BBC, ils sont alors utilisés dans le stroma pour former de l’amidon qui s’accumule au sein du chloroplaste. Adapté de Douce & Joyard (1977)

L’enveloppe contrôle les mouvements de nombreuses molécules entre le stroma des chloroplastes et le cytoplasme de la cellule. Ainsi, elle oriente les trioses phosphate synthétisées au sein du stroma vers une utilisation immédiate (synthèse de saccharose dans le cytoplasme) ou différée (synthèse de l’amidon dans le chloroplaste) de ces molécules par la cellule (Figure 2).

Comme l’ensemble des êtres vivants, l’homme dépend étroitement de la production végétale et donc de la photosynthèse pour vivre et se développer. Ainsi, chaque atome de carbone de chaque molécule de notre corps a nécessairement traversé la membrane limitante d’un chloroplaste : sous forme de CO2 et de triose- phosphate.

2. Des trioses-phosphate exportés pour la synthèse de saccharose

La présence dans le stroma d’un pool important de phosphate (environ 10 mM) permet à l’ATP synthase de fonctionner. En échangeant une molécule de trioses phosphate produit dans le stroma par le cycle de Benson-Bassham-Calvin contre une molécule de phosphate du cytosol, une protéine particulière localisée dans la membrane interne de l’enveloppe, le transporteur de phosphate, va permettre de maintenir le pool de phosphate à son niveau optimal.

Les molécules de trioses phosphate exportées vont jouer un rôle fondamental dans l’économie de la cellule. Elles seront les intermédiaires de la glycolyse  dont  dérivent pratiquement toutes les grandes voies du métabolisme. Très rapidement les atomes de carbone qui les constituent vont se retrouver dans les glucides, les lipides, les protéines et les acides nucléiques de la plante. C’est le cas du saccharose, dont la synthèse libère du phosphate qui peut retourner au chloroplaste, et qui est surtout la forme de transport des produits de la photosynthèse : il se déplace de cellule à cellule vers les vaisseaux conducteurs (situés dans les nervures des feuilles et les tiges), il est alors exporté vers d’autres territoires de la plante (racines par exemple) où il sera consommé ou stocké, essentiellement sous forme d’amidon [2]. Il a été calculé que chaque mètre carré de feuille de betterave à sucre déverse dans les vaisseaux conducteurs environ 130 mg de glucides à la minute.

3. Synthèse d’amidon dans le chloroplaste

Figure 3. Cellule végétale avec grains d’amidon au sein des chloroplastes. Photo Eldon Newcomb © Board of Regents of the University of Wisconsin System. On distingue la paroi cellulaire, un noyau, des mitochondries (siège de la respiration cellulaire), des chloroplastes (siège de la photosynthèse) et la vacuole.

Lorsque la concentration de phosphate dans le cytoplasme est basse (par exemple en fin de journée lorsque les grandes voies du métabolisme sont engorgées), le transporteur de phosphate de l’enveloppe ne peut plus fonctionner. La synthèse de l’amidon au sein du stroma prend alors le relais : ce haut polymère du glucose ne risque pas, au contraire de petites molécules comme le saccharose, d’élever la pression osmotique du stroma. Des grains d’amidons sont ainsi stockés au sein du chloroplaste (Figure 3). Par ailleurs, sa synthèse libère du phosphate et permet donc le fonctionnement de l’ATP synthase et donc à la photosynthèse de se poursuivre en stockant de la matière organique carbonée pour une utilisation ultérieure par l’organisme mais aussi par d’autres organismes vivants qui consomment les plantes pour leur alimentation.

4. L’amidon : une forme de stockage des produits de la photosynthèse

Figure 4. Grains d’amidon au sein d’amyloplastes dans des cellules de tubercules de pommes de terre. [Source : https://www.wikiwand.com/fr/Amidon]
Parce qu’il n’augmente pas la pression osmotique des compartiments cellulaires où il est synthétisé (chloroplastes, amyloplastes, etc…), l’amidon est une forme de stockage idéale des produits de la photosynthèse dans les plantes supérieures :

  • Dans les feuilles photosynthétiques, l’amidon s’accumule pendant le jour et est remobilisé la nuit pour soutenir la respiration et la croissance dans l’obscurité.
  • Dans les organes de stockage tels que les tubercules, les bulbes ou les semences, l’amidon sert de réservoir de carbone à plus long terme (Figure 4), qui est remobilisé plus tard lors de la germination des graines, ou le développement des bulbes ou des tubercules.

En plus de son rôle central dans la physiologie des plantes, l’amidon a également une grande importance économique. Il est le deuxième biopolymère le plus abondant sur terre -après la cellulose- et le plus important des glucides utilisés pour l’alimentation humaine et animale. Il représente la principale ressource de notre alimentation et la matière première pour diverses applications industrielles, comme par exemple la production de bioéthanol (Lire Les biocarburants).

 


Notes et références

Image de couverture. [Partie figure 3, Photo Eldon Newcomb © Board of Regents of the University of Wisconsin System].

[1] Douce R. & Joyard J., 1977, Le chloroplaste. La Recherche, 8, 527-537 ; Douce R. & Joyard J., 1990, Biochemistry and function of the plastid envelope. Annu Rev Cell Biol. 6:173-216 ; Joyard J, Teyssier E, Miège C, Berny-Seigneurin D, Maréchal E, Block MA, Dorne AJ, Rolland N, Ajlani G, Douce R., 1998, The biochemical machinery of plastid envelope membranes, Plant Physiol. 118(3):715-23.

[2] Geigenberger P. (2011) Regulation of Starch Biosynthesis in Response to a Fluctuating Environment. Plant Physiol. 155, 1566-1577.


En savoir plus

  • Les deux membranes de l’enveloppe d’un chloroplaste peuvent être visualisées de manière interactive sur le site du « SUN Chloroplast E-book »
  • Farineau J. & Morot-Gaudry F., 20171, La Photosynthèse, Quae, ISBN 978-2-7592-2667 2 (3e édition)
  • Pfister B. & Zeeman S.C. (2016). Formation of starch in plant cells. Cellular and molecular life sciences : CMLS, 73(14), 2781–2807. doi:10.1007/s00018-016-2250-x
  • https://www.wikiwand.com/fr/Amidon